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Une reprise inutile et inégale

Paris
Opéra Bastille
02/06/2025 -  et 9, 12*, 15, 18, 21, 24, 27 février, 2, 5 mars 2025
Vincenzo Bellini : I puritani
Vartan Gabrielian (Lord Gualtiero Valton), Roberto Tagliavini (Sir Giorgio), Lawrence Brownlee (Lord Arturo Talbot), Andrii Kymach (Sir Riccardo Forth), Manase Latu (Sir Bruno Roberton), Maria Warenberg (Enrichetta di Francia), Lisette Oropesa (Elvira)
Chœurs de l’Opéra national de Paris, Ching‑Lien Wu (cheffe des chœurs), Orchestre de l’Opéra national de Paris, Corrado Rovaris (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène, costumes), Christian Räth (reprise de la mise en scène), Chantal Thomas (décors), Joël Adam (lumières)


(© Sébastien Mathé/Opéra national de Paris)


Fallait‑il reprendre une deuxième fois cette production des Puritains signée Laurent Pelly et confiée ici à Christian Räth ? Non. Le metteur en scène a signé là une de ses productions les plus faibles. Inscrire l’histoire dans la folie d’Elvira est légitime – une folie dont les symptômes apparaissent dès le début et ne disparaissent pas à la fin, où elle s’effondre, à l’opposé de ce que nous disent le texte et la musique. La faire prisonnière d’un univers rigide et castrateur régi par des hommes peut également se justifier. Le décor, un château réduit « à ses angles et à ses arêtes », ressemble ainsi à une cage prison, comme la chambre d’Elvira. Le chœur lui‑même « apparaît comme un ensemble de pions sur un grand échiquier », telles des marionnettes aux gestes mécaniques. Il n’y a ici aucune place pour la liberté d’être. Mais tout cela nous a été servi mille fois – sentiment que suscitait déjà la première, il y a douze ans. La banalité du propos passerait sans doute mieux si elle était rehaussée par une direction d’acteurs créant de vrais personnages. Elle frappe toujours par sa pauvreté, frisant parfois le ridicule quand Laurent Pelly semble se souvenir de ses Offenbach pour les déplacements du chœur. On ne croit pas vraiment à la folie d’Elvira, pourtant plus travaillée.


Musicalement, c’est trop inégal. Lisette Oropesa et Lawrence Brownlee confirment l’impression suscitée par le disque récemment paru chez EuroArts. Certes un peu légère, elle n’a rien à craindre d’un rôle difficile, ayant assez de virtuosité pour les vocalises de « Son vergin vezzosa » ou de la cabalette « Vien, diletto », assez de technique belcantiste pour le cantabile de « Oh, vieni al tempio » ou de « Qui la voce sua soave », chantés sur le souffle. Le suraigu, jusqu’au mi bémol, couronne insolemment mainte page de la partition. Mais ce chant brillant, impeccable, aux superbes effets de messa di voce dans le registre haut, inspire plus l’admiration que l’émotion : manquent les fêlures de la psyché, les douleurs de la folie – sans doute aussi parce que, si l’on apprécie les demi‑teintes, on attendrait davantage de couleurs. Ce reproche s’adresse aussi au très monochrome Lawrence Brownlee, dès un « A te, o cara » assez raide, où l’émission est trop tendue. Elle le sera jusqu’à la fin, où il n’osera pas le fameux contre‑fa, même si la ligne gagnera un peu en ductilité. Le ténor américain, rossinien émérite au demeurant, met sa voix monochrome sous pression alors que le bel canto exige une infinie souplesse. Mais il assure, plus vaillant qu’élégiaque, avec des aigus bien dardés et une grande intensité dans l’interprétation.


Les principes de ce bel canto échappent en revanche totalement au Riccardo mal équarri d’Andrii Kymach, alors qu’ils s’incarnent en Roberto Tagliavini, superbe Sir Giorgio, qui ressuscite le souvenir des grandes basses italiennes du passé – comme il ourle « Cinta di fori », quel relief il donne à « Il rival salvar tu dei », dans le célèbre duo patriotique ! Le meilleur de tous, c’est lui. On n’oubliera pas les rôles secondaires, malgré une Enrichetta pâlichonne. Les chœurs n’appellent que des éloges. Les Puritains sont destinés à un quatuor vocal d’exception – celui formé en 1835, à la création, par Giulia Grisi, Giovanni Battista Rubini, Antonio Tamburini et Luigi Lablache, étoiles des Italiens de Paris – mais ils appellent aussi un chef porteur d’une vision, tel Riccardo Muti hier. Un Corrado Rovaris au souffle court se contente d’accompagner les chanteurs, plus efficace que subtil, échouant à créer des climats, dans les introductions des deuxième et troisième actes, par exemple.



Didier van Moere

 

 

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