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La tête haute Paris Maison de la radio et de la musique 06/18/2025 - Gustav Holst : Choral Hymns from the Rig Veda, opus 26 : First Group, H. 97
Camille Saint-Saëns : Concerto pour piano n° 5 « Egyptien », opus 103
Camille Pépin : Inlandsis
Richard Strauss : Don Juan, opus 20 Jean‑Yves Thibaudet (piano)
Chœur de Radio France, Lionel Sow (direction), Philharmonique de Radio France, Mikko Franck (direction)
 M. Franck (© Christophe Abramowitz)
Après dix ans, Mikko Franck peut quitter le Philhar’ la tête haute. Par le travail avec l’orchestre, par l’élargissement du répertoire, il a hissé la formation à de grandes hauteurs. Le programme de son « bouquet final » constitue un concentré de cette décennie : une rareté, une œuvre de musique française, une partition contemporaine, un fleuron du grand répertoire.
On redécouvre avec plaisir le premier groupe des très intéressants Hymns from the Rig Veda de Gustav Holst, trop souvent réduit à ses rutilantes Planètes. Féru d’hindouisme, le compositeur britannique y puisa volontiers son inspiration, perpétuant à travers ces Hymnes la tradition chorale anglaise telle que l’illustrait également un Elgar. L’écriture relève d’une tonalité librement conçue, non sans dissonances modernistes, l’instrumentation retenant par les combinaisons instrumentales – le rôle des cordes graves notamment. Mikko Franck en exalte la pompe et la ferveur, comme le chœur, bien préparé par Lionel Sow.
Le Cinquième Concerto de Saint-Saëns par Jean‑Yves Thibaudet est ensuite somptueux, tant le pianiste y fait montre de virtuosité transcendée, de volubilité et de liberté, de fantaisie jubilatoire et jouissive, comme s’il improvisait chaque instant. Et il n’hésite pas à faire swinguer le final, souvent joué trop mécaniquement. L’accompagnement attentif et détaillé de l’orchestre pourrait seulement montrer un peu plus d’invention, à l’unisson du soliste. En bis, une Pavane pour une infante défunte de Ravel assez orchestrale, aux couleurs suggestives, aux sonorités opulentes, donnant l’impression d’une mélodie continue, où se reconnaît le disciple d’Aldo Ciccolini.
Très préoccupée par la fonte des glaces, la jeune Camille Pépin a conçu Inlandsis pour alerter sur les menaces mettant en danger les deux étendues glaciaires. S’il s’agit d’évoquer un paysage, sa musique atteint sans doute son but, forte d’un métier sûr. S’il s’agit de faire œuvre de création, on croit avoir trop souvent entendu cette musique assez tonale, parfois trop alla John Adams, bien pauvre d’invention en tout cas, qu’on verrait plutôt destinée à accompagner efficacement quelque vidéo écologiste. Pour les paysages nordiques, retour à Sibelius, finalement beaucoup plus « moderne ». Cela dit, Mikko Franck, dédicataire et créateur de l’œuvre en 2023, en donne à coup sûr la meilleure lecture qu’on puisse rêver.
On change évidemment de registre quand arrive le Don Juan straussien, dont la direction restitue avec une remarquable fluidité l’écheveau polyphonique et l’éventail des couleurs, en une interprétation à la fois pleine d’élan et rigoureusement construite, sans céder la pure virtuosité orchestrale même si le Philhar’ y brille de tous ses feux. On reconnaît bien la patte du Finlandais, sa maîtrise de la forme et son goût pour les timbres. Ne manque qu’un peu de sensualité, surtout dans l’évocation des figures féminines de la partie centrale.
Pas de bis, malgré la frénésie des applaudissements du public et de l’orchestre. Mais le chef l’avait anticipé, en invitant son amie Sol Gabetta à jouer l’Elégie de Fauré en début de seconde partie.
Didier van Moere
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