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Emotions straussiennes partagées

Baden-Baden
Festspielhaus
02/22/2025 -  et 12 janvier 2025 (Zürich)
Richard Strauss : Capriccio, opus 85 : « Mondscheinmusik » – Vier letzte Lieder – Don Quixote, opus 35
Hanna-Elisabeth Müller (soprano), Lev Sivkov (violoncelle), Karen Forster (alto)
Philharmonia Zürich, Gianandrea Noseda (direction)


H.-E. Müller, G. Noseda (© Michael Bode/manolopress)


La soirée annuelle dédiée aux mécènes, bienfaiteurs et amis du Festspielhaus de Baden‑Baden est toujours empreinte d’une chaleur particulière. C’est l’occasion de se retrouver entre acteurs et décideurs impliqués à divers degrés dans une institution culturelle de haut niveau, et de partager moments d’émotion et souvenirs, dans une ambiance conviviale. On le perçoit bien à l’entracte et à la fin de ce concert, lors d’une généreuse distribution de bretzels et de boissons qui prolonge l’atmosphère festive.


Le programme est aussi en général une belle occasion de se faire plaisir, avec cette année une soirée entièrement consacrée à Richard Strauss, dont on a réuni trois merveilleuses partitions. L’interlude de Capriccio, ineffable musique nocturne avec cor solo, empruntée en fait à un bien plus ancien cycle de lieder (Der Krämerspiegel, de 1918, où seule cette sublime mélodie émerge, en tant que fugace apaisement, au milieu d’un brûlot particulièrement acide), puis les Quatre derniers lieder, et enfin le plus réussi et vivant de tous les poèmes symphoniques de Strauss, Don Quichotte.


La « Mondscheinmusik » de Capriccio est au moins pour le Philharmonia de Zurich l’occasion de s’échauffer un peu. L’ambiance n’y est pas tout de suite, mais c’est là une bonne façon d’éviter d’entrer trop vite en matière, en abordant à froid les sublimes Quatre derniers lieder qui suivent. Ceux‑ci sont confiés une fois de plus à une voix un peu légère. Rappelons que c’est Kirsten Flagstad qui les a créés, mais que de toute façon il faut au moins une Maréchale pour les assumer pleinement. Or ce soir c’est Hanna‑Elisabeth Müller qui les chante, une straussienne certes, mais plutôt une Zdenka d’Arabella que la voix du format exact. Cela dit le timbre est beau, la projection suffisante pour bien faire passer le texte et l’ambiance s’instaure naturellement, sous l’influence prépondérante du chef Gianandrea Noseda, qui parvient vraiment à de très beaux climats. Noseda qui est d’ailleurs un spécialiste de ces lieder, qu’il avait notamment dirigés lors de ses débuts à la tête des Berliner Philharmoniker en 2015, mais à l’époque avec Camilla Nylund, voix bien plus adaptée, voire idéale.


En seconde partie, un Don Quichotte parfait, mis en place jusqu’au moindre détail avec un soin de miniaturiste. Les interventions du violoncelle solo dessinent à plus larges traits un Chevalier à la triste figure qui a beaucoup d’allure (dommage qu’une ligne à peine soit consacrée à ce remarquable soliste dans le programme, juste pour mentionner son nom, Lev Sivkov), de même que toutes les interventions instrumentales, dont un formidable alto solo (Karen Foster).


En bis, la fin de la Suite du Chevalier à la rose, interprétée à nouveau avec infiniment de chic et de classe. L’occasion de confirmer l’excellence de l’Orchestre de l’Opéra de Zurich, que l’on a bien davantage l’habitude d’entendre en fosse que sur un plateau, et aussi l’envergure d’un chef qui ne bénéficie de loin pas encore de l’estime qu’il mérite.


Une soirée très réussie, marquée par la magie de Richard Strauss et la finesse d’exécutions de haut vol. Seul accroc, le Festspielhaus est grand, et ses presque 1 500 bienfaiteurs n’ont pas suffi à le remplir. L’appoint a été fait avec un public tellement enthousiaste qu’il applaudit systématiquement entre chacun des Quatre derniers lieder, sans du tout se laisser décourager. On a beau accepter volontiers ce genre d’impondérables, au nom de la nécessité fondamentale d’accueillir aussi au concert des néophytes qui en apprendront progressivement les règles, mais là vraiment, dans une telle œuvre, ça dérange  !



Laurent Barthel

 

 

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