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Une vie de femme

Bruxelles
Théâtre national
04/12/2025 -  et 13, 15, 16, 18, 19 avril 2025
Harold Noben : Bovary (création)
Ana Naqe (Emma Bovary), Oleg Volkov (Charles Bovary), Blandine Coulon (Berthe)
Chœurs de la Monnaie, Jori Klomp (chef des chœurs), Orchestre symphonique de la Monnaie, Debora Waldman (direction musicale)
Carme Portaceli (mise en scène), Marie Szersnovicz (décors, costumes), Ferran Carvajal (chorégraphie), Dimitry Stuyven (lumières)


(© Pieter Claes)


La Monnaie collabore avec le Théâtre national et le Théâtre royal flamand dans le cadre de la création d’un nouvel opéra d’Harold Noben (né en 1978), inspiré de Madame Bovary de Flaubert. En treize scènes, suivies d’un épilogue, le livret en français de Michael De Cock recourt au principe du retour en arrière. L’opéra débute avec l’enterrement d’Emma Bovary, celle‑ci revenant, ensuite, sur les principales étapes de sa vie de solitude et de frustration, de sa rencontre avec son mari jusqu’au suicide, en passant par les deux amants, Léon et Rodolphe, ou encore la relation avec sa fille Berthe, qu’elle n’aime pas. Le rôle‑titre domine donc largement la scène, le reste de la distribution ne comportant que deux rôles, Charles et Berthe, les autres personnages étant joués par des figurants et les choristes.


Distribution réduite, donc, à l’image de l’orchestre, de taille moyenne, une trentaine de musiciens, et d’effectif traditionnel. Caractériser la musique de cet opéra de presque deux heures présente quelques difficultés. Manifestement autodidacte, bien qu’il ait selon le programme, bénéficié des conseils de Benoît Mernier, le compositeur belge fait preuve de liberté et de souplesse dans l’écriture, en empruntant à d’autres musiques, non sans anachronisme, voulu sans doute comme tel, notamment lorsqu’Emma et Charles assistent à une représentation de Lucia di Lammermoor, mais avec suffisamment d’habilité, sans exposer trop facilement ses influences.


Harold Noben ne se réclame manifestement d’aucune école, et ne cherche pas non plus à développer un langage novateur et personnel. La musique, plutôt consonante, nous paraît heureusement plus intéressante et recherchée que celle de Fanny et Alexandre, une autre création de la Monnaie représentée cette saison, mais la valeur musicale de cet ouvrage nous semble quelque peu insuffisante pour laisser une trace durable dans le répertoire. Elle se distingue par une écriture assez ciselée, privilégiant le rythme et la fluidité, procédant par successions versatiles de brèves séquences. L’orchestration sonne plutôt avec légèreté et transparence, les tutti étant assez rares, avec des couleurs contrastées. Le compositeur conçoit en outre des parties vocales de nature lyrique. Voici, donc une œuvre d’assez belle facture, sans grande cohérence esthétique, sans non plus ce caractère novateur et singulier de nature à hisser son auteur au rang de grands créateurs. Elle souffre surtout d’un manque de concision, et une certaine lassitude finit par s’installer. L’épilogue, avec Berthe, dans une performance relevant du manifeste féministe trop explicite, tire vraiment en longueur, malgré la performance de Blandine Coulon, qui en dit beaucoup sur ses compétences vocales et dramatiques.


Le défaut, d’ailleurs, de ce spectacle ne demeure‑t‑il pas, en fin de compte, sa longueur et son attachement encore trop fidèle au roman ? N’aurait‑il pas fallu réduire cette composition à un véritable opéra de chambre, d’une heure et vingt minutes, par exemple, sans pause, sur un livret plus librement inspiré du roman de Flaubert ? Il existe certainement, de nos jours, bien des femmes dans la même situation que celle d’Emma Bovary. Le titre, d’ailleurs, fait référence moins à une personne, en l’occurrence Emma, qu’à une expérience vécue, celle véhiculée dans ce roman et transposable à notre époque. La scénographie privilégie, pour sa part, le dépouillement : des accessoires modernes, des costumes qui troublent les repères, certains d’aujourd’hui, d’autres des années cinquante ou soixante, quelques toiles peintes évoquant le dix‑neuvième siècle, et surtout un tapis roulant assez bruyant, voire, par moments, grinçant, ce dispositif mécanique permettant des effets de mise en scène intéressants, notamment de distanciation et de fausse immobilité.


Ana Naqe suscite l’admiration dans le rôle d’Emma Bovary, avant tout compte tenu de sa présence quasiment constante sur la scène, avec une longue partie chantée, brillamment assurée. La prononciation traduit toutefois, et bien naturellement, des origines étrangères, ce qui constitue un bémol. La soprano peine toutefois à émouvoir dans son personnage. Elle ne parvient pas tout à fait à trouver le ton déchirant qui aurait rendu son personnage plus bouleversant. Elle délivre d’Emma une interprétation plutôt extravertie, comme si elle cherchait à traduite un comportement bipolaire. Oleg Volkov livre, quant à lui, une performance un peu trop discrète en Charles Bovary, un personnage pâlot, impossible ni à détester, ni à admirer. Nous retenons plutôt les interventions des choristes, ainsi que celle de Blandine Coulon. Sous la direction de Debora Waldman, l’orchestre livre une exécution de qualité, précise et bien sonnante, valorisant ainsi cette nouvelle partition dont le destin semble incertain.


Le site d’Harold Noben



Sébastien Foucart

 

 

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