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Apothéose de la danse? de Jean-Philippe Rameau? de Marc Minkowski et des Musiciens du Louvre? Paris Théâtre de Poissy 06/17/2003 - Joseph Haydn: Symphonie n°83 "La Poule"
Jean-Philippe Rameau: Suite d'orchestre tirée de divers opéras, Platée, , Les Boréades, Castor et Pollux, … Les Musiciens du Louvre-Grenoble
Marc Minkowski (direction) Après avoir donné, la semaine dernière, un magnifique concert consacré à Beethoven, Marc Minkowski retrouve les Musiciens du Louvre et un de ses compositeurs fétiches: Jean-Philippe Rameau.
En première partie, le chef propose la Symphonie n°83 dite “La Poule” de Haydn, compositeur qu’il met de plus en plus volontiers à ses programmes (mais en compagnie du Mahler Chamber Orchestra), établissant ainsi une sorte de transition entre son ancien et son nouveau répertoire.
Comme très souvent, Marc Minkowski attaque énergiquement le premier mouvement par un fortissimo initial. Cette vigueur ne s’estompe pas mais le chef rappelle le nom donné à cette oeuvre notamment à travers le jeu des hautbois et des violons, laissant ainsi transparaître une certaine ironie. Sa direction est parfaitement soutenue avec, toutefois, une petite baisse d’intensité dans le second mouvement. Même s’il le dirige avec une lenteur et une élégance incomparables, l’architecture de Haydn se fait un trop sentir et les transitions ne sont pas suffisamment gommées.
Après l’entracte, les musiciens se lancent dans une suite de danses tirées de plusieurs opéras de Rameau, Marc Minkowski expliquant que cette suite est le résultat d’un choix personnel. Des extraits très célèbres, comme la danse des sauvages des Indes Galantes voisinent alors avec d’autres plus confidentiels comme l’air gracieux de La Naissance d’Osiris. Le programme proposé est d’ailleurs assez identique à celui du concert du 20ème anniversaire au Châtelet en décembre dernier.
Pour être complet, il faudrait décrire chaque note, chaque nuance tant l’interprétation est fine et détaillée. Marc Minkowski fait alterner des airs vifs et des airs lents dont les deux exemples les plus significatifs sont la scène funèbre de Castor et Pollux, et celle de Platée. Dans le premier extrait (qui reprend le superbe air de Télaïre “Tristes apprêts”), il étire au maximum le tempo, rendant cela angoissant presque effrayant. Mais tellement beau! En revanche, dans l’orage de Platée, après avoir mené tout d’abord son orchestre lentement (air de Mercure ”Nymphes, les Aquilons viennent troubler la fête”), le chef ne se contient plus au moment de l’orage et, dégagé des contraintes de la mise en scène, si géniale soit-elle, il entraîne ses musiciens à une très vive allure. Il sait aussi détendre une atmosphère lourde, tant la musique et le jeu sont intenses, en présentant au milieu du concert “La Poule”. L’humour et un sérieux évident se mêlent et on ne peut s’empêcher de se souvenir de la parodie proposée par les chanteurs réunis au Châtelet.
Marc Minkowski fait également preuve d’originalité par rapport à d’autres interprétations. Ainsi dans la fameuse contredanse de l’acte I des Boréades, il découpe délibérément et très nettement les notes identiques, ce qui produit un ensemble un peu haché. Certes mais il efface cela par une incroyable tension souterraine et il laisse mourir la musique à la fin du morceau. Son approche de cet extrait s’améliore à chaque concert et il semble avoir trouvé, ici, la manière juste de le diriger. A l’inverse la danse des sauvages des Indes Galantes est plus liée et moins morcelée que chez ses collègues. Le résultat n’en est que plus impressionnant.
Rameau retrouve également toute sa splendeur dans des passages plus caractéristiques de son esthétique comme Les Fêtes d’Hébé, Hippolyte et Aricie.
Les musiciens du Louvre, une fois de plus, sont à la hauteur des exigences et de leur chef et du compositeur qu’ils défendent. Du percussionniste Martin Piechotta, remarquable de précision et d’intelligence dans le début du chaos de Zaïs, aux contrebassistes, excellents dans la contredanse des Boréades, en passant par le premier violon Florian Deuter, toujours aussi élégant et énergique, tous forment un ensemble cohérent et semblent s’écouter les uns les autres pour faire de la musique. Du grand art, du très grand art! A noter la belle prestation de la flûtiste Kate Clark (on se souvient de son solo de flûte dans l’Orphée de Glück donné dans cette même salle l’année dernière) mais la musicalité qu’elle déploie est malheureusement altérée par quelques fausses notes (dans la gavotte pour les Heures et les Zéphyrs des Boréades). Mais le chef d’orchestre n’est jamais aussi bon que quand il abandonne sa baguette et dirige simplement avec ses mains: la musique prend naissance et il peut alors insuffler chaque nuance, chaque détail à ses musiciens, comme en témoigne l’entrée de Polymnie dans Les Boréades.
Ce concert (et le disque qui en découlera) prouve, s’il en était besoin, que Marc Minkowski et les instrumentistes des Musiciens du Louvre, sont les plus fidèles, voire les meilleurs, serviteurs de ce grand génie de la musique baroque française qu’était Jean-Philippe Rameau.
A noter:
- reprise de ce concert au festival de Beaune le 1er août 2003.
- nouvelle production des Boréades à l’opéra national de Lyon sous la direction de Marc Minkowski et dans une mise en scène de Laurent Pelly. Avec Mireille Delunsch, Magali Léger, Paul Agnew… (9, 11, 13, 15, 17, 19, 21 mai 2004, 16h ou 20h)
- la suite de danses a fait l’objet d’un enregistrement et paraîtra sous le titre L’Apothéose de la Danse dans la collection Archiv Produktion-DGG. Manon Ardouin
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