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Classe sans ostentation Ambronay Abbatiale 09/13/2025 - et 11 (Wroclaw), 17 (Gent), 18 (London), 20 (Amsterdam) septembre 2025 Johann Sebastian Bach : Messe en si mineur, BWV 232 Erika Tandiono, Sophia Faltas, Tabea Mitterbauer (sopranos), Victoria Cassano, William Shelton (alto), Raphaël Höhn (ténor), Sebastian Myrus, Felix Schwandtke (basses)
Vox Luminis, Freiburger Barockorchester, Lionel Meunier, Péter Barczi (direction)
 (© Bertrand Pichène)
Dans un contexte budgétaire serré, le Festival d’Ambronay a été contraint de faire des choix inédits, en supprimant un week‑end pour cette édition : cette initiative permet de préserver le niveau de qualité attendu pour l’ensemble des concerts maintenus, ce qui est à saluer. On peut à la fois en juger par la liste des artistes programmés, de Raphaël Pichon à Leonardo García Alarcón, en passant par Camille Delaforge, mais également par l’ambition intacte des programmes proposés, à l’image des concerts Scarlatti en début de festival (voir ici et ici). La musique de Jean‑Sébastien Bach est également à l’honneur cette année, avec deux concerts très attendus : des cantates de jeunesse, le 19 septembre prochain avec l’ensemble Les Correspondances de Sébastien Daucé, succéderont ainsi au présent concert, consacré à l’iconique Messe en si (1749) de Bach.
On retrouve pour l’occasion les forces réunies du chœur Vox Luminis, fondé en 2004 par Lionel Meunier, aux côtés de l’Orchestre baroque de Fribourg, dont la réputation n’est plus à faire depuis ses succès internationaux avec Thomas Hengelbrock puis René Jacobs, notamment. Pour ce concert, la direction est partagée entre le premier violon Péter Barczi, officiant de son poste pour l’orchestre, en lien avec Lionel Meunier, placé parmi les ténors. S’il était fréquent au XVIIIe siècle qu’un ou plusieurs interprètes assurent la direction musicale sans que cette fonction soit isolée, cette spécificité apporte pour ce début de concert plusieurs imprécisions audibles, surtout pour les cordes, un rien flottantes par endroits. De même, il faut nécessairement renoncer à ses habitudes d’écoute pour accepter le parti pris de recourir à des solistes issus du chœur, tant la virtuosité attendue fait défaut : c’est là un choix effectué par de nombreux autres formations baroques (Bach Collegium Japan ou Collegium Vocale de Gand, par exemple), qui se fondent là aussi sur une tradition perdue au XIXe siècle, lorsque la musique de Bach a été redécouverte.
On gagne dès lors en homogénéité et en simplicité d’élocution ce que l’on perd en théâtralité, même si chaque soliste vient alternativement se présenter face au public, sur un podium en milieu de scène. A ce jeu‑là, certaines individualités se détachent davantage, à l’instar des deux interprètes chargés de la partie d’alto, Victoria Cassano, puis William Shelton, en fin de soirée, lors d’un émouvant et sobre « Agnus Dei ». Auparavant, on aura apprécié en premier lieu le superbe chœur Vox Luminis, dont chaque intervention illumine la soirée. Mise en place superlative, équilibre entre les pupitres et écoute mutuelle fondent les qualités de cet ensemble judicieusement mis en avant par l’Orchestre baroque de Fribourg. En dehors des cordes, trop timides dans les passages dramatiques, l’orchestre vaut quant à lui par sa variété de couleurs, tout autant que sa perfection technique (trompettes et premier hautbois, surtout). Une soirée émouvante par sa classe interprétative sans ostentation, à la hauteur du chef‑d’œuvre éternel de Bach.
Florent Coudeyrat
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