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Le bel été

Paris
La Péniche Opéra
05/23/2003 -  

Reynaldo Hahn : Cinq mélodies
Cécile Chaminade : L’Extase
Emmanuel Chabrier : Quatre mélodies
Henri Duparc : Phidylé
Suzanne Giraud : Le bel été (création)
Maurice Ravel : Histoires naturelles


Matthieu Lécroart (baryton), Emmanuel Olivier (piano)

Chaque soirée du deuxième «Printemps de la mélodie» organisé par Mireille Larroche à la Péniche Opéra associe au répertoire de la mélodie française une ou plusieurs créations. On aura ainsi pu entendre, au fil de ces deux semaines, Pascal Zavaro, Graciane Finzi et Lucien Guérinel. Le récital de Matthieu Lécroart et Emmanuel Olivier était ainsi conçu autour de la création d’une œuvre de Suzanne Giraud, Le bel été (2002), saison qui a librement inspiré la composition du programme, autour de ce qu’elle évoque traditionnellement chez les poètes et les musiciens français autour de 1900, à savoir notamment l’amour, la nature et le voyage.


On redécouvre depuis quelques années la musique de Reynaldo Hahn, particulièrement ses cent-vingt-cinq mélodies. Depuis les pastiches archaïsants (Quand je fus pris au pavillon, A Chloris) jusqu’à la ballade (Trois jours de vendange, qui cite le Dies irae), en passant par Verlaine, l’un des écrivains de prédilection du compositeur (L’Incrédule et la fameuse Chanson d’automne, qui sollicite périlleusement les aigus), les cinq pièces interprétées fournissent un large aperçu d’une production au parfum délicieusement suranné et à laquelle on ne pourra pas reprocher d’être mal écrite pour la voix. Jean-Michel Nectoux, dans son Gabriel Fauré, les voix du clair-obscur, se demandait si ce «chant à la fois raffiné, intense et pur» de Bernac ou Panzéra, «ce mode d’interprétation, fondé sur une diction très claire, n’est pas en voie d’être oublié. L’internationalisation des carrières, la diffusion massive du disque ont aussi pour effet de banaliser l’interprétation d’un répertoire si spécifiquement lié à l’élocution française.» On se réjouira donc que Matthieu Lécroart lui donne tort, tant il fait preuve, tout au long de la soirée, non seulement d’une diction à la fois irréprochable mais d’un sens dramatique très sûr.


Autre (re)découverte récente, dont témoigne rien moins qu’un disque d’Anne Sofie von Otter paru chez Deutsche Grammophon (voir ici), Cécile Chaminade, avec une Extase entre romantisme et fin de siècle. Autant chez Hahn, le chanteur est roi, autant ici le piano, dont elle fut une virtuose, se fait nettement plus envahissant.


Nettement moins nombreuses que celles de Hahn, les vingt-quatre mélodies de Chabrier n’ont jamais vraiment quitté l’affiche. Chanson pour Jeanne et Lied (1886) portent la marque si caractéristique du compositeur français, ce mélange de charme, d’ironie et d’humour qui faisait le ravissement de Ravel ou de Poulenc, mais on ne sait trop s’il convient de prendre au premier degré les textes de Catulle Mendès, dont l’un rappelle fâcheusement… Félicie aussi. Antérieurs, Sommation irrespectueuse (1881) appelle une expression quasi théâtrale tandis que Tes yeux bleus (1883) dénote une forte influence wagnerienne, tant elle semble prolonger Träume (le dernier des Wesendonck-Lieder).


Après la badinerie, la seconde partie aborde d’emblée les choses sérieuses, avec Phidylé. Si le poème de Leconte de Lisle a par ailleurs inspiré Hahn, c’est la version d’Henri Duparc (1882) qui est ici donnée: agrémentée d’une riche partie de piano (qui sera d’ailleurs orchestrée dix ans plus tard), elle permet à Matthieu Lécroart, efficacement soutenu par Emmanuel Olivier, de démontrer une capacité remarquable de restituer les amples courbes du chant et d’en modeler les phrasés.


Pour honorer la commande que lui faisait la Péniche Opéra, Suzanne Giraud a retenu Le bel été d’Yves Bonnefoy, extrait d’un recueil (Hier régnant désert) écrit l’année même de sa naissance (1958). En guise de présentation, Matthieu Lécroart indique que le compositeur, bien loin de puiser dans les images heureuses traditionnellement associées à cette saison, pensait à l’expression «c’est une belle catastrophe!». De fait, l’été ambigu, de feu et de glace tout en même temps, qu’évoque puissamment Bonnefoy, trouve dans sa musique une traduction convaincante et, bien plus, sensible. Retenant une structure en arche, la partition, d’une durée de dix minutes environ, se déroule en cinq temps – les quatre strophes étant précédées d’une mise en musique du titre du sonnet – et s’apparente ainsi à un cycle. Si le langage en est résolument contemporain – dans la technique, qu’il s’agisse de la modification, ici ou là, du timbre et des modes de jeu du piano ou des effets de résonance entre la voix et le piano, comme dans l’expression, dépourvue de toute tentation purement décorative – le soin apporté à l’énonciation du texte de même que, corrélativement, le rôle relativement effacé de l’accompagnement, qui se fait commentateur d’une redoutable subtilité, se rattachent à la grande tradition française.


Concluant par les Histoires naturelles de Ravel, Matthieu Lécroart, tour à tour acteur et observateur, chanteur et conteur, fit feu de tout bois, avec un brio non dépourvu de finesse. Les bis conduisirent d’abord à nouveau à Chabrier, décidément égal à lui-même, et à son ultime mélodie, L’Ile heureuse (1890). Ce fut ensuite, avec classe et nonchalance, Syracuse (1962) d’Henri Salvador. Clin d’œil final à la Péniche, avec Vaisseaux, nous vous aurons aimés, dernière des quatre mélodies de L’Horizon chimérique de Fauré.


Simon Corley

 

 

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