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Présence allemande

Paris
Maison de Radio France
02/15/2003 -  

Hans Werner Henze : Symphonies n° 7 et 8


Orchestre philharmonique de Radio France, Myung-Whun Chung (direction)


En conclusion d’un festival Présences 2003 qui aura permis d’entendre l’intégrale des dix symphonies de Henze, l’Orchestre philharmonique de Radio France et son directeur musical, Myung-Whun Chung, interprétaient deux symphonies de caractère radicalement différent, présentant sans doute ainsi les deux faces de ce qu’il est convenu d’appeler l’âme allemande, la lumière et l’ombre, les Lumières et la tragédie, la raison et la folie.


D’une durée de vingt-cinq minutes, la Huitième s’inscrit en quelque sorte dans la descendance de Mendelssohn. Henze, qui est décidément un homme de théâtre, a eu pour intention, dans chacun des trois mouvements, d’évoquer, parfois même de façon descriptive, trois épisodes du Songe d’une nuit d’été. Au travers de la pièce de Shakespeare, il est intéressant de noter que le chemin de Henze croise à nouveau celui de Britten (pour lequel, on s’en souviendra, le compositeur allemand écrivit, in memoriam, son Cinquième quatuor).


Malgré un effectif relativement restreint (bois, trompettes et trombones par deux, quatre cors, percussion, cordes et, comme de coutume, piano, célesta et harpe), l’allegro initial se caractérise par un discours à la fois expressionniste et virtuose, dont la densité annonce les mouvements extrêmes de la Dixième. Opposant les figures idéale de Titania et grotesque de Bottom, l’allegramente central est l’un de ces scherzos rythmés et colorés - en un mot, théâtraux - bien dans la manière de Henze, que l’on peut rapprocher, entre autres, de Une danse (le troisième mouvement de la Dixième). Composé en premier, l’adagio final progresse de l’évanescence jusqu’à une puissante culmination, avant de revenir au calme initial. Créée par Seiji Ozawa et son Orchestre symphonique de Boston, sans doute la plus française des formations américaines, cette symphonie trouve dans Chung - qui l’a déjà donnée à la tête de la Philharmonie de Berlin (voir ici) - et dans le «Philhar’» des interprètes d’exception, qui, plus particulièrement, mettent admirablement en valeur les moments de grâce et de légereté... mendelssohniens.


Plus imposante par sa durée et par son effectif instrumental (bois par quatre, et même cinq clarinettes, six cors, six trompettes, cinq trombones, tuba, percussion, claviers, harpes et cordes), la Septième l’est également dans son propos, contrastant très nettement avec celui de la Huitième. Il est vrai qu’elle est inspirée par la personnalité de Hölderlin, notamment par les souffrances que celui-ci endura au cours de son internement. Considérant un tel programme, il n’est pas surprenant que Henze ait produit ici la plus immédiatement impressionnante de ses symphonies (hormis peut-être la Sixième), celle dont il estime qu’elle «se rapproche le plus du modèle de la symphonie classique». De fait, elle se compose de quatre mouvements, que Chung parvient à condenser en trente-deux minutes (au lieu des quarante habituelles).


Elle s’ouvre par une Danse, ce qui n’aurait a priori pas lieu de surprendre - quelle est, après tout, la symphonie de Henze qui n’en compte point? - si celle-ci, totalement dépourvue du caractère ludique et brillant qui est par exemple celui du mouvement éponyme de la Dixième, ne frappait pas par son inquiétude et ses tourments. Doucement animé, le deuxième mouvement offre de longues plages oniriques qui tournent à plusieurs reprises au cauchemar, illustré par les déferlements sonores d’un orchestre mené par des cuivres surpuissants. Suit un très bref scherzo, marqué continuellement en mouvement, délire incessant, en même temps grinçant et implacable. Le final, calme, retenu, se déroule dans un climat de désolation mahlerienne qui évolue vers une péroraison déchaînée, à nouveau d’une violence hallucinée.


Chung apparaît tout naturellement comme l’homme de la situation pour dominer cette musique écrasante, passionnée, hyperromantique, déchirante, dans laquelle Henze a manifestement mis beaucoup de lui-même. S’exprimant à propos de ses Troisième, Quatrième et Cinquième quatuors, il disait les ranger «dans la catégorie que j’ai qualifiée - en m’inspirant librement de Pablo Neruda - de musica impura, une musique qui se soustrait au purisme, qui ne sait comment manier les formes abstraites et qui laisse les imperfections de la vie, du corps, des relations, qui laisse les maladies et la souffrance physique entrer dans ses structures et les déterminer». Nul doute que cette bouleversante Septième symphonie entre également dans cette catégorie.


Cette journée de clôture, que l’ambassadeur d’Allemagne avait honorée de sa présence, aura enfin permis au compositeur - qui, au cours des concerts précédents, tout en se levant après l’interprétation de chacune ses œuvres, était obstinément resté dans la salle - de recevoir à deux reprises une large ovation du public : à son apparition sur la scène vide, avant le début du concert, de retour de l’émission que Jean-Michel Damian venait de lui consacrer en direct sur France-Musiques (et faisant mine de ne pas comprendre à qui s’adressaient ces applaudissements), puis à la fin de cette après-midi, vigoureusement invité par Chung à monter rejoindre les musiciens.


Alors qu’on remarquait dans la salle Philippe Hersant, «vedette» de la prochaine édition de Présences, l’heure était venue de tirer un premier bilan du festival 2003. Ces seize jours ont été le reflet fidèle d’un paysage musical éclaté, d’une création qui, à la recherche de nouvelles synthèses, tâtonne souvent, loin de toute certitude, et - fort heureusement - trouve parfois. Des dizaines de noms ont bien évidemment manqué à l’affiche, tant la période, si confuse soit-elle, est riche en talents divers. Toujours est-il que le pari d’une programmation concentrée sur la personnalité originale de Henze, largement méconnue en France, a incontestablement été gagné et couronné par un véritable succès public.



Simon Corley

 

 

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