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Un quart de siècle Paris Hôtel de Soubise 07/11/2025 - Hermann Goetz : Quintette avec piano, opus 16
Franz Schubert : Quintette avec piano « La Truite », D. 667 Quintette Farrenc : Oscar Hatzfeld (violon), Iris De Sousa (alto), Albert Kuchinski (violoncelle), Alexandre Teyssonnière de Gramont (contrebasse), Kana Miyamoto (piano)

C’est déjà la vingt-cinquième édition ! Du 6 au 26 juillet, le Festival européen Jeunes Talents propose vingt‑deux concerts à tarif modique, dont – sans compter des répétitions publiques à l’heure du déjeuner – huit gratuits, parmi lesquels deux dans des hôpitaux franciliens, deux en Seine‑et‑Marne et un 14 juillet en hommage à l’Ukraine, avec un chœur féminin d’exilées. Mais la manifestation, « parrainée » cette année par Clément Rochefort, reste essentiellement fidèle à l’hôtel de Soubise, siège des Archives nationales, où résonneront toutes les musiques, de la Renaissance à nos jours, pour tous les publics, notamment au travers des « concerts familles » et des « journées de découverte musicale ».
Le festival est la tête de pont estivale de l’association du même nom, fondée en octobre 1998 et reconnue d’utilité publique en août 2019. Présidée par Philippe Hersant, et renforcée depuis le mois dernier par la création d’une fondation, elle a toujours pour directeur artistique son infatigable fondateur, Laurent Bureau, qui organise durant la saison plus de cent cinquante concerts.
Le concept n’a guère évolué – permettre aux musiciens en tout début de carrière de se produire en public – mais pourquoi évoluerait‑il ? Car il est intemporel, combinant avec l’ambition vilarienne de « l’élitisme pour tous » l’adage cornélien selon lequel « aux âmes bien nées, la valeur n’attend point le nombre des années ». Et édition après édition, la liste de ceux qui, depuis l’ouverture du premier festival le 16 juillet 2001, ont eu la chance d’en bénéficier ne laisse pas d’impressionner : les sœurs Bizjak, Thomas Dolié, Pierre Fouchenneret, Victor Julien‑Laferrière, David Kadouch, Adrien et Christian‑Pierre La Marca, Adam Laloum, Jean‑Frédéric Neuburger, Vineta Sareika, Marc Scoffoni, Marie Vermeulin, le Trio Dali, les quatuors Alma, Girard et Varèse... En 2025, quelques « anciens », tels Elsa Grether et Johan Farjot, sont d’ailleurs de la partie.
Quand la météo se fait complice, les soirées en plein air dans l’acoustique idoine de la cour des Grands Dépôts possèdent quelque chose d’exceptionnel et même d’incongru dans la capitale : en plein cœur de Paris, le silence est presque complet, non seulement parce que les spectateurs sont particulièrement attentifs et respectueux mais parce que la concentration est à peine perturbée par le tintement d’une cloche ou le passage d’un avion.
C’est dans ce cadre que le Quintette Farrenc donne un programme intitulé « Le Voyage en quintette ». Mais un quintette peut en cacher un autre : la formation canonique du quintette avec piano qui a été inaugurée par les chefs-d’œuvre de Schumann, Brahms et Dvorák et qui s’est imposée avec le temps est celle comprenant un quatuor à cordes à un piano, mais celle associant violon, alto, violoncelle, contrebasse et piano a également eu son heure de gloire. L’exemple le plus célèbre en est bien sûr le Quintette « La Truite » (1819) de Schubert mais c’est également le cas, deux décennies plus tard, des deux Quintettes de Louise Farrenc, dont cinq jeunes musiciens ont donc choisi le nom pour le donner à leur ensemble.
Et c’est une bonne idée que d’avoir déniché le Quintette (1874) de Hermann Goetz (1840‑1876), dernière des quatre principales œuvres de musique de chambre d’un compositeur emporté par la tuberculose à l’âge de Mozart. En exergue de sa partition, il place une citation de Goethe tirée du Tasse (« Alors que, torturé, l’homme se tait, un Dieu m’accorda de dire ma douleur ») qui donne le ton : depuis le premier mouvement (Allegro con fuoco), forme sonate de caractère symphonique précédée d’une introduction lente (Andante sostenuto), jusqu’à la péroraison, ut mineur exprime les tourments évoqués par le texte. L’atmosphère n’est allégée que par deux parenthèses d’un charme mélodique certain : le deuxième mouvement, un Andante con moto où les solos des cordes peuvent s’épanouir, et la partie centrale de l’Allegro moderato (Quasi Menuetto) qui suit. L’Allegro vivace a beau conserver quelque chose d’un scherzo, il n’omet pas le fugato de rigueur et n’offre pas d’éclaircie rédemptrice ou libératrice. Dans la sphère d’influence de Schumann et Brahms, voilà sans doute une musique qui gagne à être connue, bien défendue ici par les interprètes.
Leur moyenne d’âge tourne autour de celui de Schubert lorsqu’il écrivit son Quintette « La Truite » (22 ans). On n’est donc pas surpris par leur approche très allante, qui, sans temps mort et avec un quota raisonnable d’accidents techniques, avance, rebondit, dialogue et chante, et où s’illustrent plus spécialement l’altiste et le violoncelliste. On aura donc moins manqué de fougue juvénile que de souplesse et de rondeur dans l’expression comme dans la sonorité, en somme d’un esprit plus viennois.
Le site du Festival européen Jeunes Talents
Simon Corley
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