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Partiellement convaincant Liège Opéra royal de Wallonie 10/10/2025 - et 12*, 14, 16, 19, 23 octobre 2025 Wolfgang Amadeus Mozart: Così fan tutte, K. 588 Francesca Dotto (Fiordiligi), Josè Maria Lo Monaco (Dorabella), Maxim Mironov (Ferrando), Vittorio Prato (Guglielmo), Marco Filippo Romano (Don Alfonso), Lavinia Bini (Despina)
Chœur de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef de chœur), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Sieva Borzak (direction musicale)
Vincent Dujardin (mise en scène), Leila Fteita (décor, costumes), Bruno Ciulli (lumières)
 (© Jonathan Berger/Opéra royal de Wallonie)
Suite de la saison à l’Opéra royal de Wallonie avec Così fan tutte (1790). La mise à l’épreuve des deux couples se tient cette fois-ci dans un décor unique et majesteux, une sorte de maison de poupée géante, sur deux étages : dans une demeure de la haute bourgeoise, les costumes et les coiffures évoquent, en décalage avec cet intérieur, les années cinquante, voire septante. Eclairé par Bruno Ciulli, qui varie les effets, pour un résultat plaisant, le décor de Leila Feita ne manque pas d’impressionner, à l’instar de nombre de scénographies présentées dans ce théâtre, mais la mise en scène de Vincent Dujardin n’en exploite guère les possibilités, en particulier dans le premier acte.
C’est que le décor, massif et frontal, demeure figé et ne contribue guère à l’action : trop peu ludique, trop peu évocateur, il parait décidément fort encombrant. Et il aurait été aussi opportun de mieux rendre l’opposition entre scènes d’intérieur et scènes d’extérieur, un contraste pourtant voulu par le metteur en scène dans ses notes d’intention. La lassitude s’installe, malgré la qualité de la direction d’acteur. Ce spectacle, bien que lisible et respectueux, n’offre donc que trop peu de surprises. Convenue sur le fond comme sur la forme, mais soignée, à tous points de vue, cette mise en scène convient toutefois pour celui qui découvre cet opéra. Et Vincent Dujardin a opté pour une approche ni féministe, ni machiste, du moins pas ouvertement.
Le volet musical suscite davantage de satisfaction. Cette nouvelle production réunit une distribution cohérente et équilibrée. Le jeu d’ensemble, les échanges, en particulier les duos Fiordiligi/Dorabella et Ferrando/Guglielmo, se signalent par leur fluidité et leur précision. Les voix, toutes différentes, et assez bien typées, à défaut d’être toutes de grande beauté, se mêlent avec naturel. Francesca Dotto endosse le rôle de Fiordiligi avec aisance et agilité. La soprano soigne sa prestation, juste, plutôt intense, la voix séduisant davantage que celle, cependant belle, de Josè Maria Lo Monaco, qui signe en Dorabella une interprétation digne d’estime.
Maxim Mironov délivre un Ferrando solide et convaincant, ce personnage se détachant avec un peu plus de relief que le Guglielmo de Vittorio Prato. Les deux chanteurs séduisent par leur timbre et leur chant, ce baryton affichant plus de style encore. Le remarquable Marco Filippo Romano affiche ce qu’il faut de prestance et de cynisme en Don Alfonso, sans trop accuser les traits, une prestation, sur le plan vocal, exempte de reproche. Et la Despina succulente de Lavinia Bini attire l’attention par la beauté du timbre, le raffinement du chant : une incarnation lumineuse et amusante. N’oublions pas les chœurs : ils se montrent bien préparés et fort en verve.
L’Opéra royal de Wallonie organise un concours de direction d’orchestre d’opéra, et la troisième édition a été remportée, cette année, par Sieva Borzak, en charge de cette production. Le chef met en valeur la théâtralité et la clarté de cette musique. Sous sa direction compétente, l’orchestre joue avec fermeté et vigueur, les parties dévolues aux bois étant éclairées avec soin, cependant sans tout le raffinement et toute la légèreté attendus. La conception interprétative reste donc traditionnelle, mais convaincante. Nous ne serions pas surpris de retrouver ce chef à l’Opéra royal de Wallonie, en regard de cette prestation probante.
Ni original, ni exceptionnel, ce spectacle se laisse entendre et regarder, mais il prouve la difficulté de mettre en scène cet opéra avec conviction. Une bonne production, donc, à porter à l’actif de l’Opéra royal de Wallonie, avant de découvrir un ouvrage rarement monté, Le Chapeau de paille de Florence de Nino Rota, du 16 au 25 novembre.
Sébastien Foucart
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