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Rossini à la fête... foraine Bregenz Theater am Kornmarkt 08/12/2025 - et 13, 15, 16* août 2025 Gioachino Rossini : La Cenerentola Aaron Godfrey-Mayes (Don Ramiro), Josef Jeongmeen Ahn (Dandini), Ferhat Baday (Don Magnifico), Aitana Sanz (Clorinda), Anja Mittermüller (Tisbe), Jingjing Xu (Angelina (Cenerentola)), Lobel Barun (Alidoro)
Symphonieorchester Vorarlberg, Kaapo Ijas (direction musicale)
Amy Lane (mise en scène), Anna Reid (décors, costumes), Charlie Morgan Jones (lumières), Tim Claydon (mouvements), Florian Amort (dramaturgie)
 (© Bregenzer Festspiele/Karl Forster)
Le Festival de Bregenz est réputé avant tout pour le spectacle présenté sur le lac de Constance, cet été une reprise du Freischütz de Weber. La programmation est complétée par des opéras donnés en intérieur : pour cette édition 2025, Œdipe d’Enesco et La Cenerentola de Rossini. Ce dernier titre a fait l’objet d’une nouvelle production confiée à la Britannique Amy Lane, qui a signé une version qui restera dans les annales, une version aussi colorée et exubérante que divertissante et déjantée, avec des costumes particulièrement bariolés et chatoyants, dans des décors fantasques. La metteur en scène a transposé le conte de Perrault dans un univers de fête foraine, une atmosphère irrésistiblement ludique, qui fait aussi penser à carnaval, avec un manège kitsch et des enseignes lumineuses aux couleurs flashy, sans parler du festin, qui a lieu dans un wagon de montagnes russes. L’univers visuel oscille ainsi entre cirque et commedia dell’arte. La direction d’acteurs est réglée au cordeau, avec des chorégraphies très précises et alertes, ainsi qu’un splendide jeu de lumières, avec des ombres évocatrices.
Ce qui distingue cette Cenerentola, c’est aussi sa distribution vocale, constituée de très jeunes chanteurs, mais qui brille néanmoins par sa force et sa cohésion. Elle est emmenée par la splendide Angelina (Cenerentola) de Jingjing Xu, une révélation, un nom à suivre. Sa voix grave et corsée, la souplesse de son timbre ainsi que sa maîtrise des vocalises et de la technique belcantiste ont séduit le public, qui lui a réservé des applaudissements enthousiastes aux saluts finaux. A ses côtés, Aaron Godfrey‑Mayes a incarné un Prince fougueux et vaillant, forçant parfois ses moyens. Josef Jeongmeen Ahn a composé un Dandini particulièrement truculent, avec son entrée en faux prince, perché sur un cheval de bois, qui a déclenché des rires sonores dans la salle, de même que ses malheureuses tentatives pour descendre de sa monture. Avec sa voix puissante et extrêmement bien projetée, Ferhat Baday a été un Don Magnifico tout à la fois grotesque et pathétique, mais sans jamais tomber dans la caricature. Les deux sœurs, Aitana Sanz (Clorinda) et Anja Mittermüller (Tisbe), ont été désopilantes de ridicule et de suffisance. Seul l’Alidoro de Lobel Barun a constitué une déception, avec sa voix large et caverneuse, peu adaptée aux finesses rossiniennes. Dans la fosse, le jeune chef finlandais Kaapo Ijas a dirigé le l’Orchestre symphonique du Vorarlberg avec énergie et engagement, entraînant les musiciens dans un tourbillon, mais souvent un peu fort pour la petite salle du Theater am Kornmarkt, couvrant parfois les chanteurs ; son enthousiasme a néanmoins fait plaisir à voir et à entendre. A la fin de la soirée, le public a acclamé tous les participants de ce spectacle plein de fraîcheur.
Claudio Poloni
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