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Un monument musical Paris
Cité de la musique
10/08/2002 -
Wolfgang Rihm : Tutuguri
Orchestre de la Radio de Stuttgart, Fabrice Bollon (direction)
Il aura fallu attendre vingt ans pour que Tutuguri de Wolfgang Rihm soit créé en France, c’est désormais chose faite grâce au Festival d’automne qui nous permet de découvrir une des œuvres les plus fortes et les plus belles du compositeur allemand. On connaît l’écriture de Rihm, éruptive, saccadée, violente, sauvage et raffinée à la fois, mais ici cela dépasse tout ce que l’on connaissait de lui ! Ecrites pour grand orchestre, chœur (ici enregistré) et récitant (pour une courte intervention), ces deux heures de musique, inspirées par un poème d’Antonin Artaud, exploitent toutes les ressources de l’orchestre, percussives surtout, mais aussi de couleurs, de matérialité pure (à la Lachenmann) et l’on y retrouve, pour situer, beaucoup de Varèse, un peu de Stravinsky et un soupçon de Bernard Herrmann, un cocktail détonnant ! Dans un geste beethovénien, Rihm façonne et contraint la matière orchestrale jusqu’à la porter à l’état de fusion pour atteindre une puissance d’expression rare. Après les parties I à III, et un entracte bienvenu permettant de souffler, la partie IV, uniquement pour percussion, se situe un peu en retrait et fait courir à l’œuvre entière le risque d’en simplifier le message. Mais ces quarante minutes déroulées à une nuance triple forte quasi permanente font leur effet ! On ne pourra jamais désespérer de la musique et de notre culture tant que l’on pourra assister à une telle force primale, une telle puissance de conception, une telle inventivité dans la réalisation. L’Orchestre de la Radio de Stuttgart est parfaitement dirigé par un jeune chef français qui réalise toute sa carrière en Allemagne, Fabrice Bollon. On a hâte de le réentendre à Paris. Ces interprètes ont enregistré l’œuvre récemment et un disque, qu’il ne faudra pas manquer, sortira prochainement chez Hänssler.
Philippe Herlin
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