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Alla rustica Vienna Musikverein 06/11/2025 - et 5 juin 2025 (Basel) Joseph Haydn : Symphonies n°s71, 74 et 75 – Concerto pour clavier n° 11 Alexander Melnikov (pianoforte)
Kammerorchester Basel, Giovanni Antonini (direction)
 G. Antonini (© Petra Hajská)
Alors que le dix-septième enregistrement du projet « Haydn 2032 » arrive tout juste dans les bacs des disquaires et sur les plateformes de téléchargement, le vingt‑deuxième programme, intitulé « Alla rustica », tourne déjà dans les salles de concert. On y retrouve les caractéristiques toniques de Giovanni Antonini qui, sous des allures de professeur d’université un peu distrait, conduit à une allure sportive ses musiciens de l’Orchestre de chambre de Bâle, plaçant les contrastes et les rebonds au cœur de son discours, toujours prêt à extraire l’inattendu et déceler la dramaturgie – y compris dans ce corpus d’œuvres symphoniques rarement enregistrées et encore plus rarement jouées en concert.
Citons par exemple les étonnants effets d’écho du Trio de la Soixante‑onzième Symphonie, un opus d’une ampleur assez surprenante (dépassant la demi‑heure de musique); ou bien les variations à la motricité irrésistible de l’Adagio de la Soixante‑quatorzième Symphonie, ainsi que son Final, pris à un tempo qui permet de gommer l’individualité des notes dans les fusées des cordes, sans pour autant nuire à l’extrême précision des archets ; enfin, et surtout, une Soixante‑quinzième Symphonie dont l’ample introduction est parcourue d’accents poignants, suivi d’un Menuet ravageur dont les pédales de basses évoquent à la fois la solennité des grandes pompes baroques, tout en annonçant la verve future des ländler populaires de Schubert ou de Beethoven.
Au cœur de ce programme, Alexander Melnikov, en amoureux des beaux claviers historiques, tire de son pianoforte (une copie moderne réalisée par Christoph Kern d’un instrument Anton Walter de 1795), des sonorités perlées d’une grande précision, réalisant une balance idéale entre soliste et orchestre. Il parvient à suivre coûte que coûte les tempi ambitieux du chef italien, délivrant un Rondo all’Ungarese fiévreux, combinant la rusticité de la partition avec une élégance de salon.
La prise de son des cordes, qui conserve une consonance les rapprochant de la langue parlée ; le fondu du pianoforte soliste immergé au cœur de l’orchestre, invitant à tendre l’oreille pour en saisir toute la subtilité – tout contribue à éveiller notre sens de la découverte et nous donner l’impression de devenir un peu plus intime avec l’esprit de Haydn. Le cycle se poursuit en octobre, avec l’ensemble Il Giardino Armonico dans un programme intitulé « La Chasse ».
Dimitri Finker
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