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Mi bémol

Paris
Théâtre Mogador
10/11/2003 -  
Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 5 «L’Empereur», opus 73 – Symphonie n° 3 «Héroïque», opus 55

Cédric Tiberghien (piano)
Orchestre des Concerts Pasdeloup, Benoît Girault (direction)


Au cours des dernières années, les trois grandes associations symphoniques parisiennes (Colonne, Lamoureux et Pasdeloup), héritières d’un passé glorieux ont, chacune à leur manière, tenté de s’adapter à un paysage musical en plein bouleversement. Si, à la différence de Lamoureux, l’Orchestre des Concerts Pasdeloup ne bénéficie pas du charisme d’un chef principal nommé Yutaka Sado, il n’en a pas moins repris des couleurs: programmation mêlant grands classiques (un cycle Beethoven qui irrigue quatre concerts) et choix plus originaux (une création de Philippe Leroux, la Burlesque de Strauss, le Concerto pour violoncelle d’Offenbach), des invités prestigieux, qu’il s’agisse des chefs (Bartholomée) ou des solistes (Tiberghien, Pludermacher, Clidat, Nordmann). Le public ne s’est sans doute pas démographiquement renouvelé – ce qui n’empêche pas la salle d’être comble – mais cette institution a le mérite de porter la musique à des mélomanes qui n’iront jamais entendre les «grands» orchestres parisiens ou qui, tout bonnement, n’ont pas envie de sortir le soir.


Après un «concert cinématographique» voici deux semaines au Cirque d’hiver (la musique d’Antoine Duhamel pour L’Homme du large de Marcel L’Herbier), l’orchestre faisait sa rentrée traditionnelle, dans un programme certes pas d’une folle audace, mais astucieusement composé: deux «tubes» de Beethoven (l’Empereur et l’Héroïque), tous deux en mi bémol, tous deux véritables prototypes d’une évolution du genre (un concerto dont le premier mouvement comporte une cadence avec orchestre et dont les deux derniers sont enchaînés, une symphonie de près de cinquante minutes qui, après une marche funèbre, s’achève par un thème varié), tous deux présentés sous le chapeau – on n’ose dire le bicorne – de «l’héroïsme». Allez expliquer après cela que le concerto n’a rien à voir avec Napoléon (bien au contraire, les troupes françaises menaçaient alors Vienne) et que la dédicace de la symphonie à Bonaparte a été retirée après le sacre...


Décidément, après une récente intégrale à L’Archipel des œuvres pour piano et violoncelle (voir ici), Cédric Tiberghien ne quitte pas Beethoven. Premier prix du Concours Marguerite Long (1998), c’est précisément à cette grande pianiste qu’il fait penser dans ce Cinquième concerto qu’elle a enregistré en juin 1944 (!) sous la direction de Charles Münch: sans doute y a-t-il une manière française d’aborder ce répertoire, extravertie sans être purement virtuose, claire sans être purement analytique, héroïque, certes, mais ne laissant pas passer la moindre occasion de mettre en valeur la poésie, le chant et la délicatesse, comme si l’on songeait déjà à Chopin. Fort opportunément, Tiberghien reste en mi bémol pour son bis, ouvrant toutefois une parenthèse bienvenue dans l’héroïsme: car ce mi bémol-là, celui du premier mouvement de la Treizième sonate «Quasi una fantasia», se révèle, sous ses doigts, tour à tour tendre et virevoltant.


Dans la Troisième symphonie, Benoît Girault donne l’impression de savourer chaque instant, chaque atmosphère successive, dans une approche rhapsodique qui réussit relativement moins à l’Allegro con brio, joué avec la reprise mais manquant un tantinet de rebond, qu’aux autres mouvements, dont le discours procède davantage par épisodes moins fermement structurés: Marche funèbre digne et éloquente, difficile Scherzo bien en place, avec une belle intervention des trois cors dans le Trio, et Final rondement mené, dont la péroraison traduit une prise de risque aussi importante que couronnée de succès. Malgré de menus décalages dans le Concerto, c’est bien davantage l’engagement, dont témoignent de franches attaques, et le plaisir de jouer de l’orchestre qu’il convient de retenir de cette après-midi.



Simon Corley

 

 

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