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Un Lohengrin sans cygne ! Nantes
Cité des Congrès
09/14/2003 - et 12, 14 septembre 2003, version concert Angers 16 septembre
Richard Wagner : Lohengrin
John Horton Murray (Lohengrin), Alan Ewing (Le roi Henri), Hannu Niemela (Telramund), Julia Juon (Ortrud), Gillian Webster (Elsa), Jean-Sébastien Bou (Le Héraut)
Choeurs d’Angers Nantes Opéra et Duo/Dijon,
Orchestre National des Pays de Loire, Guido Johannes Rumstadt (direction)
Philippe Godefroid (mise en scène)
Combien de temps encore, le public va-t-il devoir supporter : d’une part les annonces sur scène des intermittents avant chaque spectacle, d’autre part commentaires, vociférations, quolibets, injures de tous genres de certains spectateurs « pour ou contre ce mouvement »?. La première saison de la nouvelle structure de Angers Nantes Opéra ouvrant sur Lohengrin à la Cité des Congrès de Nantes, en attendant la fin des travaux de l’Opéra Graslin, n’a malheureusement pas échappé à ces tristes perturbations.
Mais triste aussi la conception de cette œuvre par ce wagnérien reconnu, Philippe Godefroid qui signe là sa dernière mise en scène - à Nantes -, après avoir monté notamment un Ring de 1992 à 1995 à l'Opéra de Nantes, ainsi que Parsifal. Dès le prélude, rideau levé, l’évocation de Parsifal est marquée par un chevalier qui poignarde violemment un Christ en croix couché en poussant un « han » digne d’un bûcheron avant l’effort, et se nourrit du sang du Christ. Le plateau est très sombre, les décors de Katia Bascougnano, sont inexistants à part quelques praticables rassemblés ou divisés, flanqués de marches à gauche et à droite, extrêmement bruyants à chaque déplacement (et ils sont nombreux !). La volonté de ne pas faire apparaître Lohengrin en armure étincelante, sur une barque tirée par son cygne blanc au 1er acte, de ne pas y faire allusion au 3e acte alors que le texte le mentionne, l’appelle de nombreuses fois, rendent inexplicable l’arrivée d’un jeune homme claudiquant et titubant, censé être Gottfried, héritier de Brabant. De même, curieux le duel entre Telramund et Lohengrin : l’un tenant une épée classique, l’autre brandissant une sorte de sabre avec éclats fluorescents sorti des accessoires de Disneyland. Les deux protagonistes ne ferraillent pas, le chevalier terrasse son adversaire en sonnant du cor à l’extrémité du plateau !…Dans la chambre nuptiale au 3e acte on aperçoit seulement une sorte de lit à barreaux recouvert de plumes blanches qui s’apparente plus à un berceau, toujours dans une absence de décor, avec peu d’éclairage. L’ensemble affaiblit le duo d’amour. La défense de la terre germanique est très présente dans la gestuelle des soldats (le bras tendu ), le mouvement saccadé, rythmé de l’armée du roi Henri dans un décor de colonnades rigides et grises ainsi qu’à la toute fin ou avant les dernières notes on entend, rideau descendu, le bruit des bottes…
Vocalement les deux grandes triomphatrices, très applaudies, de ce spectacle ont été Elsa et Ortrud.
Gillian Webster, soprano lyrique écossaise a été magnifique donnant toute l’amplitude que réclame ce rôle, l’aigu est large, timbré, jamais crié, le medium et le grave résonnent avec aisance.
Julia Juon, mezzo soprano suisse, a été une parfaite Ortrud, au maquillage très blanc et figé comme un masque. Sa voix ample et sonore a su être convaincante dans toutes ses interventions reflétant tout le machiavélisme de la maléfique créature. Leur duo du 2e acte a été très homogène et avec une expressivité exceptionnelle. Les voix masculines ont été plus en retrait. Hannu Niemela, baryton finlandais, lâche mari manipulé d’Ortrud a été bon sans plus et très crédible scéniquement. Le roi Henri, Alan Ewing, basse irlandaise a une émission très curieuse dans le menton comme s’il cherchait à grossir sa voix. Une mention spéciale au jeune Héraut, Jean-Sébastien Bou. Lohengrin, John Horton Murray, ténor allemand, a eu des débuts très laborieux au 1er acte avec une voix engorgée et détonante par moments, il s’est un peu amélioré au 2e acte avec son aigu mieux placé et mieux projeté. Par contre au 3e acte il a été très quelconque et sans conviction dans le duo nuptial et a déçu considérablement lors du grand air de Lohengrin révélant ses origines.
Mais ce n’est pas une raison pour que certains spectateurs le huent de cette façon au salut final, il n’est d’ailleurs pas revenu saluer. Quand ces bruyants irascibles comprendront-ils qu’il est simple de ne pas applaudir si l’on n’est pas content d’une prestation, le silence est le meilleur moyen de sanctionner ! Il faut au moins respecter les années d’étude, le travail d’un chanteur pour arriver sur scène.
Les chœurs d’Angers Nantes Opera et du Duo Dijon sous la direction de Xavier Ribes ont été excellents et d’une cohérence harmonieuse. L’orchestre National des Pays de Loire dirigé par Guido Johannes Rumstadt a été assez inégal, les cordes ont donné un son soyeux mais les cuivres aux timbres éclatants ont manqué de nuances parfois.
La conception de la mise en scène très stylisée, dépouillée, trop épurée, nuit à la compréhension du drame, et par la même, empêche la magie wagnérienne d’opérer sur le spectateur en l’obligeant à chercher à comprendre à chaque instant.
E.G. Souquet
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