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A côté de la plaque

Bruxelles
La Monnaie
04/15/2003 -  et les 17, 19, 22, 24, 27, 29 avril et 1er et 3 mai 2003
Giuseppe Verdi: I Due Foscari
Anthony Michaels-Moore (Francesco Foscari), Elena Prokina (Lucrezia Contarini), Cesare Catani (Jacopo Foscari), Raymond Aceto (Jacopo Loredano), Peter Lurié (Barbarigo), Francisca Devos (Pisana), Tie Min Wang (Fante)
Anne Teresa De Keersmaker (mise en scène), Jan Versweyveld (décors et éclairages), Olivier Theyskens (costumes), Jean-Louis Libert (dramaturgie), Renato Balsadonna (chef des chœurs),
Orchestre Symphonique et Chœurs de la Monnaie, Kazushi Ono (direction musicale)
Nouvelle Production du Théâtre Royal de la Monnaie

La Monnaie a bien eu raison de programmer après les grands opéras de la maturité de Giuseppe Verdi, ses opéras de jeunesse, naguère si décriés et qui se révèlent beaucoup plus intéressants qu’on ne le pensait. Et en commençant par I Due Foscari, Bernard Foccroulle ne pouvait choisir mieux pour entamer ce que l’on espère une série qui continuera les prochaines saisons (l’année prochaine sera proposé I Masnadieri). Ecrit pour Rome en 1844, ce sixième opus se distingue des autres œuvres de l’époque par une richesse mélodique encore plus inspirée, une forme très originale, utilisant en quelque sorte l’ébauche du leitmotiv (qui sera utilisé bien plus tard dans l’histoire de l’opéra), en attribuant un thème à chaque personnage, en définissant par ce procédé le caractère (plaintif pour Jacopo Foscari, révolté pour Lucrezia, résigné pour Francesco). Les parties dévolues au chœur sont particulièrement soignées et alternent agilement avec airs, duos, trios, et ensembles dans une fluidité et une cohérence dramaturgiques ne laissant aucun temps mort.
Malheureusement, le choix d’Anne Teresa De Keersmaker pour la mise en scène est nettement moins heureux, tant elle passe à côté de l’œuvre et impose une vison totalement hors propos ; disparues la sensibilité, la sincérité, la subtilité qui caractérisent cette émouvante œuvre. La chorégraphe improvisée metteur en scène impose des mouvements grotesques aux protagonistes qui sont en totale contradiction avec l’intrigue. Certes, on peut admirer le décor abstrait d’une Venise aussi sombre que les machinations qui s’y trament, signé par Jan Versweyveld, responsable également de subtils éclairages ; certes, le carnaval avec ses masques difformes fait de l’effet ; certes, le rôle du père Foscari semble avoir, lui, avoir été compris et privilégié dans sa caractérisation, malheureusement au détriment des autres. Et il s’agit là d’une grosse erreur car malgré le titre de l’ouvrage, le personnage moteur de l’intrigue est bien Lucrezia, celle qui lutte sans céder, sans répit, avec douleur et courage, celle qui fait le lien entre les deux Foscari. Et ici, dans un costumes aberrant d’Olivier Theyskens (et ce n’est pas le seul !), elle apparaît plus proche d’une Roxie Hart dans la comédie musicale Chicago avec ses frisettes et ses robes années 30. Contresens total !
Sur le plan musical, le bilan est heureusement plus positif, surtout dans la fosse où Kazushi Ono trouve la respiration juste pour faire passer l’émotion dont nous prive la scène et l’excellent chœur de la Monnaie peut montrer ses compétences dans une partition qui le favorise tout particulièrement .
La distribution est par contre fort inégale : Cesare Catani ne se montrant que tout juste correct avec une évidente difficulté à nuancer son chant monocorde. Elena Prokina peut être excusée de ne pas être à la hauteur sur le plan dramatique (nous l’avons vue autrement plus concernée) ; mais elle est vocalement impardonnable, les stridences de la voix, les attaques trop basses et le recours à des piani bien artificiels ne rendent pas justice à l’un des rôles les plus difficiles écrits par Verdi, qui exigerait une Abigaille, une Odabella (on regrette que Julia Varady ne l’aie jamais abordé).
Raymond Aceto promet beaucoup en Loredano et nous espérons l’entendre dans un rôle plus conséquent. Enfin, Anthony Michaels-Moore compose un bouleversant personnage, la voix ayant par ailleurs gagné une rondeur qui le rend maintenant plus accessible aux rôles verdiens que naguère (Rigoletto sur cette même scène). On admire tout particulièrement un phrasé impeccable et un legato sans faille.



Christophe Vetter

 

 

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