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Mozart déçoit, Mahler convainc

Paris
Philharmonie
01/15/2025 -  et 16 janvier 2025
Wolfgang Amadeus Mozart : Concerto pour violon n° 5 en la majeur, K. 219
Gustav Mahler : Symphonie n° 5 en ut dièse mineur

Lisa Batiashvili (violon)
Orchestre de Paris, Robin Ticciati (direction)


R. Ticciati (© Benjamin Ealavoga)

Arrivée peut-être à une sorte de tournant de mi‑carrière, la violoniste allemande d’origine géorgienne Lisa Batiashvili semble à présent déterminée à s’affranchir d’un certain moule préétabli de bonne élève du violon. Ce profil, certes un peu sage, qu’on appréciait beaucoup pour sa fiabilité, et qu’on retrouve moins ces derniers temps, bousculé par une quête d’expressivité plus fantasque, voire des phrasés qui peuvent dérouter.


Une tendance qui se manifestait déjà à Baden‑Baden l’an dernier dans le Concerto de Sibelius, avec Kirill Petrenko, et qui suscite une impression similaire ce soir à la Philharmonie de Paris, dans un Cinquième Concerto de Mozart aux choix interprétatifs discutables : ruptures soudaines au cours de l’exposition même des thèmes, transitions brusques entre les sections, voire arrivées en trombe sur des fins de phrase négociées en dérapages plus ou moins contrôlés. Cette musique si évidente, qui devrait couler de source, paraît curieusement parcourue, à courte vue, l’accompagnement n’apportant pas non plus une sérénité optimale, les options de direction de Robin Ticciati apparaissant parfois intrusives, déstabilisant aussi un concerto qui nécessiterait davantage de subtilité, et surtout une plus grande souplesse de dialogue entre les musiciens et la soliste.


Quelques faiblesses techniques de l’orchestre viennent encore accentuer cette impression d’interprétation trop brouillonne, dont les prises de risque peinent à construire une démarche cohérente. En particulier un cor victime de nombreux accidents, dans une partie pourtant relativement peu exposée. Ceci annonciateur d’une soirée qui va se révéler tout du long éprouvante pour les pupitres de cuivres de l’Orchestre de Paris, aucun ne parvenant à échapper à d’occasionnels cafouillages, cette impression de fragilité persistante finissant par mettre un peu à mal l’expérience auditive globale.


Le bilan s’avère cependant plus cohérent pour la Cinquième Symphonie de Mahler, qui constitue le plat de résistance de ce concert. Robin Ticciati paraît certes encore en phase de familiarisation avec l’ensemble du corpus symphonique mahlérien, un massif qu’il aborde méthodiquement, œuvre par œuvre, en une démarche d’apprivoisement progressive et prudente. Après avoir en particulier dirigé fréquemment en concert la Troisième Symphonie, puis la Quatrième, il nous livre à présent une interprétation de la Cinquième qui, sans bouleverser nos repères, s’avère crédible et globalement réussie.


Si l’on ne trouve rien de particulièrement original ou audacieux dans une telle proposition, la mise en place reste efficace, surtout dans le contexte d’une invitation ponctuelle, avec un temps limité disponible pour les répétitions. Certes, au cours du premier mouvement, on perçoit de discrets flottements, l’orchestre paraissant parfois déstabilisé par une battue qui anticipe beaucoup, le flux musical pouvant tout à coup connaître de curieux fléchissements de tension. En revanche, à partir du Stürmisch bewegt, la cohérence du projet s’affirme et une véritable construction orchestrale prend forme, culminant dans un final traditionnellement ardu, mais ici très correctement hiérarchisé et maîtrisé.


Une conception élégante où même l’Adagietto, sublime page attendue de tous, ne déçoit pas. Ticciati lui insuffle une notable sobriété, avec une pudeur et une mesure qui, bien qu’un peu timorés, restent garants d’un bel équilibre. On peut certes regretter une absence d’effusion plus marquée sur la dernière phrase, mais cette approche retenue et réfléchie, un peu éthérée, toujours d’une grande poésie, reste constamment respectable et finit même par imposer un véritable silence recueilli, sans aucune toux, au public de la Philharmonie.


Dans un paysage international où nombre d’interprétations de cette Cinquième Symphonie de Mahler ont peiné récemment à convaincre – notamment Daniel Harding avec les Berliner Philharmoniker à Baden‑Baden ou Manfred Honeck avec le Pittsburgh Symphony Orchestra à Salzbourg, cette vision tout à la fois énergique et pudique de Robin Ticciati marque des points, par sa sincérité et son sérieux. Une belle exécution, dont la pertinence mérite d’être saluée, en dépit de ses quelques limites, et qui nous laisse en définitive un bien meilleur souvenir que la même Cinquième Symphonie de Mahler écoutée le lendemain soir, toujours à Paris, dirigée par Tarmo Peltokoski. Cette fois quasiment aucun couac à déplorer, de la part d’un Orchestre philharmonique de Radio France très au point techniquement, mais corseté par une direction tellement précise et méthodique qu’elle en prive Mahler de toute agogique narrative. Une exécution techniquement parfaite, mais stérile. A vingt‑quatre heures d’intervalle, entre les conceptions de Ticciati, chef quadragénaire en devenir, mais déjà doté d’une réelle expérience, y compris des possibles vicissitudes de la vie, et celles de Peltokoski, jeune et brillant fort en thème mais qui n’a pas encore grand‑chose à nous dire, se creuse un écart qui sur le plan sonore ne saute pas forcément aux oreilles, mais qui, en termes de sensibilité musicale, paraît béant.



Laurent Barthel

 

 

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