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Concert funky et jazzy London Royal Albert Hall 08/15/2025 - Sofia Goubaïdoulina : Revue Music for Symphony Orchestra and Jazz Band
Maurice Ravel : Concerto en sol majeur
Dimitri Chostakovich : Symphonie n° 13 en si bémol mineur « Babi Yar » Kostas Smoriginas (baryton-basse), Benjamin Grosvenor (piano)
BBC National Chorus of Wales, Adrian Partington (directeur artistique), Synergy Vocals, BBC National Orchestra of Wales, Ryan Bancroft (direction)

Si le très populaire pianiste britannique Benjamin Grosvenor semblait être la vedette très attendue et très acclamée de ce trente‑cinquième concert de la saison 2025 des BBC Proms dans un Royal Albert Hall plein à craquer, c’est la très impressionnante Treizième Symphonie de Chostakovich qui en fut l’événement.
Disons d’emblée que le Concerto en sol de Ravel a été la partie décevante de ce concert. Certainement pas de la faute du pianiste, qui refaisait l’histoire en jouant l’œuvre qui lui avait valu à l’âge de 11 ans, en 2004, le prix BBC du jeune interprète de l’année ! Benjamin Grosvenor l’a interprétée peut‑être un peu trop sagement mais impeccablement et si le piano semblait parfois absent, ce n’était dû qu’aux pièges acoustiques de cette immense salle. Mais, peut‑être en raison de l’importance du reste du programme, les répétitions du concerto ont‑elles été insuffisantes ? Tout se passait comme si autant le pianiste que les sections de cuivres et vents surtout, et le chef qui cherchait à alanguir les tempi dès que cela était possible, jouaient chacun pour soi. D’où de nombreux décalages, de très bizarres interventions à découvert des vents, pas toujours très justes, bref un concerto pas très étincelant. Très acclamé, le pianiste est revenu pour donner une magnifique démonstration de sa technique et de sa musicalité avec le final de la Septième Sonate de Prokofiev.
 K. Smoriginas, R. Bancroft (© BBC/Andy Paradise)
Le concert avait commencé avec une très courte (10 minutes) mais complexe œuvre de la compositrice russe Sofia Goubaïdoulina, disparue cette année à 93 ans : une Musique de revue pour orchestre symphonique et jazz band composée en 1976 et deux fois révisée en 1995 et 2002, qui mêlait alternativement des climats symphoniques très romantiques à des épisodes de groove bien conventionnels (batteries, cloches, guitares électriques, trois solistes vocales et orgue) et même des parties chorales et parlées avec un poème d’A. A. Fet. Un mélange probablement explosif aux yeux des censeurs rétrogrades de l’URSS mais semblant aujourd’hui bien sage. C’en était la première exécution au Royaume‑Uni, un véritable défi pour l’Orchestre national gallois de la BBC et pour son chef principal, l’Américain Ryan Bancroft, mais d’un intérêt historique indéniable, accueilli avec beaucoup d’enthousiasme par le public du Royal Albert Hall.
Cet excellent orchestre, qui donnait son deuxième concert de cette saison des BBC Proms, relevait un autre défi dans la monumentale Treizième Symphonie de Chostakovitch, dont c’était la quatrième exécution aux Proms depuis sa création londonienne en 1992, intitulée « Babi Yar » car composée en hommage aux milliers de victimes du génocide nazi jetées dans le ravin du même nom aux alentours de Kiev en septembre 1941.
Autant que l’orchestre, ce sont le soliste vocal et l’imposant chœur d’hommes qui impressionnent dans cette œuvre crée à Moscou en 1962. Les vers du poète Ievgueni Ievtouchenko sont le substrat littéraire de l’œuvre et autant le Chœur d’hommes de la BBC du Pays de Galles que baryton-basse lituanien Kostas Smoriginas ont rendu justice à cette poésie désespérée. L’orchestre a été remarquable autant pour ses interventions virtuoses dans le grinçant scherzo intitulé « Humour » que dans les quatre autres parties, avec la participation exceptionnelle des vents et percussions.
Ryan Bancroft, après avoir mené magistralement l’œuvre à son terme avec les sons de célesta et cloches lugubres, a obtenu, chose rare de nos jours, un silence d’une grande minute du public avant des applaudissements triomphaux.
Olivier Brunel
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