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David Daniels: un alto fascinant. Paris Basilique de Saint-Denis 06/03/2003 - Bach: Suite pour orchestre n°1 BWV1066
Vivaldi: Stabat Mater
Haendel: Concerto grosso opus 6 n°7
Bach: Ich habe genug. David Daniels (alto), Les Violons du Roy, Bernard Labadie (direction) L’ouverture du festival de Saint-Denis était particulièrement soignée avec un concert de l’alto David Daniels. Au programme l’une de ses oeuvres fétiches à savoir le Stabat Mater de Vivaldi, qu’il a chanté à travers le monde et dont il a livré un somptueux enregistrement en 2001, accompagné par Fabio Biondi et l’Europa Galante et qui ne présente plus vraiment de secrets pour lui: il parvient à se détacher de la partition et des contraintes techniques qu’elle impose pour apporter autant à la musique qu’au texte une véritable sensibilité et une très fine intelligence. Peut-être plus que dans le disque, il souligne la douleur de la Mère par une certaine retenue dans le tempo et une attention marquée à la couleur du timbre dans le mot “dolorosa”: il apporte, par exmple, une touche lumineuse au son “a” ce qui contraste avec l’obscurité du son “o”. Le chant de David Daniels s’appuie également sur une prononciation sans faille et il serait à souhaiter que l’allemand dans la cantate de Bach le soit aussi. Chaque mot (et même chaque lettre) est pris en compte et développé. Dans “Quis est homo”, il souligne particulièrement le [k] de “christi” et fait ressortir l’assonance du passage “Christi si uideret”. Certes de petits détails mais qui rendent unique une interprétation comme la sienne.
David Daniels opère, ensuite, une incursion heureuse dans l’univers de Bach avec la cantate Ich habe Genug. Le tempo adopté par le chef est trop rapide et ne laisse qu’entrevoir la douleur exprimé par le soliste au lieu de l’accentuer. Ceci est parfaitement net dans “Schlummert ein”. La descente sur “fallet sanft” est, elle aussi, trop vive et occulte la tension dramatique. En revanche, dans le dernier air “Ich freue mich”, cette rapidité excessive est la bienvenue mais masque la rupture entre les tonalités différentes des deux airs puisque qu’ils sont joués sur le même rythme. Reste à savoir si le timbre clair et ensoleillé de David Daniels convient parfaitement à cette cantate. Peut-être serait-il plus juste d’y entendre une voix sombre. Mais cette mince réserve ne ternit en aucune manière la remarquable interprétation et surtout la beauté d’une voix qui se confond avec les instruments comme dans les notes tenues de “Schlummert ein”. Au fur et à mesure des concerts, la voix de David Daniels se développe et possède une superbe palette de graves dont il se sert dans Bach.
La déception vient donc de l’orchestre car même s’il s’appuie sur un remarquable pupitre de violons, Bernard Labadie n’arrive pas à donner un élan à l’ensemble. Dans l’ouverture de la suite de Bach, il semble d’ailleurs freiner la vigueur des violons. L’univers haendelien semble davantage lui convenir et il joue le concerto grosso avec beaucoup de douceur et laisse échapper une grande élégance. Mais tout cela reste assez conventionnel et aucune flamme musicale ne vient réveiller l’ensemble.
Mais comme presque toujours dans les concerts, il faut attendre les “bis” pour que les interprètes se sentent libérés et atteignent le sommet de leur art et de leurs capacités. David Daniels nous livre un splendide extrait de Saul “O Lord, whose mercies numberless” auquel il insuffle une véritable intensité dramatique (opéra dans lequel il vient de triompher à Munich). Enfin, il reprend le début du Stabat Mater et abandonne l’orchestre pour chanter à son idée. On préférera garder en mémoire le concert donné au Théâtre des Champs-Elysées en janvier 2002 où le chanteur, soutenu pour l’occasion par Fabio Biondi. pouvait davantage développer les immenses qualités vocales et musicales qu’il possède. Manon Ardouin
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