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Démesuré

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Isarphilharmonie
06/19/2025 -  et 20, 21 juin 2025
Ferruccio Busoni : Concerto pour piano, opus 39, BV 247
Igor Levit (piano)
Chor des Bayerischen Rundfunks, Peter Dijkstra (chef de chœur), Symphonieorchester des Bayerischen Rundfunks, Sir Antonio Pappano (Direction)


A. Pappano, I. Levit (© Bayerische Rundfunk/Severin Vogl)


S’il faut en croire ChatGPT, il y a 70 000 notes dans le Concerto pour piano de Busoni, soit 75 % de plus que dans le Troisième Concerto de Rachmaninov.


Cette œuvre de plus de 70 minutes, d’une exigence incroyable, est une rareté au concert et une œuvre idéale pour Igor Levit. Ce dernier nous avait expliqué en 2017 sa fascination pour Busoni et nous avons pu apprécier depuis la curiosité de Levit pour des répertoires sortant des sentiers battus ainsi que des pièces ambitieuses (Stevenson, Henze...).


Il avait programmé ce concerto en 2021 avec l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise, mais la pandémie l’a forcé à le remplacer par le Quatrième Concerto de Beethoven. Il avait cependant à cette époque déjà célébré Busoni avec un concert de musique de chambre comprenant la Seconde Sonate pour violon et piano donnée avec Anton Barakovsky, premier violon de l’orchestre. L’année suivante, il avait joué ce concerto à Rome et Berlin avec les Chœurs et l’Orchestre de l’Académie nationale Sainte‑Cécile. Sir Antonio Pappano, qu’il retrouve ce soir, était déjà à la baguette.


L’œuvre est en cinq mouvements donnés sans interruption. L’introduction orchestrale du Prologo e introito donne le ton. Elle démarre comme un poème symphonique avec une superbe ligne aux cordes, mais rapidement les tutti deviennent dramatiques. Cependant, si Brahms démarre avec un orchestre très puissant dans son Premier Concerto avant de le calmer pour l’entrée du soliste, c’est ici le contraire : le piano arrive de façon éclatante comme pour annoncer qu’il peut aller encore plus loin que l’orchestre. Le deuxième mouvement, Pezzo giocoso, est un scherzo vif‑argent plein d’esprit qui convient bien à la personnalité malicieuse de Levit. Dans le mouvement suivant, Pezzo serioso, Busoni alterne des passages où le piano est soit fondu dans un monde concertant avec l’orchestre, soit prend le dessus quel que soit le volume de ce dernier.


Le quatrième mouvement, All’italiana, est d’une rare difficulté, mettant à mal la mise en place à plusieurs reprises dans l’orchestre. Il y a un niveau de perception du risque rarement ressenti et l’on comprend à ce moment pourquoi il n’y a qu’une seule œuvre au programme de ce concert. C’est un mouvement d’une terrifiante difficulté.


Le dernier est fascinant. Après l’explosion d’énergie et de lumière, ce sont des couleurs plus sombres qui arrivent avec la présence du chœur d’hommes. La partie chorale pourrait évoquer celle du premier acte de Parsifal, mais très rapidement, c’est un style proche des œuvres pour chœur de Sibelius, ami proche de Busoni, qui se dégage avant que le fortissimo final n’anticipe celui des Gurrelieder de Schoenberg.


La prestation des musiciens est impressionnante. Il faut voir l’une des violonistes souffler à la fin de l’œuvre comme si elle avait fait un marathon. Sir Antonio Pappano nous rappelle ses immenses qualités d’accompagnateur et trouve la ligne et le cantabile de ce concerto aux styles si variés. Les solistes de l’orchestre sont de haut niveau : Ramón Ortega Quero au hautbois accompagne les chœurs avec beaucoup de musicalité.


Avec cette soirée s’achève la saison 2024-2025 de l’orchestre. Elle aura permis de montrer la versatilité de cet ensemble qui aura exploré de vastes répertoires allemand, français, scandinave... ainsi que les premières prestations sur instruments d’époque.


La prochaine saison de l’Orchestre symphonique de la Radio bavaroise reprendra en septembre prochain avec le concours de l’ARD, dont le concert des finalistes sera dirigé par Sir Simon Rattle. Et les Munichois pourront retrouver Igor Levit à plusieurs reprises, que ce soit en soliste avec la Sonate D. 960 de Schubert ou avec l’Orchestre philharmonique de Munich dans le Second Concerto de Brahms – des miniatures par rapport à ce monument.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

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