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Sérénité et sortilèges : Rattle à Munich

München
Isarphilharmonie
11/06/2025 -  et 7 (München), 10 (Liverpool), 11 (Birmingham), 14 (Paris), 15 (Frankfurt), 16 (Köln) novembre 2025
Robert Schumann : Symphonie n° 2 en ut majeur, opus 61
Igor Stravinsky : L’Oiseau de feu

Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Sir Simon Rattle (direction)


S. Rattle (© Bayerische Rundfunk/Astrid Ackermann)


Commencer un concert par la Deuxième Symphonie de Schumann, impose aux cuivres – cors, trompettes, trombones – d’ouvrir la soirée par un choral à découvert, à froid, ce qui ne va pas ici sans quelques petites aspérités, sans doute inévitables, même pour un orchestre de tout premier rang. Mais ces infimes imperfections, presque rassurantes tant elles rappellent l’humanité des musiciens, s’évanouissent très vite, l’Orchestre de la Radio bavaroise retrouvant sans problèmes son aplomb et son autorité sonore habituels. On se laisse dès lors envelopper par ces cordes toujours profondes et charpentées, par ces contrebasses charnues et virtuoses (leur fameux passage dans le Scherzo, exécuté avec une aisance insolente !), par des violoncelles d’un lyrisme intense, des altos superbes, et des violons I et II investis comme dans un quatuor de musique de chambre. Une formation d’ailleurs délibérément de taille moyenne, sans surcharge de cordes (douze premiers violons), qui permet à Simon Rattle d’obtenir des transparences et des équilibres qu’il n’avait pas toujours trouvés dans son cycle Schumann berlinois, il y a douze ans (voir ici et ici). Ici les couleurs restent intrinsèquement allemandes, celles d’un orchestre qui a su garder des sonorités adoucies, idéales pour un répertoire aussi intensément romantique et chargé d’ombres.


Sommet attendu, l’Adagio, qui, de fait, respire espressivo comme un véritable corps organique, Rattle pouvant laisser phraser spontanément ses hautbois et clarinette solo en toute confiance, l’attention du chef semblant essentiellement focalisée sur l’éventail de nuances, en allant même, dans la section médiane, jusqu’à exagérer le double piano requis, suspendu aux limites de l’audible. Un gimmick façon Rattle, mais qui fait son petit effet. Au registre des particularismes du chef, une certaine dispersion dans la conduite du premier mouvement, qui s’attache un peu trop aux événements ponctuels par rapport à la ligne d’ensemble, mais là, inventer sur le vif une véritable continuité à ce discours très éclaté n’est, il est vrai, pas du tout facile. Cette Deuxième reste de toute façon parmi les symphonies de Schumann celle que Rattle appréhende le mieux, et avec un orchestre aussi idiomatique, impossible de ne pas rendre les armes, même si l’ensemble conserve encore une petite marge de progression.


L’Oiseau de feu complet en seconde partie : encore une partition chère à Rattle, qui la dirige par cœur, tout comme Schumann auparavant. Une maîtrise totale, mais qui se signale surtout par une impression rare de sécurité et même de décontraction. Dans une œuvre aussi dense, constater que l’orchestre semble s’exprimer d’abord par lui‑même, laissé libre de proposer et de modeler chaque intervention exposée, relève assurément de l’exceptionnel. L’interprétation apparaît comme une construction collective, où tout reste largement ouvert, fluide, respirant, collaboration avec le chef d’autant plus remarquable qu’elle paraît livrer ses fruits quasiment dans l’instant. On n’en veut pour preuve, exemple parmi beaucoup d’autres, que les multiples inflexions et nuances que parvient à développer le basson dans la « Berceuse » (alors qu’il n’y a aucune indication dynamique sur la partition, hormis un banal piano en début de ligne), infimes respirations toutes plus musicales et sensibles les unes que les autres (dommage simplement que le timbre plus incisif d’un basson français nous manque, mais ici la sonorité plus chaude et boisée de l’instrument a aussi son charme).


Plus largement, la partition se transforme moins en musique de ballet qu’en parade orchestrale, où chaque solo devient friandise : hautbois ineffable, clarinette miraculeuse, cor peut‑être un rien en retrait dans son entrée avant l’apothéose, moins impérieuse qu’attendue, mais d’une justesse absolue. Que l’on n’attende toutefois pas d’un tel orchestre une rutilance « russe » ou « américaine » : la « Danse infernale de Kastcheï » reste assez policée, refusant la brutalité ostentatoire. Mais que de compensations ! La trame arachnéenne de la « Danse des princesses », le mystère suspendu de l’introduction, la noblesse de l’apothéose qui finit par véritablement décoller... Difficile de réclamer davantage quand la poésie circule à ce point dans chaque détail.


Sur le tard désormais dans la carrière de Simon Rattle, l’étape munichoise se révèle décidément riche en moments privilégiés, à la fois d’une sérénité souveraine et d’une fraîcheur intacte.



Laurent Barthel

 

 

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