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Puissance 4

Paris
Cité de la musique
11/15/2003 -  


Les Français, ou tout du moins, les Franciliens aiment-ils la musique de chambre? La question mérite d’être posée lorsque l’on constate que ce nouveau marathon organisé par la Cité de la musique, cette fois-ci autour du quatuor et des cordes, n’a pas toujours fait salle comble, loin s’en faut, même s’il a rassemblé un public remarquablement attentif et passionné.


On pouvait pourtant difficilement faire mieux durant ces quatre jours (13-16 novembre), avec vingt et un concerts (seize pour les quatuors et cinq pour des formations allant du solo jusqu’au trio à cordes), huit quatuors prestigieux (Amati, Arditti, Borodine, Hagen, Keller, Lindsay, Prazak et Ysaÿe) et, surtout, seize compositeurs de quatuors: deux grandes intégrales (Beethoven, Bartok), les deux quatuors de Ligeti et celui de Debussy, ainsi que des explorations plus ou moins approfondies parmi les piliers du genre (Haydn, Mozart, Schubert, Brahms, Berg, Chostakovitch) et parmi quelques outsiders (Schumann, Prokofiev, Miaskovski) ou contemporains (Carter, Xenakis, Lachenmann). Un tel déploiement n’en avait pas moins ses laissés pour compte, à savoir, sans prétendre à l’exhaustivité et pour s’en tenir aux compositeurs de cycles de quatre unités ou plus: Cherubini, Mendelssohn, Dvorak, Zemlinsky, Schönberg, Malipiero, Villa-Lobos, Martinu, Hindemith ou Milhaud.


Ou est-ce précisément la crainte d’une indigestion qui, malgré la mise à disposition de billets d’entrée à la journée, relativement avantageux, en aura rebuté certains?


Samedi 15 novembre, 11 heures
Ludwig van Beethoven : Quatuors n° 9, opus 59 n° 3, et 15, opus 132
Quatuor Lindsay


Partagée avec les Prazak, les Borodine, les Amati et les Hagen, l’intégrale Beethoven passait également par les Lindsay. Dans le Neuvième quatuor (1807), ils insistent sur les déchirures du discours et sur la verdeur voire la laideur des timbres, dans une approche véhémente mais une réalisation émaillée d’accidents.


De facture encore plus originale, le Quinzième quatuor (1825) convient peut-être mieux au tempérament fougueux des Britanniques, qui, tout en soignant la progression que décrit l’hymne du Molto adagio, en soulignent le caractère dramatique, voire théâtral, et les changements de climats, pour conclure sur un Allegro appassionato plein de vie et d’élan, sorte d’Es muss sein avant la lettre.


Samedi 15 novembre, 15 heures
Joseph Haydn : Quatuor n° 74 «Le Cavalier», opus 74 n° 3
Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor n° 22, K. 589
Béla Bartok : Quatuor n° 2, sz. 67

Quatuor Hagen


Dans le Soixante-quatorzième quatuor «Le Cavalier» (1793) de Haydn, les Hagen commencent une véritable démonstration de précision, de perfection instrumentale, de finesse, de tenue, d’intelligence et de sensibilité, dans une conception tirée au cordeau, certes traditionnelle et sans surprises, mais parfaitement exécutée et contrôlée de bout en bout.


Nullement en retrait, le Vingt-deuxième quatuor (1789) de Mozart reste sur les mêmes hauteurs, sans verser pour autant dans le narcissisme. En témoigne par exemple le violoncelle exact et impérieux de Clemens Hagen, qui y trouve tout particulièrement à s’y illustrer.


Les Hagen participent également à l’intégrale Bartok, par ailleurs confiée aux Keller et aux Arditti (cf. infra) ainsi qu’aux Amati. Plus viennois que magyar, descendant de Brahms et cousin de Schönberg, leur Deuxième quatuor (1917) est d’une telle perfection instrumentale que la spontanéité en paraît parfois absente, sauf dans l’Allegro molto cappricioso.


Dimanche 16 novembre, 15 heures
Franz Schubert : Quatuor n° 12 (Quartettsatz), D. 703
Béla Bartok : Quatuor n° 2, sz. 67
György Ligeti : Quatuor n° 1 «Métamorphoses nocturnes»

Quatuor Keller


Les Keller se placent sans doute au même niveau d’homogénéité et de qualité que la prestation offerte la veille par les Hagen, quoique dans un style différent: dès le Douzième quatuor (1820) de Schubert, si la netteté de vues est comparable, elle laisse davantage s’épanouir un lyrisme délicat et un tragique distancié, plus Sturm und Drang qu’échevelé.


Dans le Premier quatuor de Bartok (1909), c’est la maîtrise admirable de la construction, des tensions et de la progression qui frappe. D’une probité et d’une exactitude exemplaires, les Keller restituent admirablement l’esprit de l’oeuvre. Ils mettent également en valeur les influences qui marquent ce premier essai – si réussi – dans le genre du quatuor: couleurs françaises de l’épisode central du Lento, rythme beethovenien du violoncelle en pizzicato dans l’Allegretto et récitatif non moins beethovenien qui assure la transition vers l’Allegro vivace final.


Parfois qualifié de Septième quatuor de Bartok, le Premier quatuor «Métamorphoses nocturnes» (1954/1958) de Ligeti conclut de façon à la fois logique et surtout magnifique ce concert: beaucoup plus expansifs et extérieurs, d’une virtuosité roborative, les Hongrois n’hésitent pas ici à cultiver les tons rauques en même temps qu’un lyrisme débordant.


Alors qu’une voix dans le public réclame Kurtag, un choix qui aurait couronné la logique nationale et géographique du programme, les Keller répondent au triomphe qui leur est fait par une pirouette – le mouvement lent du Sixième quatuor (opus 1 n° 6) de Haydn, où le violon est accompagné par ses trois partenaires en pizzicato – encore que… le compositeur ait longtemps résidé à Esterhaza et que sa musique possède parfois un parfum hongrois.


Dimanche 16 novembre, 17 heures
Bohuslav Martinu : Variations sur un thème slovaque, H. 378 – Variations sur un thème de Rossini, H. 290
Johannes Brahms : Sonate pour piano et violoncelle n° 1, opus 38
Dimitri Chostakovitch : Sonate pour piano et violoncelle, opus 40
Niccolo Paganini : Introduction et variations sur le thème du «Moïse» de Rossini, opus 24 – Cantabile, opus 17

Heinrich Schiff (violoncelle), Stefan Vladar (piano)


Petite échappée (de luxe) hors du quatuor, avec ce beau récital donné non par Heinrich Schiff, mais par Heinrich Schiff et Stefan Vladar, tant les deux musiciens jouent à parité. Sous l’intitulé «lyrisme et virtuosité», le violoncelliste allemand a d’abord choisi les rares Variations sur un thème slovaque (mars 1959) de Martinu, dans lesquelles il fait apprécier sa sonorité et son aisance technique.


La Première sonate (1862/1865) de Brahms, rigoureuse et droite, est marquée par le même souci d’éviter les effets de manche sans négliger pour autant l’expression, avec un Allegretto quasi minuetto plus humoresque que mélancolique. Dans la Sonate (1934) de Chostakovitch, nul souci non plus de forcer un texte dont les inflexions successives seront fidèlement traduites (inquiétude, lassitude, humour, élégie, sarcasme).


Il faut alors malheureusement quitter la Grande salle et abandonner la partie plus virtuose du récital (Variations sur un thème de Rossini de Martinu puis Introduction et variations sur le thème du «Moïse» de Rossini et Cantabile de Paganini) pour rejoindre l’amphithéâtre du Musée de la musique et y retrouver les Arditti.


Dimanche 16 novembre, 18 heures 30
Béla Bartok : Quatuor n° 3, sz. 85
Elliott Carter : Quatuor n° 5
Helmut Lachenmann : Quatuor n° 3 «Grido»

Quatuor Arditti


Dans une lecture sans concession du Troisième quatuor (1927) de Bartok, les Arditti en révèlent la violence, les textures rêches et acides ainsi que le sens dramatique. Du coup, le Cinquième quatuor (1995) de Carter s’enchaîne sans rupture de ton. Dédié aux musiciens britanniques, il repose sur la dialectique du quatuor en tant qu’ensemble et en tant qu’expression de quatre individualités. C’est cet aspect rationnel, davantage que la poésie que parvenait à en faire naître le Quatuor Diotima (voir ici), qui est ici mis en lumière.


Egalement destiné aux Arditti, qui en avaient d’ailleurs assuré la création française au Festival Agora en 2002 (voir ici), le Troisième quatuor «Grido» (2001) de Lachenmann travaille, comme à l’accoutumée chez le compositeur allemand, la non-musique: le son, le bruit, le silence plus que le contrepoint, l’harmonie ou la mélodie. Extrême, radicale, mais ne renonçant pas pour autant au spectaculaire, à la virtuosité ou à l’humour, ni même au dialogue et à la fusion des quatre instruments, l’oeuvre se présente comme un bloc d’un seul tenant d’une durée de vingt-cinq minutes constituée d’épisodes de caractère distinct, au cours desquels la quasi-totalité des modes de jeu des cordes sont expérimentés.



Simon Corley

 

 

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