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Montpellier a le béguin pour Say

Montpellier
Corum - Opéra Berlioz
08/01/2002 -  

Jan Václav Vorisek : Symphonie en ré majeur

Ludwig van Beethoven : Concerto pour piano n° 3 en ut mineur opus 37

Franz Jospeh Haydn : Symphonie n° 45 en fa dièse mineur "Les Adieux"


Fazil Say, piano

Orchestre Philharmonia de Prague,

Jirí Belohlávek (direction)


Affluence record au Corum pour ce Concert de Clôture du Festival de Radio-France et de Montpellier 2002. Après un très attachant Ensemble Baroque de Venise, avec Giulio Carmignola, à l’heure des vêpres ; l’affiche est très alléchante : Fazil Say (un habitué des lieux, il fut lauréat de la Fondation Beracasa naguère), le Philharmonia de Prague - nous sommes dans la saison Bohemia Magica - et Jirí Belohlávek. Au menu, du solide ; avec le Troisième Concerto de Beethoven, la Symphonie des Adieux de Haydn, et un peu d’enfant de Bohême, par la grâce de Vorisek (1791-1825). Bien, très bien. Inséré dans le programme, un feuillet précise que Fazil Say tient à jouer en apéritif quelques mises en bouche : la Marche Turque de Mozart - Say est turc, vous l’aviez oublié ? - dissociée évidemment de la Sonate KV 331 ; un compatriote, Ulvi Cemal Erkin (1907-1972) ; et… du Fazil Say (il est aussi compositeur, vous ne le saviez pas ?). Cela commence particulièrement mal pour le Rondo alla Turca, cogné sans la moindre nuance avec les singeries et contorsions habituelles, les fausses notes se ramassant à la pelle. Public ravi, on continue.


Une bonne mention pour Erkin, dont les Préludes pour Piano de 1933 sont très intéressants ; Byldo évoque même le Deuxième Concerto de Rachmaninov ! D’autres lorgnent carrément vers Gaspard de la Nuit. Respiration. Terre Noire est une composition Say pur sucre : des motifs creux entrecoupés de sortes de «pizzicati», puisque le pianiste pince littéralement à pleines mains les cordes dans le ventre même de la bête. Complètement désolant, surtout que revoilà la Marche Turque, cette fois version Jazz. Le Turc se croit pétri d’humour, alors que n’est pas Gilles Apap qui veut ; lequel, avec raison, se permet l’irrévérence envers Mozart (Troisième Concerto pour violon), car lui en a la talent. Panem et circenses, c’est une avalanche d’applaudissements, et déjà maints saluts cabotins. Passées ces foutaises, le Philharmonia de Prague s’installe avec élégance, et maître Belohlávek prend les affaires en main dans la douceur.


On apprécie que les musiques de Bohême et Moravie soient mises à l’honneur cette année, grâce à l’AFAA et sa saison tchèque. Des raretés sont les bienvenues, encore faut-il qu’elles tiennent la route. L’histoire peut simplement retenir que Vorisek est nettement moins mauvais pour le genre symphonique que le Wagner de dix-neuf ans (concert du 24 juillet). Les thèmes impeccables, scrupuleux, d’une absolue platitude, se relaient pendant une trentaine de minutes, sans aucun sens de la durée (le troisième mouvement !). Pendant que des camerawomen «scarpittiennes» viennent prendre des plans rapprochés avec une grande impudeur, l’oreille remarque surtout le son sec, martelé et terne du Philharmonia de Prague (créé par et pour Belohlàvek en 1994). Quelques jours après l’Orchestre National de France cornaqué par Griffiths, c’est un choc. Ce le sera plus encore avec le Troisième Concerto pour piano de Beethoven. Dans la salle, succès total.


Fazil Say est de retour, et tient à le faire savoir par une entrée archi-fausse de son instrument. Pendant que le courageux chef pragois assure les affaires courantes - comment procéder autrement, avec un exhibitionniste, un non-musicien pareil ? - devant une phalange toujours aussi molle et morne plaine, le Turc laboure le clavier comme le soc d’une charrue fait des sillons. C’est l’image qui convient, d’ailleurs : tout en Say, et pas seulement le toucher (le frapper, plutôt) est d’un rustre. Le développement, un des plus beaux de Beethoven, est expédié comme une affeterie inutile, tandis que sont escamotées des notes superflues dans la bataille. Si l’on est très attentif, on remarquera quelques couacs aux cors. Fier de proposer sa cadence, le soliste s’agite plus que de raison, pris de spasmes dans les mains. Elle est laide, sa cadence, faussement «jazzy» (encore) et décorée de grelots. Alors qu’il existe une Schnabel fabuleuse ! Conclusion de l’orchestre en rond de cuir.


Les deuxième et troisième mouvements n’apportent rien de plus. Belohlávek ne peut rien faire d’autre que du sentimentalisme mièvre, pour décorer le prosaïsme du divo. Ces harmonies proprement célestes, cette manière de suspendre le temps qui caractérisent le Largo, voilà qui semble contrarier fort la vedette : comment, pas de virtuosité, mais de l'intériorité ? Pas de problème, Fazil Say se venge sur le Finale, martelé à l'extrême tel une marche militaire. Bien entendu, c'est encore un triomphe. Il faudra donc encaisser trois bis plus bêtement déjantés les uns que les autres. Révérence. A propos de prestige tchèque, l’amateur se délectera de ce Concerto n° 3, en public (1962) avec la Philharmonie du même nom, on s'en doute sous la direction de Karel Ancerl. C’est un «live» couplé au N° 1… sous les doigts de Sviatoslav Richter - trouvable auprès de la marque helvète «Preludio», n° PRL 2157 : cela donne à réfléchir.


C'est un peu gêné que le chef reprend la conduite des événements après l'entracte. Complètement mis à l'écart par l'ouragan turc, il peine à donner une chair sonore au fa dièse mineur proprement inouï du Haydn des «Adieux». Ses musiciens valeureux produisant toujours un son aussi neutre, les mouvements s'égrènent avec de seuls effets de dynamique. Pas de pulsation, pas d'agogique, tout est émollient et chloroformé ! Après un Menuet terminé en queue de poisson, la première partie du fameux Finale semble passée au mixer. La seconde n'offre aucun intérêt, car c'est finalement un soulagement de voir les pupitres cesser leur fonctionnariat, les uns après les autres. Pas vraiment le but poursuivi par Papa Haydn. Belohlávek apporte pourtant une touche d'humour en s'éclipsant bien avant les derniers musiciens ; mais ce n'est pas une Ouverture de La Pie Voleuse, en bis rossinien pour soirée de patronage, qui bossèlera un tant soit peu la vastitude aplatie. Acclamations.


Pris en tant que tel, un concert de ce genre est d'autant plus fâcheux qu'il a tout misé sur l'affiche. Désarmé, le critique tenu de rester jusqu'au bout est obligé de constater qu'il est à l'image du Festival qu'il clôt. La cuvée Montpellier 2002, c'est du très petit vin appelé à mal vieillir. Par trois fois, des amphitryons sont venus offrir la Dive Bouteille : Chung-OPRF et Pires-Dumay-Caussé-Griffiths pour le symphonique ; Les Fées du Rhin par Layer, quant au lyrique. Tout le reste (hors sessions de 12h30 et 18h, admirables), c'est à dire quantitativement beaucoup, a évolué entre la piquette et le bouchonné. Avec des sommets vinaigrés qui nouent encore l'estomac, comme Hàry Jànos ; et surtout Rinaldo, un véritable tord-boyaux en guise de vin moelleux pour le dessert ! Compte tenu du prestige de la manifestation et des moyens mis en jeu - relativement, aussi, au souvenir encore frais de 2001 -, l’arrière-goût est amer ; et ce n’est pas le fait des tannins.




Jacques Duffourg

 

 

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