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Tournée inaugurale Paris Maison de la radio et de la musique 10/16/2025 - et 14 (Amsterdam), 15 (Antwerpen), 19 (Paris), 22 (Wien) octobre 2025 Thierry Eschaich : Arising Dances Maurice Ravel : Concerto en sol
Serge Prokofiev : Roméo et Juliette, Suites, opus 64 bis et 64 ter (extraits)
Alice Sara Ott (piano)
Philharmonique de Radio France, Jaap van Zweden (direction)
 J. van Zweden (© Christophe Abramowitz)
Cette première rencontre de la saison avec le directeur musical nouvellement désigné Jaap van Zweden était l’occasion pour le Philharmonique de Radio France d’une tournée européenne, la semaine prochaine à Munich puis Vienne après Amsterdam et Anvers.
Place d’abord, et en présence du compositeur, à la création française d’une œuvre de Thierry Eschaich donnée en première mondiale à Munich en 2021. Arising Dances est une pièce dense, joyeuse et chorégraphique dont les premières mesures font incontestablement penser au Ravel de La Valse. La référence évoquée par le compositeur pour la partie centrale (« sarabande aux allures baroques évoquant un Stabat Mater ») saute moins aux oreilles. Quant à la dernière partie, elle sonne plus jazzy que disco (autre évocation d’Eschaich) et termine en beauté cette pièce magnifiquement écrite avec un mélange réussi de finesse et de force. Le Philharmonique de Radio France est très à l’aise sous la direction précise de Jaap van Zweden et les talentueux percussionnistes de l’ensemble, très sollicités, sont à la fête.
Dans le Concerto en sol de Ravel, bien que magnifiquement réalisé, on a parfois l’impression de deux mondes ne se rencontrant pas, à savoir celui éthéré et superbe d’Alice Sara Ott, tout d’intériorité et de délicatesse, et celui, plus extraverti, de Jaap van Zweden qui, du moins depuis la corbeille, donne souvent l’impression de couvrir la soliste. Les interventions des solistes sont tout à fait remarquables – on pense notamment au cor anglais de Stéphane Suchanek, au souffle semblant inépuisable, et à la harpe à la fois délicate et précise de Nicolas Tulliez. Le final enthousiasme particulièrement, notamment grâce à un pupitre de percussions bien mis en valeur (Nicolas Lamothe, Jean‑Baptiste Leclère, Gabriel Benlolo, Benoît Gaudelette) et à la complicité évidente. En bis, la jeune pianiste nippo-allemande offre le Nocturne en mi mineur de John Field, un compositeur qu’elle aime à défendre, tout de raffinement.
Place enfin aux extraits des Suites de Roméo et Juliette de Prokofiev. Ces morceaux tous célèbres reprennent les principales scènes du ballet intégral, d’une durée de plus de deux heures. Elles sont dirigées par Jaap van Zweden avec l’énergie qu’on lui connaît. Les contrastes sont au rendez‑vous, les tempi sont plutôt rapides, parfois au risque de mettre en péril en de rares moments la cohésion des cordes, mais l’ensemble a belle allure si l’on aime un Prokofiev âpre et sec, presque brutaliste. Les passages plus romantiques perdent un peu en émotion mais la réalisation est d’une grande précision. Le Philharmonique de Radio France sonne magnifiquement même si par moments certains pupitres disparaissent trop masqués par d’autres. En bis, la Huitième des Danses slaves de l’Opus 46 de Dvorák sonne comme plutôt comme du Chostakovitch et les contrechants des cordes sont noyés par des cuivres magnifiques mais trop omniprésents. Dommage !
La bonne nouvelle de ce soir est qu’on a senti les musiciens plus en confiance avec celui qui deviendra leur directeur musical en septembre 2026. Il est vrai que Jaap van Zweden fait beaucoup pour les séduire en cette soirée parisienne de leur première tournée commune. Il n’empêche que son style de direction assez monolithique ne permettra sans doute pas à cette équipe de briller dans tous les répertoires. Mais les nombreux chefs de talent régulièrement invités par un orchestre versatile et curieux s’en chargeront certainement.
Gilles Lesur
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