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Morne début de saison lyonnaise Lyon Opéra National de Lyon 10/12/2002 - et 15, 17, 20, 22, 25*, 28, 30 octobre 2002 Richard Strauss : Le Chevalier à la rose Hedwig Fassbender (la Maréchale), Günter Missenhardt (le Baron Ochs), Katharine Goeldner (Octavian), Patricia Petibon (Sophie), David Pittman-Jennings (Faninal), Isabelle Vernet (Marianne), Ian Thompson (Valzacchi), Martine Olmeda (Annina), Jean-Luc Viala (Un chanteur italien) Orchestre, chœur et maîtrise de l’Opéra national de Lyon, Christian Badea (direction). Kasper Holten (mise en scène), Marie i Dali (décors et costumes), Jasper Kongshaug (éclairages).
Avec Le Chevalier à la rose, Richard Strauss abandonne l’Antiquité nocturne et sanglante de Salomé et d’Elektra pour les raffinements d’un dix-huitième siècle lumineux auquel il reviendra une dernière fois dans Capriccio. Strauss inaugure également dans le Chevalier ce fameux style de conversation musicale, fondé sur une fusion parfaite entre le texte et la musique, qui exige des chanteurs la plus grande finesse.
Cette finesse n’a guère caractérisé la production lyonnaise. La mise en scène, d’abord, est vulgaire et décousue. Le mélange des styles et des époques, avec Vazlacchi et Annina en paparazzi, la Maréchale et Octavian se partageant une cigarette après l’amour, ne peut masquer un manque de vision d’ensemble, Kasper Holten, le jeune directeur artistique de l’Opéra de Copenhague, ne se privant pas de grossir inutilement les effets, comme lorsqu’il transforme l’auberge du troisième acte en une sorte de boîte à travestis tapissée d’un rouge criard. Tout ce qui touche le baron Ochs n’échappe évidemment pas à la caricature, alors que le hobereau, s’il manque de manières, n’est pas forcément aussi vulgaire qu’on veut trop souvent nous le faire croire.
La musique n’a rien sauvé. Christian Badea, dont l’Opéra de Lyon s’est décidément entiché, n’a guère pour lui qu’une direction sans temps mort qui évite l’ennui. Mais il ne peut obtenir de l’orchestre cette onctuosité sensuelle, à la fois veloutée et généreuse, qui caractérise la musique de Strauss ; les cordes sont sèches, les bois acides, l’ensemble sonne mal. Hedwig Fassbender, qui était la Princesse étrangère dans Rusalka de Dvorak, déçoit beaucoup : le phrasé manque d’élégance, l’émission est raide, avec des stridences dans le passage et l’aigu qui rendent fort désagréable à l’oreille le début du merveilleux trio final. Le personnage semble surtout très ordinaire, à l’opposé de ce qu’est la Maréchale. Katharine Goeldner satisfaisait davantage dans le Compositeur d’Ariane à Naxos : malgré une voix bien placée, homogène et qui se projette parfaitement, la chanteuse s’est montrée peu nuancée, toujours cantonnée dans la nuance forte, et peu perméable aux subtilités du rôle. Déception aussi du côté de Patricia Petibon, en coquetterie ce soir-là avec ses aigus et à qui le metteur en scène a imposé une composition fort contestable de jeune capricieuse alors que Sophie s’éveille à l’amour et devient une femme. Les hommes seuls n’ont pas déçu : Günther Missenhardt n’a pas cherché à transformer Ochs en un rôle quasi parlé, mais s’est montré à la fois comique et stylé, ce en quoi lui répondait parfaitement le solide Faninal de David Pittman-Jennings, très en voix lui aussi. Même si le chanteur italien de Jean-Luc Viala tient plutôt du chapon qu’on égorge et si Isabelle Vernet, tellement prometteuse à ses débuts, ne peut plus dissimuler l’état de délabrement avancé où elle se trouve, les rôles secondaires sont dans l’ensemble bien tenus, avec une mention spéciale pour Ian Thompson et Martine Olmeda. Le Chevalier méritait vraiment mieux. On attend Boris.
Didier van Moere
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