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Le talent vaut plus que le nom Gent Opera Vlaanderen 11/02/2025 - et 4, 6 (Gent), 8, 12, 14 (Antwerpen) novembre 2025 Gaetano Donizetti : Lucia di Lammermoor Vuvu Mpofu (Lucia di Lammermoor), Vincenzo Neri (Enrico Ashton), César Cortès (Edgardo di Ravenswood), Emanuel Tomljenovic (Arturo Bucklaw), Sam Carl (Raimondo Bidebent), Jessica Stakenburg (Alisa), Kwanhee Park (Normanno)
Koor Opera Ballet Vlaanderen, Jan Schweiger (chef des chœurs), Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, Andriy Yurkevych (direction)
 V. Mpofu (© D.R.)
La saison se poursuit à l’Opéra des Flandres avec une Lucia di Lammermoor (1835) en version de concert. Trois exécutions à Gand, trois autres à Anvers : autant de dates pour un opéra donné sous cette forme suscite l’étonnement et suggère, peut‑être à tort, que cet ouvrage aurait dû, à l’origine, être mis en scène. Nous aurions, dans ce cas, préféré entendre à la place un opéra moins souvent joué de Donizetti, comme Poliuto ou Linda di Chamounix.
Le concert valait toutefois le déplacement, à la fois pour la prestation de l’orchestre et pour celle des solistes, réunis au sein d’une distribution compétente et concernée, bien que dépourvue de star, ce qui prouve qu’à l’Opéra des Flandres, le talent compte davantage que le nom. D’origine ukrainienne, Andriy Yurkevych, actuellement en fonction à l’Opéra d’Etat de Prague, obtient de l’orchestre, qui se hisse à son niveau habituel, autrement dit excellent, une exécution ferme et vigoureuse. Sa direction demeure, en effet, moins soucieuse de finesse et de transparence que de drame et d’énergie. Le jeu des musiciens parait cependant suffisamment précis pour attirer quelque peu l’attention sur l’orchestration de Donizetti. Les solos sont en outre joués avec expressivité, en particulier la flûte dans l’air de la folie. Lors d’une représentation de cet opéra à Nice, avec ce chef, il y a un peu plus deux ans, notre correspondant avait relevé des « tempi vifs, mais jamais brutaux », ce que nous avons également constaté. Les choristes interviennent, pour leur part, avec fermeté et éloquence, à l’instar de l’orchestre.
Vuvu Mpofu possède de considérables moyens. La soprano sud‑africaine relève remarquablement le défi du rôle‑titre, en mettant en valeur un timbre assez somptueux, une voix ample et puissante. Maîtrisant le vibrato, elle monte sans peine dans les aigus et cultive un medium plutôt charnu et assez séduisant. Les moyens correspondent donc à ce qu’exige Lucia, mais l’interprète ne parvient pas tout à fait, dans le dernier air, à traduire les vertiges et l’errance de la folie, l’incarnation demeurant globalement un peu trop sommaire, ce qui s’explique probablement par l’absence de mise en scène, donc de direction d’acteur à même, en principe, de développer plus finement la psychologie des personnages. C’est donc la voix et le potentiel d’évolution de cette chanteuse charismatique que nous retenons.
Vincenzo Neri apparait fréquemment à l’affiche de l’Opéra des Flandres. Ce baryton met en avant la beauté de son timbre et prend soin du phrasé, deux qualités au service d’une interprétation quelque peu monolithique mais témoignant d’une certaine conscience du style. La prestation de haute tenue de César Cortès atteste l’adéquation étroite entre le rôle d’Edgardo et les moyens de ce ténor au timbre clair et à la projection ferme. Emanuel Tomljenovic, du Jeune Ensemble de l’Opéra des Flandres, parvient à se faire remarquer dans le rôle relativement peu développé d’Arturo, notamment par la bonne tenue du phrasé et de l’intonation – une jolie découverte, à confirmer dans un rôle plus substantiel. Excellente prestation, enfin, de Sam Carl en Raimondo, un personnage auquel il confère du relief grâce à une voix profonde, sombre, voire austère. Applaudissons aussi les méritants Jessica Stakenburg et Kwanhee Park dans les tout petits rôles d’Alisa et de Normanno.
Sébastien Foucart
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