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Les trésors cachés de Donizetti

Bergamo
Teatro Donizetti
11/16/2025 -  et 21, 29* novembre 2025
Gaetano Donizetti : Il furioso nell’isola di S. Domingo
Paolo Bordogna (Cardenio), Nino Machaidze (Eleonora), Santiago Ballerini (Fernando), Valerio Morelli (Bartolomeo), Giulia Mazzola (Marcella), Bruno Taddia (Kaidamà)
Coro dell’Accademia Teatro alla Scala, Salvo Sgrò (préparation), Orchestra Donizetti Opera, Alessandro Palumbo (direction musicale)
Manuel Renga (mise en scène), Aurelio Colombo (décors et costumes), Emanuele Agliati (lumières)


(© Studio U.V./Donizetti Opera – Fondazione Teatro Donizetti)


L’édition 2025 du Festival Donizetti a fait la part belle à la découverte, avec quatre opéras méconnus du célèbre compositeur de Bergame : Il furioso nell’isola di S. Domingo, Caterina Cornaro, Il campanello et Deux hommes et une femme. Il furioso nell’isola di S. Domingo (Le Furieux dans l’île de Saint‑Domingue) est un opéra semi‑sérieux (melodramma semiserio) en deux actes. Créé en 1833 à Rome, il a connu un grand succès à l’époque, devenant l’une des œuvres les plus populaires de Donizetti. Chronologiquement, il se situe entre les deux « tubes » que sont L’Elixir d’amour (1832) et Lucia di Lammermoor (1835). Cet opéra marque une étape importante dans la carrière du compositeur, lui apportant une reconnaissance significative. L’œuvre se distingue par son équilibre subtil entre ironie et sérieux, caractéristique du genre. Le livret, écrit par Jacopo Ferretti (à qui on doit notamment La Cenerentola de Rossini), est inspiré du Don Quichotte de Cervantès, bien que le personnage principal, Cardenio, soit davantage un anti‑héros romantique frappé de folie amoureuse qu’un chevalier errant.


L’intrigue est passablement alambiquée et jalonnée de nombreux coups de théâtre : elle se déroule sur l’île de Saint‑Domingue, où Cardenio, fils d’un commerçant espagnol, a trouvé refuge après avoir été rendu fou par la rumeur de l’infidélité de sa femme, Eleonora. Il vit auprès de Bartolomeo, de sa femme Marcella et de leur serviteur Kaidamà, lequel est terrorisé par les fréquents accès de folie du « furieux ». Par un coup du sort, Eleonora, qui a passé des années à chercher son mari pour lui prouver son innocence, fait naufrage sur la même île lors d’une tempête. Peu de temps après, arrive également le frère de Cardenio, Fernando. Dans un moment de délire, Cardenio s’apprête à tuer Eleonora. Fernando arrive juste à temps pour l’en empêcher. Cardenio, submergé par l’émotion de ces retrouvailles inattendues, tente de se noyer dans la mer, mais il est sauvé par Fernando. Cet épisode dramatique ramène Cardenio à la raison. Cependant, convaincu que la mort est la seule issue à son chagrin, il décide d’en finir avec la vie. Eleonora, désespérée, lui demande pardon, ce qu’il accepte à la condition qu’ils meurent ensemble. Eleonora pointe alors son arme vers elle‑même. Voyant dans ce geste ultime une preuve de son amour et de sa fidélité, Cardenio finit par se convaincre de son innocence et lui pardonne. L’opéra se termine sur leur réconciliation.


Le metteur en scène Manuel Renga a utilisé un dispositif scénique ingénieux, tirant parti d’habiles effets visuels, tels que le resserrement du cadre de scène coulissant, pour focaliser l’attention sur des situations précises. Des décors mobiles et des voilages descendant des cintres ont permis de moduler l’espace scénique avec fluidité, offrant des transitions rapides entre les différentes scènes. La direction d’acteurs a été minutieusement réglée. Le metteur en scène a su éviter l’écueil de la simple farce pour mettre en lumière la vérité profonde des personnages. Plutôt que de situer l’action dans une île des Caraïbes, la production l’a transposée dans un lieu plus abstrait et onirique, qui pourrait être une maison de repos, car durant tout le spectacle, un vieil homme se tient sur scène, accompagné d’une femme âgée : on comprend petit à petit qu’il s’agit de Cardenio âgé, ressassant ses souvenirs. Mais Manuel Renga a fait une entorse au livret : la mise en scène évoque la possibilité d’une rechute, suggérant que la guérison est fragile, alors que l’opéra est censé se terminer sur une fin heureuse.


A la tête de l’Orchestre Donizetti Opera, Alessandro Palumbo a su mettre en valeur la musique riche et équilibrée de Donizetti, alternant avec brio les moments pathétiques et les touches d’ironie. Il a réussi à insuffler vie et énergie à la partition, soulignant les subtilités de l’orchestration et les contrastes de l’œuvre, passant avec fluidité des moments d’agitation dramatique aux passages plus lyriques et délicats. La distribution a été d’excellent niveau. Paolo Bordogna a livré une magnifique incarnation de Cardenio, un personnage complexe oscillant entre la folie et la raison, une incarnation marquée par sa profondeur émotionnelle et sa justesse. Vocalement, il a su alterner avec aisance les moments de délire furieux et les passages lyriques plus intériorisés. En Eleonora, Nino Machaidze a fait preuve d’une grande agilité vocale et d’une ligne de chant exemplaire, malgré quelques stridences, tout en apportant une dimension dramatique convaincante à son personnage. Le ténor Santiago Ballerini a été un Fernando vocalement brillant, impressionnant dans ses nombreuses vocalises. Un nom à retenir. Pour sa part, Bruno Taddia a apporté, avec le personnage de Kaidamà, une touche de comédie, séduisant par son aisance vocale et sa forte présence scénique.



Claudio Poloni

 

 

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