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Les Sequenze scénographiées

Paris
Cité de la musique
11/22/2025 -  
Luciano Berio : Sequenza III pour voix de femme – Sequenza IV pour piano – Sequenza V pour trombone – Sequenza VII pour hautbois – Sequenza VIII pour violon – Sequenza XIVb pour contrebasse
Jenny Daviet (soprano)
Solistes de l’Ensemble intercontemporain, Clément Marie (électronique)
Calixto Bieito (mise en scène), Barbora Horáková Joly (dramaturge, collaboratrice artistique), Samuel Ferrand (mise en lumière)


(© Quentin Chevrier)


Alors que sa mise en scène de La Walkyrie fait les beaux soirs de l’Opéra Bastille (voir ici), Calixto Bieito est convié par Pierre Bleuse pour une « exposition de performances musicales » dévolue à six Sequenze de Luciano Berio (1925‑2012). Le parterre, délesté pour l’occasion de ses rangées, permet au public de serpenter à travers plusieurs îlots. De colorés pinceaux de lumière cadencent les (parfois fausses) entrées des musiciens. Il y a bien quelques moments de flottement très concertés entre deux pièces, mais le maître‑mot demeure fluidité : une sequenza s’allume au mégot de la sequenza expirante et l’attention du public ne se relâche pas un seul instant.


Lucas Ounissi doit simultanément jouer et chanter dans la Sequenza V (1966) pour trombone. Ce qui était simple souvenir du clown Grock se mue, par l’artifice du costume et de la scénographie, en véritable théâtre musical. On notera la fantaisie débridée des jeux de sourdines. Jeanne‑Marie Conquer connaît bien la Sequenza VIII (1976) pour l’avoir enregistrée dans le cadre de la quasi‑intégrale du cycle par les membres de l’Ensemble intercontemporain (Deutsche Grammophon, 1994‑1997). L’écriture, plus circulaire que linéaire, soudainement focalisée sur quelques notes obsessives (la et si), se veut un hommage à la Chaconne de Bach. Main gauche ferme et archet volubile, la violoniste triomphe des chausse‑trappes de la partition. Rompus à tous les os rythmiques imaginables depuis qu’il interprète le Concerto pour piano de Ligeti, Hidéki Nagano ne fait quant à lui qu’une bouchée de la Sequenza IV (1966) et ses moments suspendus entre résonances confiées à la pédale tonale et clusters sautillants.


La Sequenza VII (1969) gagne, comme c’est ici le cas, à substituer un instrument à la bande magnétique pour produire le si bécarre, sorte de « tonique » (Berio dixit) dont la présence constante agit comme une mise en perspective de la partie principale. Jeanne‑Marie Conquer module à plaisir sa note unique tandis que le hautboïste Philippe Grauvogel, juché au second balcon, dévide son ruban de notes, fort de « l’extrême vélocité du phrasé instrumental » prescrite par le compositeur. Nicolas Crosse fait irruption de derrière un rideau noir pour empoigner la Sequenza XIVb (2004) – arrangement plus que simple transcription que l’on doit au virtuose Stefano Scodanibbio. La pièce a depuis trouvé sa place au répertoire de nombreux musiciens, au nombre desquels Florentin Ginot. Le contrebassiste de l’EIC tire profit de sa préhension très athlétique de l’instrument (amplifié ?) lui permettant d’habiter conjointement plusieurs registres, avec une approche sensuelle – on songe à l’emblématique Pression d’Helmut Lachenmann – lors des palpations liminaires.


La Sequenza III (1965) doit sa célébrité à la performance inoubliable de Cathy Barberian qui mettait tout un monde dans sa voix. Partition dans la tête et technique à toute épreuve, Jenny Daviet se prête aux desiderata du Calixto Bieito et de sa consœur Barbora Horáková Joly, lesquels lui enjoignent de prendre possession de la scène ici en courant, là en glissant à plat ventre sur un chariot, ailleurs en gesticulant à la face du tromboniste resté avachi sur son siège pivotant. Et tout ce beau monde de se retrouver au centre du parterre le temps d’un épilogue improvisé sous le signe de l’extravagance et du fantasque. A quand l’EIC au complet pour le cycle des Chemins ?



Jérémie Bigorie

 

 

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