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Comment éliminer le romantisme Gent Opera Vlaanderen 02/19/2025 - et 21, 23*, 25, 27 février (Gent), 8, 11, 13, 16, 18, 22 mars (Antwerpen) 2025 Carl Maria von Weber : Der Freischütz, opus 77, J. 277 Karl-Heinz Brandt (Ottokar), Raimund Nolte (Kuno), Louise Kemény (Agathe), Rosemary Hardy (Annchen), Thomas Jesatko (Kaspar), Ilker Arcayürek (Max), Manuel Winckhler (Eremit, Samiel), Raphael Clamer (Kilian), Peter Knaack (Der Grosse Jäger vom Schwarzwald)
Koor Opera Ballet Vlaanderen, Jan Schweiger (chef de chœur), Symfonisch Orkest Opera Ballet Vlaanderen, Stephan Zieligs (direction musicale)
Christoph Marthaler (mise en scène), Anna Viebrock (décors, costumes), Roland Edrich (lumières)
 (© Annemie Augustijn)
Au tour de l’Opéra des Flandres de monter ce Freischütz (1821) par Christoph Marthaler, une coproduction avec le Théâtre de Bâle qui en a assuré la création en 2022. Dans cette conception, la dimension romantique de l’opéra de Weber disparaît. Rien de surprenant : qui dit Christoph Marthaler, dit radicalité et Anna Viebrock, et qui dit Anna Viebrock austérité. L’histoire se déroule donc dans une vieille salle de spectacles aux couleurs ternes, comme il en existe dans certains établissements scolaires, en Allemagne, mais pas seulement : il s’agit du lieu de réunion d’un club de tir dont les membres semblent s’ennuyer, plongés dans leur isolement et leur incommunicabilité. Le spectacle relève moins de l’opéra que du théâtre, tellement le jeu d’acteur domine. Les dialogues ont été réécrits, mais en allemand, pas en néerlandais, ce qui ne constitue pas toujours une évidence dans cette maison . Le texte comporte, tout de même, quelques tirades en anglais, un choix incohérent, dans ce contexte, mais heureusement brèves.
La partie musicale de ce spectacle iconoclaste devient encore un peu plus morcelée, ce qui suscite, à la longue, de la lassitude et de l’exaspération, malgré une direction d’acteur exceptionnelle de précision et d’intensité. La représentation se termine même – autre idée du metteur en scène – dans la cacophonie, l’orchestre, les musiciens de scène, un groupe de cuivres, et les choristes jouant et chantant tous azimuts, tandis que les solistes se déplacent étrangement, animés de tics nerveux. Il faudra donc réécouter chez soi, au disque, cette conclusion.
L’Opéra des Flandres a réuni une distribution, de toute évidence, fort bien pensée. Le choix des chanteurs semble avoir été crucial, afin que la voix et, plus encore, l’apparence répondent le plus possible à la conception du metteur en scène, ce dernier ne cherchant pas à mettre pas en exergue un rôle au détriment de l’autre. Un détail, d’ailleurs, qui en dit long : lors des saluts, tous les interprètes apparaissent d’abord ensemble, avant de revenir saluer individuellement. Si les prestations vocales ne déçoivent pas, elles ne suscitent pas non plus un enthousiasme outre mesure, la performance d’acteur prenant le plus souvent le dessus. La voix d’Ilker Arcayürek, qui interprète Max, se distingue par la beauté du timbre et du phrasé, de même que celle de Louise Kemény qui joue habilement le rôle d’Agathe, une vieille fille, dans cette mise en scène. Rosemary Hardy, une habituée des mises en scène de Christoph Marthaler, incarne une Annchen à la savoureuse bonhomie. Manuel Winckhler exploite bien son potentiel physique dans les rôles de Samiel et de l’Ermite. Nous retenons aussi, pour leur présence et pour leur crédibilité, Karl‑Heinz Brandt en Ottokar et Raimund Nolte en Kuno.
Stephan Zieligs dirige un orchestre de qualité, même vocalement, les musiciens entonnant, en effet, à un moment, le chœur des chasseurs, une de ces libertés prises par le metteur en scène. L’exécution tend nettement cet opéra vers ceux de Wagner, par le ton et par les sonorités, le chef ne recherchant pas particulièrement la légèreté et la transparence. Voici, décidément, un spectacle étonnant, intéressant à plusieurs égards, mais tout de même un peu frustrant. Ecouter cet opéra en version de concert, sans se prendre la tête pour cerner les intentions d’un metteur en scène, ne nous déplairait pas.
Sébastien Foucart
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