About us / Contact

The Classical Music Network

München

Europe : Paris, Londn, Zurich, Geneva, Strasbourg, Bruxelles, Gent
America : New York, San Francisco, Montreal                       WORLD


Newsletter
Your email :

 

Back

Sans faute

München
Nationaltheater
02/07/2025 -  et 11, 15*, 19, 22 février, 19, 22 juillet 2025
Richard Strauss : Die Liebe der Danae, opus 83
Malin Byström*/Manuela Uhl (Danae), Christopher Maltman (Jupiter), Ya‑Chung Huang (Merkur), Vincent Wolfsteiner (Pollux), Erika Baikoff (Xanthe), Andreas Schager (Midas), Sarah Dufresne (Semele), Evgeniya Sotnikova (Europa), Emily Sierra (Alkmene), Avery Amereau (Leda), Bálint Szabó, Kevin Conners, Paul Kaufmann, Martin Snell (Vier Könige), Yosif Slavov, Bruno Khouri, Vitor Bispo, Daniel Noyola (Vier Wächter), Louise McClelland (Eine Stimme)
Chor der Bayerischen Staatsoper, Christoph Heil (chef de chœur), Bayerisches Staatsorchester, Sebastien Weigle (direction musciale)
Claus Guth (mise en scène, chorégraphie), Michael Levine (décors), Ursula Kudrna (costumes), Alessandro Carletti (lumières), rocafil (vidéo), Yvonne Gebauer, Ariadne Bliss (dramaturgie)


(© Geoffroy Schied)


C’est un euphémisme que de dire que l’avant-dernier opéra de Richard Strauss, L’Amour de Danaé, a eu une gestation difficile et n’est quasiment jamais donné. A sa création à Salzbourg pendant la Seconde Guerre mondiale, l’opéra n’a été donné qu’une seule fois pour une répétition générale. A cela s’ajoute le fait que l’œuvre est particulièrement difficile, sur‑orchestrée, que le livret n’a pas la qualité de certains des opéras de Strauss et que les parties vocales sont d’une exigence incroyable.


En 2002, le Festival de Salzbourg avait demandé au tandem formé par Fabio Luisi et Günter Krämer de monter l’œuvre. Certains se souviennent de ce dernier acte où Franz Grundheber, chantant Jupiter, était quasiment seul et statique pendant la quasi‑totalité du troisième acte. Nombreux s’étaient simplement demandé pourquoi donner cet opéra.


Après la représentation d’hier, il est clair qu’il faut maintenant vraiment l’écouter avec une perspective différente. Si l’on a des conditions comme celles rassemblées à Munich pour cette production, c’est un chef‑d’œuvre.


L’histoire est la suivante : Eos, le royaume du Roi Pollux, est en faillite. Ce dernier cherche à marier sa fille Danaé au richissime roi Midas. Grâce à Jupiter, Midas peut changer en or tout ce qu’il touche. Ce « don » cache qu’en fait, Jupiter, coureur de jupons impénitent, veut prendre la place de Midas lors de la nuit de noces. Mais Danaé découvre la vérité et choisit, malgré la misère que cela implique, le véritable amour de Midas, et Jupiter reconnaît sa défaite.


Il faut d’abord souligner la très grande qualité de la mise en scène de Claus Guth. Il y a une certaine modernisation des aspects de l’œuvre qui se passe dans un gratte‑ciel new‑yorkais, et Pollux ressemble à un certain président américain contemporain. Danaé est une enfant de la génération Instagram, sensible à son image, ce qui donne beaucoup de relief à son évolution et à sa décision de choisir l’amour véritable contre trésors et fortunes. Le chœur et les figurants sont remarquablement bien dirigés. Il y a beaucoup de moments où la scène est remplie, mais l’action est d’une grande lisibilité. Les décors et surtout la vidéo du fond de la scène sont utilisés pour caractériser le drame avec justesse et efficacité. Il y a, pour la conclusion de l’œuvre, un moment fort lorsqu’au troisième acte, quand le royaume d’Eos est en ruine, Guth utilise des images de l’Allemagne détruite après la Seconde Guerre mondiale, puis fait apparaître Richard Strauss lui‑même.


La direction d’acteurs est également superbe. Comme c’est souvent le cas pour des opéras de Strauss, des personnages secondaires. Mercure semble le cousin éloigné du serviteur qui va chercher Egisthe dans Elektra, tandis que le quatuor des anciennes conquêtes rappelle les Naïades d’Ariane à Naxos. Toutes leurs interventions sont caractérisées avec soin, sans que cela soit exagéré et avec une attention à la musique. Le personnage si complexe de Jupiter est superbement dessiné, et le costume au dernier acte n’est pas sans évoquer le Wanderer de Siegfried. Le personnage de Danaé est également traité avec beaucoup de soin : personnage superficiel au début puis graduellement devenant une adulte responsable et mature.


Ce que Strauss demande à ses chanteurs est d’une très rare exigence. De ce point de vue, il va être difficile de surpasser la distribution réunie à Munich. Malin Byström avait pu assurer la générale mais comme il fait terriblement froid à Munich en ce moment, elle a dû déclarer forfait pour les premières représentations. Cette troisième représentation de la série est donc sa... première. Elle est infiniment plus à son aise dans ce rôle que dans ses précédentes incursions pucciniennes. Le phrasé et le style ont beaucoup de musicalité. Les aigus sont superbes et on comprend pourquoi elle a déjà chanté sur scène la Maréchale. C’est un plaisir de voir une chanteuse aussi radieuse lorsqu’elle revient saluer Cet opéra ne pourrait être donné sans un ténor de la trempe d’Andreas Schager. Le deuxième acte avec le duo avec Danaé, mi‑Siegfried mi‑Tristan, est d’une difficulté terrifiante et Schager trouve la dimension qu’exige cette partie. Le personnage principal reste cependant Jupiter, personnage complexe, d’une certaine mauvaise foi et qui, à la fin, est plus résigné que repentant. Il y aura fort à se demander si Strauss pensait à quelqu’un de précis durant la période où il a écrit cet opéra. Maltman, ancien Oreste à Salzbourg et actuel Wotan dans le Ring de Covent Garden, est impressionnant d’autorité et d’intelligence. Nous sommes à Munich et les petits rôles sont tous distribués avec soin – mention spéciale aux quatre conquêtes ébouriffantes et assez drôles de Jupiter : Sarah Dufresne, Evgeniya Sotnikova, Emily Sierra et Avery Amereau. Tous, je répète tous, peuvent se vanter d’avoir un allemand très compréhensible.


L’orchestre de cet opéra est flamboyant. Sebastian Weigle, qui a déjà dirigé dans cette salle La Femme sans ombre, sait trouver les différentes facettes de l’œuvre. Les interludes orchestraux montrent la richesse harmonique dont Strauss est capable. Il est attentif à ses chanteurs mais sait également déployer une richesse sonore très puissante dans les coups de colère de Jupiter.


Après la représentation d’hier, il est clair que si l’on a des conditions comme celles rassemblées à Munich pour cette production, L’Amour de Danaé est un chef‑d’œuvre. Cette production est à marquer d’une pierre blanche et fait partie de la liste des très grandes réussites de l’ère Dorny aux côtés du Nez , de Guerre et Paix et de La Passagère . Prenez le train pour venir à Munich, c’est une révélation.



Antoine Lévy-Leboyer

 

 

Copyright ©ConcertoNet.com