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Une reprise luxueuse!

Paris
Bastille
10/04/2003 -  et les 6, 9*, 11, 14, 19, 22, 24, 27 et 30 octobre
Giacomo Puccini: La Bohème
Cristina Gallardo-Domas (Mimi), Maira Kerey (Musetta), Marcelo Alvarez (Rodolfo), Manuel Lanza (Marcello), Luca Pisaroni (Colline), Christopher Schaldenbrand (Schaunard), Michel Trempont (Benoît), Christian Jean (Alcindoro), Gérard Noizet (Parpignol), Armando Noguera (Sergent), Philippe Madrange (gendarme)
Dante Ferretti (décors), Gabriella Pescucci (costumes), Guido Levi (lumières), Jonathan Miller (mise en scène)
Orchestre et Choeurs de l’Opéra National de Paris - Maîtrise des Hauts de Seine - Choeurs d’enfants de l’Opéra National de Paris
Daniel Klajner (direction)

Cette ènième reprise de la mise en scène de Jonathan Miller de La Bohème est principalement marquée par les débuts magnifiques en France de Marcelo Alvarez dans le rôle du poète Rodolfo. Certes mais cette production présente de nombreux autres aspects très intéressants à commencer par une mise en scène simple, sobre mais efficace, ensoleillée par une distribution sans failles.



L’opéra s’ouvre sur la chambre des quatre amis, décor qui ressemble par bien des côtés à celui de la mise en scène de l’opéra de Vienne dans les années 60: poêle, fenêtre ouverte sur la droite, disposition des chaises et de la table… Certes La Bohème demande une panoplie d’accessoires de base mais Jonathan Miller et son décorateur Dante Ferretti ne font pas preuve de beaucoup d’originalité. Outre ces quelques objets, un lit trône sur le côté gauche, lit sur lequel Mimi s’assoit, prise de son premier malaise, et où elle mourra ensuite. En revanche les décors du deuxième tableau sont ingénieux car ils sont composés d’une rue pavée où les enfants courent après Parpignol. Derrière on voit le café Momus et par un habile jeu de miroirs, on peut imaginer d’autres clients au fond de la scène. Le troisième tableau est tout aussi intelligent puisqu’il s’agit encore d’une rue où toute une vie s’installe: un personnage à vélo traverse la rue, les choristes balayeurs passent, les deux policiers se promènent… Tous ces petits détails contribuent à rendre vivantes la scène et l’action. A gauche est représenté l’hôtel où vivent Musetta et Marcello: là aussi des serveurs s’activent à l’intérieur. Les costumes respectent la tradition des productions de cet opéra: longs manteaux usés, écharpes… De facture très classique et assez intimiste dans les scènes psychologiques, cette mise en scène parvient à insister sur les tourments amoureux des deux couples et notamment dans le quatuor du troisième tableau où Mimi et Rodolfo, couple assez calme et sensible, sont à droite et ne se déplacent pas beaucoup alors que Marcello et Musetta, principalement cette dernière, ne cessent, à gauche, d’aller et venir du fond au devant de la scène.


Cristina Gallardo-Domas triomphe dans le rôle de Mimi. Il est sûr qu’elle est très émouvante notamment dans la scène finale: elle trouve de très beaux accents pour exprimer son amour désespéré pour Rodolfo et la mort qui vient l’enlever. Ses gestes sont presque saccadés, ses bras sont étendus comme si elle ne pouvait plus les contrôler. Les dernières notes qu’elle chante sont superbes et elle les fait précéder d’une respiration lourde qui convient aux mourants. Certes mais le reste de la représentation ne laissait pas présager une telle fin. La chanteuse a une très belle voix, une grande agilité et des aigus clairs et affermis mais cela ne suffit pas pour interpréter un personnage. Elle semble constamment effacée et même si son air “Si mi chiamano Mimi” est très bien mené, cela reste une mélodie agréable à écouter mais sans puissance dramatique véritable. La chanteuse est très attentive au texte et elle tente de lui donner un sens en utilisant la clarté de sa voix et donc une certaine fraîcheur et jeunesse: quand elle dit dans son fameux air “sola, soletta”, les notes sont presque piquées. Malheureusement les graves ne sont pas assez puissants et dans la descente “ma quando”, sa voix s’enlaidit. Espérons que la suite des représentations lui permettra d’affermir son personnage et de lui donner autant de relief à la fin qu’au début de l’ouvrage car on pourrait tenir une bien belle Mimi.
Marcelo Alvarez est, bien évidemment, l’autre grand triomphateur de la soirée. Après avoir fait des débuts remarqués dans ce rôle à la Scala la saison dernière, Paris peut enfin admirer son interprétation de Rodolfo qui n’a rien à envier à ses illustres prédecesseurs. Sa voix, toujours aussi belle et malléable, lui permet de donner toute son expressivité au personnage notamment dans les scènes de désespoir où le chanteur se montre le plus remarquable. Il trouve des accents complètement tristes, perdus au moment où il se rend compte que Mimi est morte ou bien quand il avoue à Marcello que la jeune fille est très malade. Il nous gratifie toujours aussi de ses merveilleuses notes mezza voce comme dans le début du quatuor “Dunque è proprio finita”. Il dessine un Rodolfo sensible et non mièvre et rêveur comme c’est parfois le cas! Contrairement à ses prestations précédentes, le ténor semble de plus en plus à l’aise sur scène. Il n’hésite pas à bouger, à prendre la main de Mimi pendant son air. De plus il est très drôle dans la scène de la danse au quatrième tableau quand il esquisse quelques figures chorégraphiques avec Marcello. Il est très agréable de constater qu’avec cette mise en scène, Marcelo Alvarez montre une nouvelle facette de son talent!
Manuel Lanza, que l’on n’entend pas beaucoup en France, se montre très efficace dans le rôle de Marcello. La voix est claire, puissante et il donne de la profondeur au personnage. Très à l’aise sur scène comme en témoigne le quatrième tableau, il peut être bouleversant au moment de la mort de Mimi et quand il se réconcilie avec Musetta. Toutefois, dans certains passages, le chanteur ne chante pas toujours très juste et une fois de plus la responsabilité est à l’orchestre qui ne leur permet pas de s’entendre entre eux. Le duo “Mimi tu piu non torni!” perd sa particularité de rêverie et devient une véritable épreuve de force!
Maira Kerey est une fraîche Musetta et sa valse est un moment de grand plaisir lyrique. Rares sont les Musettas qui ne crient pas la dernière note avant la descente finale de cet air: cette chanteuse possède suffisamment de technique pour en faire un piano. Sa vision du personnage est également assez sobre et humaine et ce n’est pas une demi-mondaine qu’elle dessine mais une femme amoureuse qui désire avant tout profiter de la vie. La fin de l’opéra et le revirement de l’attitude du personnage se trouvent alors amplement justifiés. Toutefois la participation de cette chanteuse dans ce rôle laisse entrevoir un petit problème dans la distribution. Sa voix est souple, certes, mais il aurait peut-être été préférable de lui confier Mimi et à Cristina Gallardo-Domas, Musetta. La soprano chinoise se sort parfaitement de son air mais sa voix est un tout petit peu trop lourde et résonnante pour les parties moins chantantes: il s’agit d’une véritable soprano lyrique. Ceci dit, Maira Kerey est une Musetta assez étonnante!
Le rôle de Colline est surtout marqué par son air du quatrième tableau lorsqu’il dit adieu à son manteau. Luca Pisaroni se montre magnifique dans ce passage, émouvant et surtout très prometteur pour sa jeune carrière. La voix est belle, imposante, stable et le tout repose sur une diction parfaite.
Christopher Schaldenbrand est aussi bon comédien que chanteur et parmi les comparses de Rodolfo, il est peut-être le plus intéressant. Il est un excellent Schaunard, intelligent dans sa gestuelle par exemple lorsqu’il reprend les victuailles à ses amis au premier tableau. Tout cela est secondé par une voix qui ne souffre aucun reproche.
Christian Jean fait une apparition particulièrement remarquée en Alcindoro. Scéniquement il a une bien grande allure mais sait aussi amener son personnage au bord du ridicule sans en faire trop. Il s’agite beaucoup, remplit l’espace scénique mais à bon escient: il devient une sorte de mime lorsqu’il commande le repas ou lorsqu’il refuse de payer l’addition et donne au serveur la note et la chaussure de Musetta avant de sortir très digne! Vocalement son timbre singulier de ténor léger, voire de ténor de caractère, sied à la perfection au rôle et il s’en sert pour piquer presque toutes les notes. Alcindoro n’est plus seulement un vieux bonhomme empaillé, comme on peut le voir dans d’autres productions, mais aussi un monsieur noble et distingué.
Michel Trempont campe un très drôle M. Benoît, secondé par sa femme. Pour une fois ce personnage n’est pas ridiculisé! La voix du chanteur n’est plus certes celle d’il y a 20 ans et il parle plus qu’il ne chante mais cela ne l’empêche pas de donner de très beaux pianissimi dans le passage où les quatre amis le questionnent sur son âge. Dommage qu’il ne soit pas venu saluer à la fin…
Daniel Klajner est pétri de bonnes attentions mais que l’orchestre joue trop fort! A certains moments il est utile de connaître parfaitement la partition pour suivre le déroulement de l’histoire et savoir ce que chantent les solistes. Apparemment conscients du problème, les deux héros sont obligés de forcer leurs aigus notamment dans les deux premiers airs pour tenter de passer l’orchestre. De même le fameux quatuor de la fin du troisième tableau est pratiquement inaudible. Cette réserve mise de côté, le chef gratifie une salle enthousiaste de très beaux moments lyriques. Le crescendo précédant l’arrivée de Mimi au premier tableau est magnifique tout comme les quelques notes qui conclue le dernier acte et la mort de l’héroïne, passage où Daniel Klajner adopte un tempo très lent. En revanche, le “che gelida manina” a rarement été joué aussi vite!



On assiste à une superbe reprise de La Bohème qui ne manque ni d’intérêt ni de charme. Outre un orchestre trop fort et qui gâche une partie de la représentation, les solistes sont exceptionnels et ces minces réserves n’entachent absolument pas un plaisir ressenti par une salle en délire qui fait un véritable triomphe à presque tous les solistes.

A noter:
- on retrouvera Michel Trempont le 22 mars 2004 à l’Opéra-comique où il sera en compagnie de Michel Sénéchal, Gabriel Bacquier, Mady Mesplé… pour un concert exceptionnel.
- Marcelo Alvarez vient de sortir deux nouveaux disques: des airs lyriques en compagnie de Salvatore Licitra, reflet d’un concert donné à Rome (parution prévue en DVD) et Manon de Massenet avec Renée Fleming, Jean-Luc Chaignaud, Michel Sénéchal sous la direction de Jésus Lopez-Cobos, enregistrement d’après les représentations magnifiques de la Bastille en 2001. Parution également du DVD.



Manon Ardouin

 

 

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