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Le son de Zurich à Baden-Baden Baden-Baden Festspielhaus 11/28/2025 -
28 novembre 2025
Antonín Dvorák : Concerto pour violoncelle n° 2 en si mineur, opus 104
Gustav Mahler : Symphonie n° 1 « Titan »
Gautier Capuçon (violoncelle)
29 novembre 2025
Gustav Mahler : Symphonie n° 2 « Auferstehung »
Mari Eriksmoen (soprano), Anna Lucia Richter (mezzo-soprano)
Zürcher Sing-Akademie, Tonhalle-Orchester Zürich, Paavo Järvi (direction)
 A. L. Richter, P. Järvi, M. Eriksmoen (© Michael Gregonowits)
Le Festspielhaus de Baden-Baden inaugure ici une collaboration avec l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich qui devrait devenir régulière, au moins pour un premier cycle de trois années. Après ces deux soirées majoritairement consacrées à Gustav Mahler, la saison prochaine verra en effet revenir l’ensemble suisse pour un second doublé automnal. Des programmes mahlériens à nouveau dirigés par Paavo Järvi et cette fois consacrés à la Cinquième Symphonie (précédée... de la Rhapsody in Blue !), puis la Sixième. Deux rendez‑vous à suivre de près en novembre 2026, du moins si l’on en juge par l’intérêt musical et le succès public de ces premiers concerts, l’Orchestre de la Tonhalle de Zurich s’y présentant actuellement dans une forme exceptionnelle.
De fait, Paavo Järvi, directeur musical depuis la saison 2019‑2020, a hérité là d’une formation largement façonnée par David Zinman, resté de 1995 à 2014 et aujourd’hui encore Conductor Laureate à Zurich. Une période particulièrement féconde, marquée par des enregistrements de référence et généralement considérée comme fondatrice dans l’affirmation internationale de la phalange. Or ce standard de qualité paraît se prolonger : on note la qualité des recrutements dans la petite harmonie, des cordes d’une remarquable amplitude dynamique, capables de conserver un son plein jusque dans les pianissimi les plus ténus, ainsi que des cuivres performants, à peine déparés par des trompettes parfois un rien fragiles. Au total, une formation d’un niveau exceptionnel, et peut‑être encore sous‑estimée au regard de la réputation qu’elle pourrait désormais revendiquer.
Une bonne surprise aussi parce que le cycle discographique Mahler récemment entamé par Paavo Järvi à Zurich (Alpha) n’a, lui, pas très bien commencé, avec des Première et Cinquième Symphonies d’un niveau seulement moyen, dont l’impact se trouve manifestement amoindri par des prises de son peu flatteuses, voire une direction orchestrale parfois curieusement imprévisible. Rien de comparable avec ce qu’on entend ici, au moins en termes de distinction sonore, avec vraiment un confort d’écoute remarquable, assuré par une phalange qui peut se montrer très réactive mais reste toujours d’une belle transparence et n’assourdit jamais. La direction de Paavo Järvi séduit aussi dans la Première Symphonie, mais sans que l’on puisse vraiment savoir si c’est par la pertinence de ses propositions ou simplement parce qu’elle sait ménager à l’orchestre de vraies plages de stabilité pour briller. On apprécie beaucoup les gradations dynamiques, un art de souligner sans trop alourdir, et surtout la constante beauté des climats. Pour ce qui de la pertinence des transitions, et l’articulation générale du discours mahlérien on pourrait rester plus réservé, mais quand même, dans l’ensemble au cours de cette séduisante « Titan », l’adhésion l’emporte largement.
Le lendemain, l’approche de la Deuxième Symphonie paraît plus difficile. En fait quelque chose ne fonctionne plus bien au cours des deux premiers mouvements, qui paraissent décousus, comme mis en place à la hâte. Ce qui n’empêche certes pas chaque détail de rester à sa place, mais sans que puisse se dissiper une curieuse sensation de malaise, comme si l’agogique butait sans cesse sur des accidents de parcours qui brisent l’élan d’ensemble. Bref, manque une sensation d’évidence, peut-être en raison d’une approche qui se préoccupe trop de mise en valeur successive de petits détails au détriment de la ligne directrice. Ensuite l’interprétation s’affirme davantage, avec toutefois deux voix solistes trop légères, Anna Lucia Richter, beau mezzo‑soprano au timbre coloré mais à la respiration insuffisamment noble et large pour les dernières lignes d’« Urlicht », et belle luminosité de la voix de soprano de Mari Eriksmoen, mais qui pourrait s’affirmer davantage. Superbe prestation, en revanche, d’un chœur impeccable, qui élève vraiment le niveau du Finale, après avoir réussi, encore assis, une entrée à mi‑voix d’une envoûtante magie. Donc une dernière ligne droite remarquable, mais auparavant des instants sinueux au cours desquels on est resté parfois perplexe, voire perdu.
Approche aussi relativement singulière pour le Concerto pour violoncelle de Dvorák, dont la partie soliste est assurée par un Gautier Capuçon d’un gabarit un peu limite pour l’emploi, qui tend à vibrer excessivement dans les passages les plus majestueux, pour tenter de renforcer autant que possible une projection globalement trop frêle. Derrière ce soliste en manque d’envol, la toile de fond reste minutieuse, avec d’exquis détails obtenus par un vrai creusement des sonorités, comme une succession de petites scènes de genre au pays de Bohème. Une interprétation d’un véritable charme, mais là encore dont la ligne directrice ne se laisse pas toujours clairement percevoir, et dont seul le deuxième mouvement, comme chanté à mi‑voix par le soliste et bien soutenu par un orchestre très attentif, convainc vraiment. En bis : « Lasst mich allein », la première des quatre Mélodies de l’Opus 82 de Dvorák, où l’ensemble du pupitre de violoncelles et une contrebasse de l’orchestre accompagnent la très lyrique ligne du soliste.
Laurent Barthel
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