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Juvénile Hongrie et glaciale Russie. Vienna Konzerthaus 03/27/2003 - et 28 Mars 2003 Peter Eötvös : "zeropoints" pour orchestre (2000) Béla Bartók : Deuxième concerto pour violon Sz.112 Igor Stravinsky : Petrouchka (révision1947) György Pauk (violon), Wiener Symphoniker, Peter Eötvös (direction). La première pièce de la soirée “zeropoints” fait suite a une commande de Pierre Boulez au compositeur hongrois Peter Eötvös. Le titre provient des neuf parties comptées de 0.1 à 0.9 où le compositeur s’essaye à toute une variété d’atmosphères. L’orchestration est lumineuse, jouant souvent sur la spatialisation de grandes masses orchestrales mais sans jamais tomber dans des effets inutilement spectaculaires. Dirigées avec beaucoup de fraîcheur par le compositeur, ces 15 minutes passent très rapidement.
On restait plus que jamais en compagnie hongroise, avec le deuxième concerto de Béla Bartók interprété par le violoniste György Pauk - hongrois, cela va de soi. Ce dernier est un personnage hors du commun : ancien premier prix des concours Paganini (1956) et Jacques Thibaud (1957), il a encore a 67 ans passés des allures de jeune homme. Il impressionne en particulier par une aisance absolue sur scène et une technique de main gauche toujours impériale. On peut sans hésiter le faire rentrer dans la catégorie très restreinte des très grands seniors violonistes. Le reproche de virtuosité souvent adressé à l’encontre du concerto de Bartok perd ici toute sa validité: Pauk joue cette musique comme il respire, mais ses prises de libertés ne facilitent pas la tache de l ‘orchestre. Pas vraiment mou ou imprécis, l’accompagnement sonne accommodant et manque de tranchant.
Cela saute d’autant plus à l’oreille qu’après la pause, Eötvös dirige un Stravinsky cinglant, glacial et implacable. La vision du chef transforme Petrouchka en une oeuvre contemporaine abstraite: le folklore et le ballet sont complètement laissés de cote. Eötvös fait justice a la complexité foisonnante de l’orchestration, et grâce à des tempos endiablés et des phrasés taillés au rasoir, parvient à conserver toute la transparence de la partition. Il traverse cette seconde partie d’une traite, comme au pas de course - on aime ou on déteste, mais on reste en tout cas fasciné par l’emprise quasi totalitaire avec laquelle le chef impose sa vision aux musiciens. Ce parti pris, sans nul doute très contestable, rend ce concert vraiment inoubliable.
Dimitri Finker
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