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Aux antipodes du quatuor

Paris
Sceaux (Orangerie)
07/26/2003 -  

Wolfgang Amadeus Mozart : Quatuor n° 16, K. 428
Peter Sculthorpe : Quatuor n° 8
Robert Schumann : Quatuor n° 3, opus 41 n° 3


Quatuor Goldner


Dans le cadre de sa trente-quatrième édition, qui a débuté le 13 juillet et qui permettra d’entendre notamment, d’ici le 14 septembre, les Quatuors Kocian et Prazak, les frères Capuçon et Gérard Caussé, le Trio Guarneri et Christian Zacharias, le Festival de l’Orangerie de Sceaux, aux destinées duquel préside fidèlement Jacqueline Loewenguth, accueillait une formation australienne fondée en 1995, le Quatuor Goldner. Les quatre musiciens, issus de l’excellent Australia ensemble (en résidence à l’Université de Nouvelles-Galles du Sud) et qui constituent deux couples – Dene Olding (premier violon) est l’époux d’Irina Morozova (alto), tandis que Dimity Hall (second violon) est la femme de Julian Smiles (violoncelle) – ont choisi de rendre hommage au pédagogue australien Richard Goldner, qui, en créant «Musica viva Australia», a joué un rôle considérable dans la vie musicale de ce pays. Un disque paru chez Naxos il y a trois ans (voir ici), consacré à Szymanowski et à Stravinski, est déjà venu couronner leurs efforts.


D’emblée, dans le Quatuor en mi bémol (K. 428) de Mozart, quatrième de la série de six dédiée à Haydn (1783-1784), les musiciens imposent une manière naturelle et équilibrée, sans fadeur ni mièvrerie, sachant ne pas confondre vigueur et brutalité, incisivité et sécheresse. Le caractère contrasté de chacun des mouvements est restitué avec beaucoup de soin, tandis que la sonorité d’ensemble est flattée par la généreuse acoustique de l’Orangerie.


Il faut se féliciter que le Quatuor Goldner ait choisi de faire découvrir au public français Peter Sculthorpe (né en 1931) – l’un des plus importants créateurs australiens vivants, avec Richard Meale et Barry Conyngham – au travers de l’une de ses œuvres les plus emblématiques, le Huitième quatuor (1968). Particulièrement attaché à un genre auquel il a consacré, à ce jour, quatorze numéros (dont trois arrangés pour orchestre à cordes, sous le nom de Sonates pour cordes), le compositeur révélait pour la première fois dans cette partition l’influence considérable que la musique balinaise était appelée à exercer sur son évolution. Influencé par l’enseignement et les écrits de Colin McPhee sur la question, il avait découvert, avec les musiques asiatiques, des convergences et des préoccupations communes avec son propre langage, notamment le recours à des motifs en ostinato.


Comme le rappelle en effet la notice exemplaire de Xavier Rey, il s’agit pour Sculthorpe, bien plus que de tenter de copier de façon extérieure des rythmes et des couleurs exotiques, de trouver dans ces musiques un écho à ses propres préoccupations à la fois musicales et esthétiques: rien moins, selon ses propres termes, que «tenter d’exclure tout geste héroïque d’inspiration européenne» («I have consistently tried to purge the European gesture from my music»). En mettant l’accent sur l'Asie, et particulièrement l’Indonésie, Sculthorpe marquait ainsi une forte volonté de distanciation avec la «métropole», affirmant l’ancrage géographique particulier de l’Australie, et, par ce détour asiatique, affirmait aussi – sans doute pour la première fois d’une façon aussi radicale – la possibilité d’une musique spécifiquement australienne, pas exclusivement folklorique ou descriptive, en forgeant un idiome musical spécifique qui réalise une fusion de la tradition occidentale, de l’influence asiatique et d’éléments "culturels" (géographiques, historiques, sociaux...) ou musicaux (instruments, styles) propres à l’Australie.


Structure en arche comprenant cinq mouvements (lent/vif/lent/vif/lent), d’une durée totale d’un quart d’heure, ce Huitième quatuor trahit cette influence balinaise principalement dans son deuxième mouvement, marqué Risoluto – Calmo – Risoluto (de telle sorte que c’est le retour du Risoluto de ce mouvement qui, d’une certaine façon, se trouve au centre de l’arche). Si le compositeur a donc souhaité résolument tourner le dos à l’Europe, les mouvements lents n’en possèdent pas moins une force lyrique en même temps que laconique et dépouillée, qui rappelle parfois, l’ironie en moins, l’atmosphère des derniers quatuors de Chostakovitch. Quant aux mouvements vifs, leurs jeux de cordes – particulièrement les pizzicati ou le recours fréquent au col legno, y compris sur le bois de l’instrument – évoquent Bartok, le tout dans une rythmique dont l’irrégularité est davantage stravinskienne. Défendu avec un engagement total, tant expressif que virtuose, ce Huitième quatuor trouve dans les Goldner – qui ont enregistré dès 1996 pour la maison australienne Tall poppies deux volumes de quatuors de Sculthorpe – des interprètes d’exception.


Bien trop rares au concert, les trois quatuors de Schumann sont regroupés en un seul opus, écrit au cours de la fertile année 1842. Composé entre le 8 et le 22 juillet, le Troisième quatuor (en la majeur) conclut de façon conquérante un recueil qui peut être apprécié comme un vaste cycle en douze (trois fois quatre) mouvements. Toujours intense, lyrique à souhait (Adagio molto), le Quatuor Goldner opte toutefois pour un tempo très retenu dans l’Allegro molto moderato initial, accentuant le caractère rêveur de ce morceau, au détriment de l’élan. Ceci étant, le brio est à nouveau au rendez-vous dans l’Allegro molto vivace final. Et, en bis, les musiciens offrent un autre aperçu de la production de Sculthorpe, véritable Janus: car sa délicieuse Little sérénade (1977) possède un balancement sensuel qui fait étrangement songer à L’Amour sorcier de Falla et met en valeur à la fois la finesse du violon de Dene Olding et la rondeur de celui de Dimity Hall.


Le site du Festival de l’Orangerie de Sceaux:
http://festival.orangerie.free.fr



Simon Corley

 

 

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