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Dialogue de l’ombre double

Paris
Cité de la musique
05/26/2003 -  

Gustav Mahler : Der Tambourg’sell – Revelge – Lieder eines fahrenden Gesellen
György Ligeti: Trio pour violon, cor et piano – Double concerto pour flûte et hautbois


Nathan Berg (baryton), Hae-Sun Kang (violon), Jens McManama (cor), Dimitri Vassilakis (piano), Chiara Tonelli (flûte), Mizuho Yoshii (hautbois)
Orchestre de chambre Mahler, Jonathan Nott (direction)

Gustav Mahler et György Ligeti: avec ce rapprochement inattendu, dont maint commentateur et même le programme de la Cité de la musique auront d’emblée souligné les limites, ce ne sont pas moins de sept concerts, qui, en moins de deux semaines, ont été exclusivement consacrés à ces deux fortes personnalités, et ce, à l’occasion du quatre-vingtième anniversaire du compositeur hongrois. Mais le plaisir de retrouver de grandes œuvres de l’un et l’autre aurait suffi, à lui seul, à justifier cette programmation, qui s’achevait par une soirée partagée entre les solistes de l’Ensemble intercontemporain et l’Orchestre de chambre Mahler, dirigé par Jonathan Nott.


Le Trio pour violon, cor et piano (1982) s’est immédiatement imposé au répertoire, marquant en même temps un tournant dans la production de Ligeti. Hae-Sun Kang, Jens McManama et Dimitri Vassilakis en donnent une vision radicale, dépourvue de la moindre concession: froideur glacée de l’Andantino con tenerezza, caractère inexorable, voire violent, du Vivacissimo molto ritmico, raideur mécanique de l’Alla marcia, déchirante progression puis paysage lunaire du Lamento (adagio).


Bien qu’antérieur de seulement dix ans, le Double concerto pour flûte et hautbois paraîtrait presque sorti d’une autre plume. Car c’est encore ici le Ligeti des années 1960 que l’on entend, celui d’Atmosphères, de Lontano ou du Kammerkonzert, pour s’en tenir à sa musique orchestrale. L’un des paradoxes de ce concerto tient à son extrême difficulté pour les solistes, sans pour autant que ceux-ci se détachent souvent de l’ensemble instrumental qui les accompagne (bois par trois, quatre cuivres, petite percussion, harpe, célesta, cordes réduites aux altos, violoncelles et contrebasses). Le Calmo, con tenerezza consiste en de lents déplacements d’agrégats sonores complexes ou, au contraire, de longs unissons, dans lesquels la flûte (alto et basse, en l’occurrence) et le hautbois semblent se fondre à l’orchestre et s’y refléter. Ludique et volubile, l’Allegro corrente contraste entièrement, dans un savoureux feu d’artifice de sonorités et de rythmes. Les musiciens, à commencer par Chiara Tonelli et Mizuho Yoshii, parviennent à faire partager le plaisir qu’ils éprouvent manifestement dans la confrontation avec cette écriture virtuose.


Les deux partitions de Ligeti étaient précédées d’extraits du Knaben Wunderhorn (Der Tambourg’sell et Revelge) – dont la noirceur trouve un écho dans celle du Trio pour violon, cor et piano – et suivies du cycle des Lieder eines fahrenden Gesellen – dans lequel Mahler, tout juste âgé de vingt-quatre, se pose en digne continuateur de la veine à la fois autobiographique et populaire de Schubert. Dans l’acoustique assez fortement réverbérée de la grande salle, Nathan Berg, malgré une stature imposante, n’a pas la partie facile face à un effectif pourtant restreint (trente-quatre cordes), sans doute parfois trop présent. Le baryton canadien parvient toutefois à faire valoir une émission toujours très pure, une justesse irréprochable et une voix qui sait se faire tour à tour puissante ou délicate, même s’il fait preuve de davantage d’aisance dans le grave que dans l’aigu de sa tessiture. A la tête de l’Orchestre de chambre Mahler, le directeur musical de l’Ensemble intercontemporain privilégie une approche objective, très contrôlée, parfois même lente et figée, qui n’est pas nécessairement contradictoire avec le climat de certaines de ces mélodies. A l’image, dans Der Tambourg’sell, de ce tambour inhabituellement privé de timbre, qui n’en scande que plus sèchement le destin tragique du personnage du poème.



Simon Corley

 

 

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