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Feu d’artifice musical et vocal!

Paris
Cité de la musique
10/23/2003 -  
Christoph Willibald Gluck: Paride e Elena
Magdalena Kozena (Paride), Susan Gritton (Elena), Carolyn Sampson (Amore), Gillian Webster (une voix, Pallade)
Gabrieli Consort and Players
Paul McCreesh (direction)

Oeuvre peu connue et rarement jouée, Paride ed Elena de Christoph Willibald Gluck s’inscrit dans un programme de redécouverte du répertoire de ce compositeur, chemin ouvert assez récemment par Marc Minkowski ou John Eliot Gardiner. Si l’opéra a connu un bon succès à sa création à Vienne en 1770, il a depuis été délaissé par les grandes maisons lyriques, mais revient ici en version concertante et avec une distribution impressionnante.



La soirée est, bien évidemment, dominée et illuminée par Magdalena Kozena. Révélée au public français lors de la réouverture du Châtelet en 1999 où elle incarnait un Orphée hiératique et troublant, cette jeune chanteuse excelle dans ce répertoire. Elle ne connaît aucune limite vocale et chante les notes graves et aiguës avec la même intensité, le même contrôle. Sa performance vocale est en tous points admirable mais elle est surtout renforcée par une expressivité et une profondeur assez rares. Magdalena Kozena est une des rares artistes à se mettre avec une telle puissance dans la peau d’un personnage, même lorsqu’il s’agit d’une version concertante. Quand elle avait chanté Mélisande à l’opéra-Comique en avril 2002, elle était montée sur scène déjà en tant que Mélisande et non en tant que chanteuse. Ce soir, c’est identique et pendant tout le concert elle ne se dépare pas de ce visage consterné, figé. Magdalena Kozena tire le personnage de Paride vers le tragique et toutes ses notes témoignent de la douleur du guerrier. Dans son air introductif elle allonge la durée de la note “i” sur “sospiro”, note qu’elle semble tenir dans les airs pour la faire redescendre ensuite avec une maîtrise étourdissante. Ensuite dans le récit de la scène 2 de l’acte I, elle s’attache particulièrement à rendre ses “i” de “uidi” et “stupidi” particulièrement effrayants. Outre l’air célèbre “Le belle immagini”, il faut retenir aussi le long passage de l’acte III “Quegli occhi belli” dans lequel elle donne une démonstration de tout son talent: mezza-voce, alternance de notes chantées très fortes puis à peine audibles, crescendo et decrescendo à volonté…
L’interprétation de Susan Gritton du rôle d’Elena est également assez remarquable. Sa voix donne un relief au personnage et elle est en parfaite adéquation avec l’intention dramatique du compositeur. La rondeur de son instrument fait merveille dans le trio “forse piu” et dans les duos avec Paride, on se prend à entendre les deux soeurs de Cosi tant les deux chanteuses sont en harmonie entre elles.
Carolyn Sampson propose un portrait intéressant d’Amore et n’hésite pas à “jouer” le personnage à travers divers clins d’oeil au public ou aux autres chanteuses et à ainsi suggérer l’espièglerie du petit dieu et son intervention dans l’intrigue. La voix de la chanteuse anglaise est fluide, malléable et convient parfaitement à ce type de rôle. Parfois on la voudrait un peu plus charnue mais ce ne sont que de minces réserves. Carolyn Sampson ne se montre pas avare de vocalises, de retenues mais sa technique lui permet de les mener à bien.
Les deux interventions de Gillian Webster sont très inégales. Autant elle se montre une Pallade assurée vocalement, autant elle est une voce un peu éteinte et surtout inaudible. En revanche, c’est une musicienne subtile dans la première partie quand elle chante une mélodie “dall’aurea” sur des notes piquées des violons.
Passons enfin sur l’intervention du ténor David Auchincloss qui est peut-être un bon choriste au sein de l’ensemble Gabrieli mais dont la voix trop légère ne lui permet que difficilement de passer l’orchestre.
La direction de Paul McCreesh est claire, enlevée et dynamique et contribue à la réussite du concert. Il se montre attentif à ses solistes, les suit et ralentit son orchestre dans les passages plus intenses notamment lors de la scène de séduction entre Elena et Paride (acte III) quand ce dernier tente de faire comprendre à la jeune fille à quel point il est atteint par l’amour.



Après quelques essais intéressants ces dernières années, il était temps de rendre ses lettres de noblesse à cette oeuvre qui se révèle captivante musicalement et qui recèle de très beaux airs, poignants et émouvants. Gluck s’est largement inspiré de cet opéra pour la version française d’Orphée et Euridice (trio Paride-Elena-Amore est repris pour le trio Orphée-Euridice-Amour) et même si Paride ed Elena n’atteint pas sa perfection, on sent les prémices d’un grand compositeur auquel les interprètes présents ont rendu un vibrant et saisissant hommage.




A noter:
- Un enregistrement est prévu de cet opéra.
- Ce concert est le premier d’une série consacrée aux voix baroques et qui se poursuit jusqu’au dimanche 26 octobre: au programme, samedi à 17h, des oeuvres de Vivaldi sous la direction de Rinaldo Alessandrini, à 20h, un panorama, par la soprano Raffaella Minalesi et les Talens Lyriques de Christophe Rousset, des airs composés pour les castrats. Enfin dimanche à 16h30, un concert intitulé “anges et démons” dans lequel on pourra entendre dans des oeuvres peu connues de Provenzale, Grillo, par Antonio Florio et son ensemble La Cappella de’Turchini.
- Deux nouveaux disques de Magdalena Kozena viennent de sortir, tous deux dirigés par Marc Minkowski et chez DGG: Giulio Cesare dans lequel elle interprète une magnifique et sensible Cléopâtre et un récital consacré aux airs français qui donne à entendre et à redécouvrir des pages de Massenet, Gounod, Offenbach.


Manon Ardouin

 

 

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