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Une création enthousiasmante

Bordeaux
Grand-Théâtre
09/24/2025 -  et 8, 9 (Massy), 15, 16 (Compiègne) mars, 25, 26, 27* septembre (Bordeaux), 8, 10, 11, 12 (Rennes), 28, 29, 30 (Nice) novembre, 28, 30, 31 décembre (Avignon) 2025, 5‑18 octobre (Genève), 8, 10, 11 (Limoges), 20 (Clermont-Ferrand) novembre, 17, 18, 19 décembre (Rouen) 2026, 31 mars‑11 avril (Paris), 23, 24, 25 avril (Nancy), mai (Neuchâtel) 2027
Stephen Sondheim : Company
Gaétan Borg (Bobby), Jasmine Roy (Joanne), Scott Emerson (Larry), Jeanne Jerosme (Amy), Sinan Bertrand (Paul), Marion Preïté (Sarah), Arnaud Masclet (Harry), Camille Mesnard (Susan), Nathan Desnyder (Peter), Eva Gentili (Jenny), Loïc Suberville (David), Camille Nicolas (April), Neïma Naouri (Marta), Myriana Hatchi (Kathy)
Charlotte Gauthier (piano), Mathias Minquet (guitare), Samuel Domergue (batterie), Orchestre national Bordeaux Aquitaine, Larry Blank (direction musicale)
James Bonas (mise en scène), Ewan Jones (chorégraphie), Nathalie Pallanbre (costumes), Christophe Chaupin (lumières)


(© Anthony Rojo)


Fidèle à sa mission de promouvoir de jeunes interprètes dans le cadre d’une coproduction itinérante à travers toute la France, Génération Opéra (anciennement Centre français de promotion lyrique) s’est illustré ces dernières années dans la résurrection réussie du Voyage dans la lune d’Offenbach (voir à Marseille en 2021). C’est donc peu dire que le nouveau cru est attendu avec impatience, surtout quand Génération Opéra a fait le choix de proposer une comédie musicale en création française, en s’intéressant au tout premier chef‑d’œuvre lyrique de Stephen Sondheim, Company (1970). Agé de 40 ans, celui qui était alors principalement reconnu pour ses talents de parolier (grâce au succès de West Side Story en 1957) devient l’un des piliers du genre : chaque nouveau spectacle est ainsi un événement, à l’instar du tourbillonnant Follies, composé en 1971 et que l’on retrouvera avec grand plaisir l’an prochain, à Strasbourg.


En attendant, il faut courir applaudir la production très réussie de Company dans l’un des nombreux théâtres accueillant la tournée, qui s’achèvera en 2027. Cette réussite tient avant tout de son livret aux effluves psychanalytiques, l’un des plus originaux qu’il nous ait été d’apprécier en ce domaine, avec Lady in the Dark de Kurt Weill (voir en 2022 à Breda) et Into the Woods du même Sondheim (voir l’an passé à Bâle).


La grande force de Sondheim est de toujours rester accessible et enjoué, malgré son sujet aux interrogations existentielles, celui des choix individuels à faire face à la pression sociale omniprésente, ici exercée sur un célibataire cerné par les injonctions au mariage et les attentions castratrices de ses « amis ». L’énergie débridée et l’ironie féroce qui irriguent la partition sont un régal de chaque instant, pour qui veut bien comprendre les nombreuses allusions et le second degré, sources de fréquents fous rires dans le public. La critique plus amère de la mégalopole de New York, en broyeuse des états d’âme et des rêves des protagonistes, trouve un écho toujours actuel.


La mise en scène de James Bonas plonge d’emblée les personnages dans la pénombre des hésitations du personnage principal, revisitant chaque saynète d’une coloration fantaisiste et savoureuse. On aime ainsi la figuration initiale de l’anniversaire surprise avec en fond de scène des barreaux qui font penser à une prison : à l’instar des diminutifs infantilisants attribués à Robert, cette scénographie insiste sur l’étroitesse des perspectives du célibataire, face à une société avide de conformisme. Avec quelques accessoires judicieusement agencés, toujours rehaussée de l’utilisation opportune de la vidéo, ce spectacle efficace avance sans temps morts, toujours fidèle à chaque péripétie.


En dehors de l’orchestration originale de Jonathan Tunick, qui fait la part belle à des instruments inattendus, tels que la batterie et le synthétiseur, l’un des grands plaisirs de la soirée vient de l’alternance étourdissante des musiques virevoltantes et solaires de Sondheim : son inspiration navigue entre swing, accents jazzy et coloration minimaliste dans les passages enlevés, sans parler des parties plus intimistes où l’on croirait entendre le lyrisme éperdu d’une Barbra Streisand à la même époque, soutenue par violons et bois voluptueux. Ces dernières parties sont principalement dévolues aux interrogations existentielles du célibataire Bobby, ici interprété par un Gaétan Borg (né en 1979) criant de vérité dans ce rôle. Si son physique avantageux comme son timbre suave le rendent très crédible, on aime aussi ses qualités théâtrales toujours très investies : un atout décisif pour un rôle décisif pendant tout le spectacle. On lui souhaite toutefois de fendre plus encore l’armure au niveau vocal pour nous emporter davantage dans le lyrisme attendu, notamment dans le rayonnement et la longueur de souffle.


C’est précisément en ces deux derniers domaines que Neïma Naouri émerveille en Marta, quelques semaines après sa prestation non moins réussie à Paris dans Gypsy, aux côtés de sa mère Natalie Dessay. On aime aussi la prestation étourdissante de Marion Preïté (Sarah), en femme amoureuse prête à renoncer à son mariage le jour de la cérémonie : son débit virtuose en mitraillette, aux allures rossiniennes, provoque admiration et hilarité. Que dire aussi de la toujours aussi admirable Jasmine Roy (Joanne), qui illumine la fin de la soirée dans l’un des morceaux les plus célèbres de la partition, celui du récit d’une femme d’âge mûr de la haute société qui voit son pouvoir de séduction vaciller avec les années ? Mordante et engagée, Jasmine Roy convoque toute sa science du jeu pour faire de cette scène un moment mémorable. Tous les autres rôles sont à la hauteur de l’événement, en relevant le défi d’une interprétation des (nombreux) dialogues en français, en alternance avec les passages chantés : autant la prononciation parfaite que la précision rythmique ravissent. L’ensemble de la troupe est soutenue par la direction pétillante du grand spécialiste de ce répertoire qu’est Larry Blank (73 ans), qui rivalise de bonne humeur jusque dans la reprise finale de l’entêtant « Side by side », entonné par tout le plateau, sous les applaudissements ravis du public. On en redemande !



Florent Coudeyrat

 

 

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