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Quatuor d’étoiles Paris Palais Garnier 02/08/2025 - et 9, 10, 12, 14, 16, 17, 18, 20, 21, 22, 24, 25, 26, 28 février, 1er, 4 mars 2025 Onéguine John Cranko (chorégraphie, mise en scène), Jane Bourne (reprise de la chorégraphie) Piotr Ilyitch Tchaïkovski (musique), Kurt‑Heinz Stolze (arrangements et orchestrations)
Hugo Marchand/Mathieu Ganio*/Reece Clarke/Germain Louvet/Jérémy‑Loup Quer/Florent Melac (Eugène Onéguine), Dorothée Gilbert/Ludmila Pagliero*/Sae Eun Park/Amandine Albisson/Hannah O’Neill (Tatiana), Guillaume Diop/Marc Moreau*/Pablo Legasa/Alexander Maryianowski/Milo Avêque (Lenski), Léonore Baulac*/Aubane Philbert/Naïs Duboscq/Bianca Scudamore/Roxane Stojanov (Olga), Antonio Conforti/Jérémy‑Loup Quer/Mathieu Contat*/Alexandre Gasse/Thomas Docquir (Le prince Grémine), Ballet de l’Opéra national de Paris
Orchestre de l’Opéra national de Paris, Vello Pähn (direction musicale)
Jürgen Rose (décors, costumes), Steen Bjarke (lumières)
 L. Pagliero, M. Ganio (© Julien Benhamou/Opéra national de Paris)
Entrée en 2009 au répertoire du Ballet de l’Opéra national de Paris (BOP) à l’occasion du départ à la retraite du danseur étoile Manuel Legris, la célèbre chorégraphie réalisée en 1965 et revue en 1967 par le chorégraphe sud‑africain John Cranko pour le Ballet de Stuttgart y revient au programme en ce début d’année après sept ans d’absence. Cinq distributions alterneront. Le danseur principal Reece Clarke du Royal Ballet de Londres y dansera le rôle‑titre le 10 février et le danseur étoile Mathieu Ganio y fera ses adieux à la compagnie le 1er mars.
Les chorégraphies de John Cranko (1927‑1973), qui a porté à un niveau international le Ballet de Stuttgart, sont assez rarement dansées en France. A Toulouse, le Ballet du Capitole a programmé en 2005 sa Mégère apprivoisée, qui figure aussi au répertoire du BOP depuis 2007, ainsi que son Roméo et Juliette depuis 1983. Le choix d’Onéguine à Paris avait été suggéré en 2009 par le danseur étoile Manuel Legris qui, partant à la retraite et allant présider aux destinées du Ballet de l’Opéra de Vienne, avait souhaité danser Onéguine, tout à fait dans la lignée des rôles nobles où il excellait, pour terminer sa carrière de danseur et faire ses adieux au Ballet et au Palais Garnier. Au soir de la première, le directeur de l’Opéra de l’époque, Gerard Mortier, dont c’était une des dernières premières, et la directrice de la danse, Brigitte Lefèvre, étaient venus annoncer, fait exceptionnel un même soir, la nomination de deux nouvelles étoiles, celles‑là même qui n’avaient cessé de briller tout la soirée, des deux premiers danseurs Mathias Heymann et Isabelle Ciaravola, et c’est dans les rires, les larmes et les acclamations qu’avait commencé la seconde vie de la chorégraphie de John Cranko. C’est aussi dans leurs rôles respectifs qu’Isabelle Ciaravola en Tatiana et Mathieu Ganio en Onéguine ont choisi de faire leurs adieux à la compagnie.
La musique est le point faible de ce spectacle d’après le poème Eugène Onéguine de Pouchkine, immortalisé par Tchaïkovski par son opéra homonyme. Comme l’avait fait Kenneth MacMillan avec son Histoire de Manon, choisissant dans la musique de Massenet tout sauf celle de l’opéra Manon, Cranko a choisi Tchaïkovski comme substrat musical de sa chorégraphie, mais pas ce qu’il a écrit de meilleur car, hormis des extraits de l’ouverture Francesca da Rimini pour la si dramatique scène finale entre Tatiana et Eugène, le matériel n’est pas de premier choix, principalement composé d’orchestrations de pièces pour piano.
Ce ballet de facture néoclassique, repris pour cette série de représentations par Jane Bourne, qui a été collaboratrice de John Crancko, au pouvoir narratif impeccable, comporte de nombreuses scènes de genre très bien réglées et charmantes, les deux bals et un bon nombre de pas de deux aux portés complexes, dont le final, qui en font une bonne soirée malgré le découpage en trois actes qui n’est plus vraiment adapté au rythme des spectateurs d’aujourd’hui. Le luxueux décor signé Jürgen Rose, qui a donné au Bayerische Staatsoper de Munich, au Staatsoper de Vienne et au ballet Hambourg tant de belles productions, un dispositif de rideaux à l’italienne, a un charme désuet d’une grande efficacité.
Dans la première distribution de cette reprise, quatre étoiles brillent à nouveau dans leurs rôles principaux. Tatiana est incarnée avec beaucoup d’intensité par Ludmila Pagliero. Elle vainc techniquement les grandes difficultés des pas de deux et surtout des redoutables portés inventés par Cranko dans ses affrontements avec Onéguine. Lequel est incarné par Mathieu Ganio, qui y paraît moins froid et cynique qu’à ses débuts dans ce rôle, avec une belle allure et affichant un air blasé qui cède à une grande émotion dans les scènes de retrouvailles avec Tatiana. Marc Moreau et Léonore Baulac étaient parfaits de fraîcheur et de virtuosité dans les rôles plus bondissants de Lenski et Olga, et Mathieu Contat donnait une belle stature à la silhouette du Prince Grémine.
Pas vraiment doté de la meilleure fraction de l’Orchestre de l’Opéra de Paris le soir de la première, avec un grand débraillé chez les vents et des percussions couvrant leurs confrères, le chef estonien Vello Pähn, toujours très à l’aise dans le répertoire russe, a donné une belle dynamique à cette partition réalisée pour les adaptations et orchestrations par le musicien allemand Kurt‑Heinz Stolze.
Olivier Brunel
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