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Magistrale leçon de théâtre Lausanne Opéra 11/09/2003 - et les 11*, 14, 16 et 19 novembre 2003 Giuseppe Verdi: La Traviata Alexia Cousin (Violetta Valéry), Michelle Canniccioni (Flora Bervoix), Linda Ormiston (Annina), Tracey Welborn (Alfredo Germont), Wojtek Drabowicz (Giorgio Germont), Emiliano Gonzalez-Toro (Gastone), Jean-Marc Salzmann (Barone Douphol), Evguenyi Alexiev (Marchese d’Obigny), Alexandre Diakoff (Dottor Grenvil), Jean-Pascal Cottier (Giuseppe), Etienne Hersperger (il commissionario), Angel Martinez (un servo)
Chœur de l’Opéra de Lausanne, Sinfonietta de Lausanne (banda), Orchestre de Chambre de Lausanne, Steven Sloane (direction)
Patrice Caurier et Moshe Leiser (mise en scène)
Il faut bien l’avouer, d’ordinaire les émotions procurées par les spectacles d’opéra sont plutôt d’ordre vocal, les mises en scène ne réussissant pour ainsi dire jamais à emballer le public, tellement elles sont convenues ou alors complètement farfelues. La nouvelle production lausannoise de La Traviata est l’heureuse exception qui confirme la règle. Rarement une représentation lyrique aura à ce point pris les spectateurs aux tripes, rarement un opéra écrit il y a exactement 150 ans aura paru d’une telle actualité.
Le mérite en revient essentiellement à Patrice Caurier et Moshe Leiser, les deux artisans d’une magistrale leçon de théâtre. Plus que déplacer l’action à notre époque (ce qui n’est guère nouveau), ils ont su insuffler aux chanteurs l’énergie et les gestes qui leur permettent de rendre parfaitement crédible chacun de leur mouvement sur scène. Tout dans l’attitude des protagonistes, à commencer par Alexia Cousin en Violetta, est plausible, à des millions d’années-lumière des conventions du genre. Les deux moments les plus réussis du spectacle sont le duo, pour une fois véritablement déchirant, entre Violetta et Giorgio Germont au IIe acte, et surtout le IIIe acte, où la Traviata, sous perfusion sur son lit d’hôpital, jette littéralement à la face du public sa peur de mourir. Frissons garantis!
Mais commençons par le début: Violetta est un top model qui réunit dans son loft une jeunesse dorée et insouciante, pour une party d’enfer où les invités se trémoussent sur des airs de Verdi. Au début du IIe acte, Alfredo raconte son bonheur au téléphone portable. La fête organisée par Flora se déroule devant un immense tableau aux couleurs vives, laissant supposer que la confidente de Violetta possède une galerie. Le dernier acte, comme déjà dit, se déroule dans une immense et froide chambre d’hôpital, où l’héroïne se meurt d’un cancer du poumon. La transposition fonctionne parfaitement, à l’exception peut-être de la demande de Giorgio Germont au IIe acte, où quelques doutes surgissent: une séparation pourrait-elle raisonnablement être exigée dans ces conditions de nos jours? Mais les réserves sont vite dissipées par la suite.
Le spectacle n’aurait pas atteint de tels sommets sans l’engagement scénique époustouflant d’Alexia Cousin et, dans une moindre mesure, de ses deux collègues masculins. Vocalement par contre, la distribution est très loin de l’idéal, mais qui s’en soucie? Alexia Cousin s’investit tellement dans son personnage qu’on en oublie les vocalises imprécises du Ier acte, la diction approximative, la voix terriblement dure et surtout une désagréable tendance à trop souvent chanter fortissimo. Dans un autre lieu et une autre production, sa prestation aurait été sanctionnée sévèrement. Qu’importent aussi le timbre plutôt fluet et pas franchement des plus beaux de Tracey Welborn en Alfredo et l’absence de legato de Wojtek Drabowicz en Germont père? Qu’importent également les fréquents décalages entre scène et fosse, où officie Steven Sloane à la tête de l’Orchestre de Chambre de Lausanne? Après une telle soirée, les prochains spectacles d’opéra sembleront bien fades.
Claudio Poloni
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