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Opéra beauf

Montpellier
Opéra Comédie
07/27/2002 -  29 et 31 juillet 2002
Georg Friedrich Händel : Rinaldo
Vivica Genaux (Rinaldo) ; Inga Kalnar (Armida) ; Miah Persson (Almirena) ; James Rutherford (Argante) ; Lawrence Zazzo (Goffredo)
Freiburger Barockorchester, René Jacobs (direction) ; Nigel Lowery et Amir Housseinpour (mise en scène)

Ami djeune, tu rêves de devenir musicien et de gagner beaucoup d'argent sans avoir à apprendre la musique? Alors, laisse tomber Graine de Stars et, toi aussi, fonde ton orchestre baroque.
Tu ne sais pas jouer? Pas grave, la fausse note, c'est méga-cool.
Tu ne sais pas chanter? Aucune importance, le tout est de savoir remuer le bas-rein, dans une mise en scène top-tendance.
Le gagnant de notre grand concours de l'été sera peut-être invité au prochain festival de Montpellier.

On croyait avoir touché le fond avec le meurtre en direct de Háry, mais, à Montpellier, le pire n'est jamais sûr. Prenant cette fois Händel en otage, les “géniaux” Lowery et Housseinpour nous offrent un Rinaldo dans le plus pur style Noces et banquets de sous-préfecture, voire chef-lieu de canton, revisité par Benny Hill.

Après mûre réflexion, le critique écœuré renonce à faire ne serait-ce qu'une vague description du vertigineux, de l'abyssal déchaînement de n'importe-quoi qui envahit l'Opéra-Comédie. Il suffit de savoir, pour l'édification des masses, que la scène est traversée tour à tour par une Almirena déguisée en Marilyn bécasse des abris-bus, un Rinaldo en treillis (classique), un Goffredo en politicard vicelard et grimaçant, une Armide obsédée sexuelle qui finit en poupée gonflable à bouche pipeuse, des arabes aux sourcils forcément libidineux, avec barbouze et gourmette au poignet, un monstre transformé en poussin de peluche de trois mètres de haut (!!), une Barbie et un Kent paras (!!!!)…

Tout, absolument tout, dans l'opéra est tourné en ridicule, encombré de naïades grassouillettes et de chorégraphies façon Claude François mâtiné Bioman, de gesticulations et grimaces outrées, de gags lourdauds à la simili-Chuck Jones (mais lui avait une certaine forme de génie). Pas un moment n'échappe aux rires rentrés d'un public flatté dans ses charentaises par un humour à la petite semaine, résolument situé en-dessous de la ceinture, pétri de références à la sous-culture télévisuelle la plus abêtie.

Et l'œuvre dans tout cela, et Händel?

Il paraît, après tout, que Rinaldo est un opera seria, de style noble, que certains airs y sont d'une absolue beauté, pleins d'émotion. Oui, mais “Lascia ch'io pianga” chanté (très mal) par une fausse sirène à la queue en plastique vert brillant, tandis qu'Argante roule des yeux fous en s'accrochant au rideau, est tellement couvert par le murmure des fous-rires qu'on l'entend à peine, de même que les magnifiques cadences de clavecin pour “Vo' far guerra” disparaissent sous les gesticulations hystériques d'Armida.

Piètre consolation, ce que l'on perçoit de la part de Jacobs et de ses troupes est si laid que c'en est presque une bénédiction qu'on les entende si peu. Orchestre étriqué, sec et faux, aux décalages constants, la battue saccadée, sans schéma directeur, de Jacobs fait des ravages.

Côte voix, ce n'est pas mal non plus.

Vivica Genaux, annoncée comme une révélation, montre une voix dure et mal placée, dans le nez et les joues principalement. Le grave, tubé et forcé, est laid et la vocalisation remplacée par une émission saccadée en mitraillette (c'est de saison). Quant à l'émotion…

Miah Persson a certainement raté le casting de Star Academy : voix blanche, à l'intonation défectueuse et aux tenues aléatoires. Le reste est indicible.

Seuls émergent Eustazio (dont l'interprète n'est pas cité dans le dossier de presse, charmante attention) : chant soigné, voix agréable, quoique de puissance limitée, lui a les moyens de son rôle, et Inga Kalnar, la seule parmi les femmes à apporter un certain professionnalisme à son chant, mais le style fait défaut et l'on entend plutôt Puccini que Händel. Les vocalises, surtout, paraissent souvent hors de propos.

Arrivé à ce stade, le critique, qui a pourtant le sens du devoir chevillé au corps, car nous sommes comme cela, nous, à Concertonet, prêts à tous les sacrifices, se demande pourquoi il reste là, effondré sur son fauteuil, à subir cette… chose.
Reste alors la seule solution possible, s'enfuir à toutes jambes et se rincer les oreilles.
Au fait, Marilyn Horne chante, elle, remarquablement bien Händel!

Aussi, je laisse la parole à mon éminent collègue Etienne Müller, qui a accepté, avec sa grandeur d'âme habituelle, de rendre compte du troisième acte, le malheureux.


Quid du dernier acte? le chroniqueur doit s'armer, non d'un attirail de “Fusco” (Fusiller commando, terme militaire) sorti d'un nanar de Jean-Claude Van Damme, style Universal Soldier, mais d'une patience à toute épreuve pour endurer pareil supplice de Tantale. Après le tristounet “ballet” de fausses fées défraîchies, plus à leur place dans un bastringue miteux et l'épisode de la sirène ( une Esther Williams, même décatie, eût été plus sensuelle), voici l'arrivée des Playmobils, “symbolisant” Eustache et Godefroy à la rescousse du héros capturé par la magicienne trahie. Pourquoi des Playmobil ? Mystère ! On les voit gravir, trotti-trottant, d'un pas conquérant la grande Muraille de Chine. Mais que diable vient-elle faire dans cette galère? On n'en sait fichtrement rien. Ah si (détail mineur) les copains tarés de Rinaldo vont consulter un mage très sage, tel Le Père Fouras, de Fort Boyard. Son office, s'il l'accepte, sera de les assister, dans leurs tribulations contre la terrifiante Armide : une Circé en plus volcanique, très portée sur la “chose”. Mais tout finira bien, les missiles “Exocet” - tiens ? point de chars AMX 13, ni de batterie antimissile Patriot ? - enseveliront l'orgueil musulman sous la poussière sablonneuse. Magnanime, Rinaldo, sous le regard bienveillant de la Vierge Marie et de Joseph en pâmoison devant une baudruche infâme censée évoquer l'Enfant-Roi (anticléricalisme primaire), pardonne a tous.

Et la Musique dans ce gourbis sordide, vulgaire et racoleur ? Il est impossible de l'entendre respirer ; pourtant, elle regorge de moult beautés fulgurantes qui convertiraient le mélomane le plus réfractaire à cette esthétique particulière : le flamboyant opéra baroque, nanti de fioritures abracadabrantes et d'ornementations somptuaires. De la chatoyance au plan orchestral : jeux sur les timbres du clavecin, des flûtes ou des trompettes - incrustations de “poèmes symphoniques” reliant les divers tableaux. On croule sous une tempête sonore, M. Jacobs tambourine, cogne et matraque ; et souvent matraque faux. Brisons là, on en a marre de ces mises en scènes vomitives et gerbatoires - que l'on excuse ce langage ni amène, ni châtié - mais motivé par une immarcescible colère. Haro sur les corrupteurs, impies et sacrilèges. N'est pas Sellars, Carsen ou Wilson qui veut.



Laurent Marty et Etienne Müller

 

 

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