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De Berlioz à Ravel Paris Opéra Bastille 06/20/2003 -
Hector Berlioz : Harold en Italie, opus 16
Claude Debussy : Nocturnes
Maurice Ravel : Daphnis et Chloé (seconde suite)
Pierre Lenert (alto), Chœur de l’Opéra national de Paris, Peter Burian (direction)
Orchestre de l’Opéra national de Paris, James Conlon (direction)
Le dernier des trois concerts symphoniques programmés par l’Orchestre de l’Opéra national de Paris en 2002-2003, donné entre deux représentations des Vêpres siciliennes (voir ici), tentait peut-être de compenser l’étrange absence de Berlioz au cours de la saison lyrique qui s’achève. Heureusement, l’Orchestre de Paris aura, pour sa part, contribué à la dimension lyrique du bicentenaire de la naissance du compositeur quasi panthéonisé (voir ici et voir ici).
Six jours après l’éclatante prestation de Myung-Whun Chung et de l’Orchestre philharmonique de Radio France dans la Symphonie fantastique (voir ici), James Conlon a relevé le gant dans le plus rare Harold en Italie. Son approche semble constamment marquée par un double souci: mettre en valeur le moindre moment de poésie, de délicatesse et de raffinement; opter pour une approche chambriste, au travers du dialogue entre pupitres et avec le soliste, comme en témoigne la harpe placée au premier plan, entre altos et violoncelles. Entouré par un orchestre à la fois incisif, mobile et transparent, Pierre Lenert, premier alto solo de cette admirable formation (quels bois…!), s’intègre parfaitement à l’ensemble, sans se mettre excessivement en avant, comme le veut cette atypique «symphonie avec alto principal».
Loin du cliché d’un Berlioz bruyant et fougueux – on aura certes sans doute connu Orgie de brigands plus débridée – cette manière de laisser le temps à une atmosphère de s’installer, puis de s’éteindre, non seulement ne perd jamais le sens de la ligne, tant le discours est toujours fermement conduit, mais suggère, dans son travail sur la couleur, un rapprochement inattendu avec la subtilité de l’orchestration «à la française», qui sera celle de Debussy et de Ravel. Inattendu, en ce sens que la filiation – tardive et originale – de ce compositeur qui aura dû patienter pour devenir prophète en son pays, se retrouve peut-être dans des personnalités aussi fortes que Varèse ou Messiaen. Juste retour des choses, toutefois, en ce sens que les Français de la fin du XIXe avaient admiré la jeune école russe (Moussorgski, Rimski, Balakirev, Borodine). Or, celle-ci avait fait son livre de chevet... du Traité d’orchestration de Berlioz, qui s’était lui-même rendu à plusieurs reprises dans ce pays pour y faire découvrir sa musique.
Ce sont précisément Debussy et Ravel qui succèdent à Berlioz en seconde partie. De même que le programme aura opportunément retenu Harold en Italie et non la Symphonie fantastique, ici aussi, on aura «échappé» respectivement à La Mer et au Boléro. Les trois Nocturnes de Debussy figurent en effet assez peu souvent à l’affiche, du moins dans leur version intégrale, peut-être parce que le troisième d’entre eux, Sirènes, requiert un chœur de femmes. Conlon choisit de placer chaque section de ce chœur derrière le pupitre de cordes correspondant, des violons aux violoncelles (sopranos I derrière violons I, et ainsi de suite), et ce, en position assise. Bien loin de constituer une lubie saugrenue, ce choix permet d’opérer une fusion idéale des voix et de l’orchestre. Dans les deux premiers Nocturnes, le contraste aura été fortement souligné entre Nuages, sans effusions particulières, et Fêtes, plus extérieur.
Il s’avère toujours payant de conclure un concert par Daphnis et Chloé de Ravel. Bien qu’il eût suffi que les éléments masculins du Chœur de l’Opéra national de Paris rejoignissent les femmes qui venaient de chanter dans Sirènes, cette Seconde suite aura malheureusement été donnée dans sa version purement orchestrale. Souffrant parfois d’un léger manque de respiration et d’une certaine emphase, malgré un tempo relativement vif, l’interprétation de Conlon, se révèle plus distante que passionnée, privilégiant l’instant au détriment de la continuité, mais ne s’en montre pas moins généreuse en beautés sonores.
Simon Corley
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