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La Fille du Régiment fait feu à Milan Milano Teatro alla Scala 10/17/2025 - et 24, 29, 31* octobre, 4, 7 novembre 2025 Gaetano Donizetti : La Fille du régiment Julie Fuchs (Marie), Juan Diego Flórez (Tonio), Géraldine Chauvet (La Marquise de Berkenfield), Pietro Spagnoli (Sulpice), Barbara Frittoli (La Duchesse de Crackentorp), Pierre Doyen (Hortensius), Emidio Guidotti (Un caporal), Federico Vazzola (Un notaire), Aldo Sartori (Un paysan)
Coro del Teatro alla Scala, Alberto Malazzi (préparation), Orchestra del Teatro alla Scala, Evelino Pidò (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène et costumes), Christian Rath (reprise de la mise en scène), Chantal Thomas (décors), Joël Adam (lumières), Laura Scozzi (chorégraphie), Karine Girard (reprise de la chorégraphie), Agathe Mélinand (dialogues)
 (© Brescia e Amisano/Teatro alla Scala)
La Scala reprend La Fille du régiment, opéra comique de Gaetano Donizetti, dans la célèbre production de Laurent Pelly, étrennée à Londres en 2007 et présentée depuis un peu partout dans le monde (notamment à Barcelone, à Madrid, à New York – en 2008, en 2010 et en 2012 –, à Vienne ainsi qu’à Paris – en 2012 et en 2024). Dix‑huit ans plus tard, le spectacle convainc toujours, à en juger en tout cas par les rires et les applaudissements du public milanais. On le sait, le metteur en scène a choisi de déplacer l’intrigue dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, avec notamment un spectaculaire coup de théâtre final, lorsque Tonio arrive sur scène au sommet d’un char d’assaut. La production est drôle et pétillante, visuellement inventive, la direction d’acteurs est réglée au cordeau et on apprécie toujours autant de voir Marie transformée en garçon manqué un brin hystérique (la scène du repassage est toujours des plus hilarantes !). L’émotion et une réflexion subtile sur les conventions sociales ne sont pas non plus en reste. Agathe Mélinand a actualisé le texte original pour Milan, faisant répéter plusieurs fois à la Duchesse de Crackentorp que son fils est retenu « par des obligations olympiques » (une allusion bien évidemment aux Jeux d’hiver, qui se tiendront dans la capitale lombarde en février prochain).
A la création du spectacle à Londres en 2007, Natalie Dessay et Juan Diego Flórez partageaient l’affiche. A la Scala, le ténor péruvien est toujours là et le temps semble n’avoir que peu de prise sur sa voix, tout au plus le timbre et les aigus se sont‑ils un peu durcis. Il incarne un Tonio attachant, juvénile et amoureux. On admire toujours autant la facilité insolente avec laquelle sont lancés les contre‑ut du célèbre air « Pour mon âme quel destin », sans oublier la ligne irréprochable et les nuances dont l’interprète sait parer son chant. Le ténor ne renouvelle pas son exploit de 2007, lorsqu’il avait bissé son air, une première à la Scala, mais sa prestation demeure un triomphe absolu. Dans le rôle de Marie, Julie Fuchs séduit par son aplomb scénique, sa vivacité et sa truculence. Si sa voix peut sembler légère pour l’immensité de la Scala, elle l’utilise avec une technique brillante, des aigus scintillants et des vocalises précises, insufflant une joie de vivre communicative au personnage. Alessandro Corbelli campe un Sulpice truculent, mais qui heureusement n’en fait pas trop, alors que Géraldine Chauvet impressionne par sa voix grave et corsée dans le rôle de la Marquise de Berkenfield. Dans la fosse, Evelino Pidò dirige l’Orchestre de la Scala avec brio. Dès l’Ouverture, la formation se montre électrisante, capturant l’esprit martial avec précision. La direction, méticuleuse et détaillée, met en valeur les diverses couleurs instrumentales de Donizetti, faisant briller les passages lyriques avec une transparence et une douceur remarquables, malgré un léger manque d’effervescence par moments.
Claudio Poloni
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