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Verdi chez Massenet Saint-Etienne Grand Théâtre Massenet 06/13/2003 - et 15 & 17 juin 2003 Giuseppe Verdi : Le Trouvère Olivier Grand (le Comte de Luna), Luca Gallo (Ferrando), Jean-Pierre Furlan (Manrico), Hasmik Papian (Leonora), Anna-Maria di Micco (Azucena). Nouvel Orchestre de Saint-Etienne, Chœurs lyriques de Saint-Etienne, Bruno dal Bon (direction)
Francesco Micheli (mise en scène)
Il a d’abord fallu que Jean-Louis Pichon, homme de dialogue et d’ouverture, vienne calmer le jeu : entre une partie de la salle et les intermittents du spectacles venus présenter leurs revendications, le ton commençait à monter.
Si l’on en croit le mot fameux de Toscanini, il suffit, pour faire un bon Trouvère, de rassembler les quatre meilleurs chanteurs du monde – ce qui, soit dit en passant, n’est pas gentil pour Ferrando, dont l’air est rien moins que facile. Encore faut-il s’entendre sur quatre noms, encore faut-il, en admettant qu’on en ait les moyens, les réunir sur le même plateau. Autant renoncer à monter Le Trouvère. Heureusement, on voit encore de bonnes productions de l’opéra de Verdi, même en province : les représentations stéphanoises montrent que des chanteurs qui ne sont pas les plus grands du monde – et n’y prétendent probablement pas – peuvent, avec leurs atouts et leurs faiblesses, nous offrir une belle soirée.
A la tête d’un orchestre et de chœurs en grande forme, c’est d’abord Bruno dal Bon qui, remplaçant Patrick Fournillier, est l’artisan de ce succès. Il prend son temps, pour mieux faire savourer la finesse de l’orchestre de Verdi, dont on a tant médit, répugnant à toute facilité tapageuse, laissant le champ libre aux voix, mais veillant toujours à maintenir la tension dramatique. On connaît bien en France Hasmik Papian, ses qualités et ses défauts : la voix est belle et homogène, la technique éprouvée, le style irréprochable, mais on aimerait un médium plus charnu, davantage de subtilité dans la nuance, plus d’assurance et de précision dans la vocalisation, moins de placidité dans la caractérisation. Jean-Pierre Furlan a souvent semblé à la limite de ses moyens et l’on ne peut s’empêcher de le mettre en garde contre une prise de rôle un peu téméraire. Mais il a su si bien négocier les passages les plus périlleux qu’on s’est laissé convaincre ; les deux airs du troisième acte – dont le périlleux « Di quella pira » où aucun contre-ut n’est écrit et où il s’est contenté de celui de la fin, fort bien dardé - ont montré un artiste plus soucieux de la nuance que de l’effet. L’interprétation témoigne aussi d’une réelle finesse : voilà un Manrico rendu à sa douleur, là où beaucoup tonitruent. Anna-Maria di Micco est elle une Azucena douloureuse, mais jamais histrionique, n’oubliant jamais que rien n’autorise d’en prendre à son aise avec le style. Mais l’aigu semble ne pas s’accorder avec les autres registres, comme s’il n’appartenait pas à la même voix qui, dans cette zone, semble perdre sa couleur et sa rondeur. Olivier Grand est un comte de Luna sonore, dont l’émission devra s’assouplir, surtout dans l’aigu, mais nuancé, qui a raison de ne pas renchérir sur la noirceur du personnage pour mieux en restituer l’impuissante souffrance. Bon Ferrando de Luca Gallo, précis dans le staccato et les petites notes, où plus d’un « savonne » sans vergogne.
La mise en scène, malheureusement, laisse beaucoup à désirer. On dirait, par moments, du Bob Wilson de seconde zone, avec ces gestes issus du théâtre oriental en perpétuel décalage avec la musique et qui parfois – le chœur des soldats au troisième acte – sombrent dans le ridicule. Cela manque singulièrement d’homogénéité et de lisibilité, malgré quelques effets faciles déjà vus – projection sur écran, objets miniaturisés, etc. Quelques bonnes idées, quelques belles images – Azucena au milieu des flammes – ne suffisent pas.
Didier van Moere
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