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Du grand art Paris
Théâtre des Bouffes du Nord
10/10/2003 - et 12 octobre 2003
Philippe Manoury : La Frontière
Livret de Daniela Langer
Virginie Pochon (soprano), Doris Lamprecht (contralto), Romain Bischoff (baryton), Dominique Visse (contre-ténor), Nigel Smith (baryton), Vincent Le Texier (basse)
Alain Planès (piano)
Yoshi Oïda (mise en scène)
Ensemble Ictus, Philippe Manoury (direction)
"Opéra de chambre pour six chanteurs, neuf musiciens et électronique", tel est sous-titré La Frontière, le dernier opéra de Philippe Manoury, et si possible avec un bon livret, serait-on tenté de rajouter, tant cet élément fondamental constitue souvent le point faible de l'opéra contemporain. Ce n'est pas le cas ici, heureusement, et celui de Daniela Langer est véritablement réussi en ce qu'il déploie une intrigue, un fil rouge (une lettre qu'une jeune femme doit donner à un homme et qui révélera un secret), donne vie à des personnages à l'identité imprécise mais au caractère bien défini, pose un contexte à la fois déterminé (une guerre, une frontière, des réfugiés) et intemporel auquel chacun peut se référer, le tout dans une atmosphère trouble et angoissante.
Philippe Manoury veille à rendre ce texte parfaitement compréhensible par une prosodie très claire, l'absence de surtitrage ne gêne aucunement et l'on peut se plonger dans l’heure et demi que dure l'œuvre sans crainte de perdre le fil, ce qui n'est pas donné à tous les opéras français joués en France ! La partie instrumentale est, elle, nerveuse, éruptive, mobile et s'oppose, en quelque sorte, par sa verticalité et son côté anguleux, à l'horizontalité sinueuse des voix. Après 60e parallèle au Châtelet et K... à l'Opéra de Paris, Philippe Manoury démontre sa souveraine maîtrise de la forme lyrique, avec un petit effectif cette fois, et s'affirme comme le plus doué de nos compositeurs d'opéras (qui ne courent pas les rues, c'est vrai), notamment parce qu'il sait choisir de bons livrets !
Tous les interprètes de cette production sont à féliciter, le très virtuose Ensemble Ictus, le pianiste Alain Planès et les chanteurs, vocalement excellents et scéniquement parfaits. Yoshi Oïda réalise à l'économie une mise en scène efficace et évocatrice, qui ne dépareille pas dans ce théâtre aux murs mités et à la peinture craquelée ! On espère pouvoir retrouver ce spectacle poignant au disque ou, mieux (rêvons un peu), en DVD.
Philippe Herlin
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