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Exagérations

Paris
Théâtre Mogador
09/11/2003 -   et 12 septembre 2003

Hector Berlioz : Le Roi Lear, ouverture
Edouard Lalo : Symphonie espagnole, opus 21
Gustav Mahler : Symphonie n 1 «Titan»


Maxim Vengerov (violon)
Orchestre de Paris, Christoph Eschenbach (direction)


Soirée de rentrée, soirée d’exagération: compositeur (Berlioz), soliste (Vengerov) et chef (Eschenbach), chacun aura, à sa manière, donné libre cours à ses excès, pour le meilleur et pour le pire.


Fidèle à Berlioz pour ce bicentenaire qu’il célèbre déjà depuis quelques années, l’Orchestre de Paris avait inscrit Le Roi Lear au début d’un copieux programme. Bien qu’écrite en 1831, soit tout juste un an après la Symphonie fantastique, cette ouverture annonce déjà, tant par son atmosphère que par son langage et son orchestration, Harold en Italie, quoique sans doute avec moins de réussite. En effet, presque aussi rare que l’ouverture de Dukas pour la même pièce de Shakespeare, entendue au cours de la précédente saison à Paris (voir ici), l’œuvre souffre parfois de la même emphase, même si l’on y entend ici ou là les fulgurances du génie berliozien. Défendant hardiment ce véritable poème symphonique avant la lettre, aussi bien par sa durée que par son déroulement, qui privilégie la démarche programmatique, sinon narrative, sur les préoccupations formelles, Christoph Eschenbach tente de soutenir l’intérêt en exacerbant les contrastes.


Le public était venu nombreux pour entendre Maxim Vengerov dans la Symphonie espagnole de Lalo, qu’il vient d’enregistrer avec l’Orchestre Philharmonia dirigé par Antonio Pappano (EMI). Il y a lieu de se réjouir qu’une telle vedette remette ainsi au goût du jour une «symphonie» qui, avant de connaître une certaine éclipse, constitua un passage obligé des virtuoses et des associations symphoniques durant de longues décennies. Dans un récent entretien accordé au Monde de la musique, le violoniste russe confiait son envie de faire partager son amour de la musique française. Force est toutefois de constater que ce que l’on a pu entendre à Mogador entretient fort peu d’affinités avec les caractéristiques que l’on prête généralement, aux confins de la tradition et du cliché, à la «musique française» (sens de la nuance, équilibre, délicatesse, pudeur, distinction, discrétion). Fort d’une solidité à toute épreuve, d’une puissance phénoménale, d’une sonorité de rêve et d’une exceptionnelle netteté d’articulation, Vengerov, presque sans effort apparent, semble faire ce qu’il veut de son violon. Cependant, démonstratif, cabotin, pour ne pas dire racoleur, il réduit cette Symphonie espagnole – qu’il prend certes un plaisir manifeste à interpréter – à une spectaculaire pièce de virtuosité, jalonnée d’attaques impérieuses et de somptueux coups d’archet, plus proche de Sarasate (qui la créa) ou de Glazounov que de Chabrier ou même de Bizet. A l’unisson de cette conception assumée de part en part à la fois avec naturel et aplomb, Eschenbach conduit un orchestre survitaminé, très présent, voire bruyant. Répondant aux sollicitations d’une salle enthousiaste, Vengerov offre en bis la Sarabande de la Deuxième partita de Bach, dans un esprit éminemment romantique.


Bruckner à l’Orchestre national (voir ici), Mahler à l’Orchestre de Paris puis Chostakovitch à l’Orchestre philharmonique de Radio France: les grandes formations parisiennes ont choisi, pour leur rentrée, un trio de compositeurs qui témoigne on ne peut mieux de la «normalisation» du répertoire des orchestres français, auprès desquels ces étapes essentielles de l’histoire de la symphonie auront mis du temps à s’imposer. Et sans doute faudra-t-il encore quelques lustres pour que Sibelius, Nielsen ou Hartmann se voient reconnaître en France la place qu’ils tiennent désormais dans la vie musicale de bien des pays. Mahler sera d’ailleurs tout particulièrement à l’honneur au cours de cette saison de l’Orchestre de Paris, où seront successivement donnés Le Chant de la terre (29 et 30 octobre), la Troisième symphonie (7 et 8 janvier), Das klagende Lied (22 et 23 janvier) et la Quatrième symphonie (24 et 25 mars).


Eschenbach, l’Orchestre de Paris et la Première symphonie de Mahler, c’est déjà une longue histoire, puisque le chef allemand l’avait choisie voici près de six ans pour l’une de ses toutes premières apparitions à la tête d’un orchestre qui se démenait alors dans les difficiles derniers mois de l’ère Bychkov et dont il n’est devenu que trois ans plus tard le directeur musical (voir ici). Contrôlant chaque moment du discours, plus soucieux de détail que de cohérence, il use de grands gestes théâtraux et d’une élasticité volontairement exagérée dans le tempo et les phrasés. Dans la quasi-totalité du premier mouvement, où la reprise est observée, la retenue prévaut et si les voix secondaires sont remarquablement mises en valeur, il faut attendre l’éclatante péroraison pour que la tension se fasse sentir. En revanche, dans le final, d’une indéniable énergie, la tendance à forcer le trait et le recours aux effets de manche l’emportent trop souvent. Insistant sur l’ironie et le grotesque, cette approche extérieure et appuyée réussit sans doute mieux aux mouvements centraux, où l’orchestre se fait tour à tour criard et doucereux.



Simon Corley

 

 

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