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Gatti en maître des nuances

Paris
Maison de la radio et de la musique
11/27/2025 -  et 29 novembre 2025
Hector Berlioz : Le Carnaval romain, opus 9
Felix Mendelssohn : Symphonie n° 4 « Italienne », opus 90
Ottorino Respighi : Fontane di Roma, P 106 – Pini di Roma, P 141

Orchestre national de France, Daniele Gatti (direction)


D. Gatti (© Christophe Abramowitz/Radio France)


Désormais directeur musical de la Staatskapelle de Dresde et du festival annuel du Mai musical florentin, Daniele Gatti n’en oublie pas de se rappeler au souvenir de ses anciennes troupes, lui qui fut à la tête de l’Orchestre national de France entre 2008 et 2016. Après le concert consacré au Requiem allemand de Brahms donné au Théâtre des Champs‑Elysées en début d’année, on le retrouve cette fois à l’Auditorium de la Maison de la radio et de la musique pour deux dates, dont la première bénéficie d’une retransmission en direct sur France Musique.


Face à une salle pleine pour l’événement, Daniele Gatti dirige sans partition pendant toute la soirée, se penchant régulièrement vers les cordes pour leur demander d’alléger les textures, tout en jouant sur les tempi, souvent étirés dans les passages apaisés et plus affirmés dans les verticalités. Dès les premières mesures de l’ouverture Le Carnaval romain (1844) de Berlioz, la volonté de jouer sur les nuances est patente, ce qui permet de mettre en valeur les solistes (ici le superbe cor anglais de Laurent Decker, très applaudi en fin de concert par le public) face à des cordes quasiment en sourdine. Le raffinement des textures qui en résulte permet des dialogues splendides entre les pupitres, notamment altos et cors, avec quelques échos espiègles des vents. Les tutti sont plus martelés en comparaison, ce qui permet à la mélodie principale (plusieurs fois répétée en fin d’ouverture) de s’imprimer durablement dans les esprits.


Le nombre de musiciens se réduit sensiblement avec la Quatrième Symphonie (1833) de Mendelssohn : Gatti poursuit dans sa volonté de révéler des détails inattendus dans les piani, en un son volontairement mécanique aux cordes, sans vibrato. Tout le brillant et l’urgence souvent audibles dans cet ouvrage sont ici gommés au profit d’une vision plus intellectuelle, privée de pathos. La mélodie murmurée aux cordes dans l’Andante con moto poursuit cette optique chambriste, comme de la dentelle, ce qui met en avant quelques scansions dévolues aux contrebasses. Le chef milanais joue encore sur le ralentissement du tempo dans le Con moto moderato qui suit, en privilégiant une myriade délicieuse de nuances dans les piani. Enfin, le Presto conclusif étonne par son brio sans ostentation, un rien trop sage par endroits. Les cordes effleurent à peine leur archet en des passages comme suspendus, avant une fin plus orageuse mais toujours esthétique.


Après l’entracte, on retrouve des effectifs plus fournis pour les deux ouvrages les plus fameux de Respighi, Les Fontaines de Rome (1917) et Les Pins de Rome (1924). Point d’ivresse sonore ici, on s’en doute, mais la volonté de faire ressortir toutes les influences de ces bijoux de contrastes orchestraux : des effluves orientalistes traversent ainsi brièvement le début des Fontaines, lancé par le cor anglais et le hautbois, avant qu’un raffinement plus impressionniste n’irrigue tous les pupitres, tous gorgés de couleurs lumineuses. Entre parti pris analytique et ambiance évanescente, l’introduction des Fontaines est ensuite interrompue par des effets de contraste volontairement grotesques aux cuivres, qui rappellent Dukas. Gatti est toutefois plus décevant ici, en ce qu’il s’intéresse peu à l’architecture et à l’unité du discours d’ensemble, semblant se complaire dans les multiples digressions de la narration. Les tutti plus straussiens ont ainsi davantage de mal à s’insérer, ce qui donne une impression de collage maladroit.


Avec les Pins, le début plus scintillant et vertical met en valeur le brio des percussions et des cuivres, face à des cordes toujours volontairement tenues au second plan. L’extraversion colorée de Respighi se régale de tempi plus vifs, avant une transition dissonante aux cuivres, proche de Varèse. La partie apaisée qui suit, ralentie à outrance par le geste sans nerfs de Gatti, trouve une ambiance aussi trouble que statique. Les solos de trompette (venus des coulisses) ou de clarinette n’en ressortent que davantage, annonçant le néoclassicisme des ballets de Copland. Ensuite, le jeu sur les timbres au célesta et aux premiers violons apporte un visage plus moderne, aux ambiguïtés tonales. La fin de l’ouvrage plus spectaculaire se montre réussie, tant Gatti ne cherche pas à faire d’effets inattendus, si ce n’est l’opportun placement de plusieurs cuivres parmi le public : de quoi offrir une expérience bienvenue en termes de spatialisation sonore, à même de mettre en valeur cette fanfare grandiose.



Florent Coudeyrat

 

 

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