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Le nouveau Finlandais

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Maison de la radio et de la musique
01/16/2025 -  
Serge Prokofiev : Concerto pour piano n° 3 en ut majeur, opus 26
Gustav Mahler : Symphonie n° 5 en ut dièse mineur

Nikolaï Lugansky (piano)
Philharmonique de Radio France, Tarmo Peltokoski (direction)


T. Peltokoski (© Peter Rigaud)


Les concerts se suivent mais ne se ressemblent décidément pas avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France. Après une décevante Neuvième Symphonie de Beethoven avec le directeur musical désigné Jaap van Zweden, place au chef finlandais Tarmo Peltokoski, qui donne ce soir une prestation de haut vol devant une salle archicomble. Au programme de ce troisième concert du chef de 24 ans avec l’orchestre parisien, Prokofiev et Mahler pour une rencontre qui confirme l’incroyable talent de ce chef déjà remarqué en mars 2024.


Le Troisième Concerto de Prokofiev, qui est tout sauf une pièce facile, trouve ici des interprètes de très haut vol. Après un premier mouvement éblouissant de virtuosité et de maîtrise, place au charme ambigu presque sarcastique du deuxième mouvement, à la perfection métronomique et à l’équilibre idéal (contrechants des bois). Le passage central, tout de retenue avec ses descentes pleines d’harmonies atypiques, permet à Nikolaï Lugansky de montrer l’étendue de son talent comme son lyrisme. Le contraste avec le final, flamboyant et motorique comme il se doit, est d’autant plus saisissant. Le Philharmonique de Radio France est plus qu’un accompagnateur, en l’occurrence un vrai partenaire musical. Tarmo Peltkoski, qui dirige avec baguette, emmène tout le monde avec lui et veille à l’équilibre entre le piano et l’orchestre. Un admirable début de programme. « Lilas », cinquième des Romances opus 21 de Rachmaninov, offerte en bis par le pianiste russe, est une merveille chantante et poétique.


Place ensuite à la Cinquième Symphonie de Mahler, sans doute la plus célèbre du compositeur depuis le film Mort à Venise de Luchino Visconti et sans doute aussi la seule un peu optimiste. On remarque déjà que Tarmo Peltokoski dirige par cœur. Comme pour Prokofiev, il laisse le musicien soliste entrer à son initiative, en l’occurrence le magnifique trompettiste Javier Rossetto, qui brillera durant toute la symphonie. Dès cette entrée, il est clair que tension, contrastes et climats seront présents ce soir. L’orchestre est ce soir au sommet de sa forme. Tempi justes, nuances extrêmes, lyrisme, lignes sont constamment au rendez‑vous pour une interprétation saisissante. On a l’impression d’avoir la partition sous les yeux tellement le moindre détail apparaît et parfois même de percevoir tel ou tel trait méconnu de l’œuvre pourtant souvent entendue.


Tarmo Peltokoski ne lâche pas une seconde ses musiciens, à l’exemple de cette « Marche funèbre » initiale, prise dans un tempo mesuré, durant laquelle cordes, cuivres et bois trouvent leur bonne place, dans un équilibre souverainement maîtrisé. Le chef sollicite largement ses musiciens, notamment les cordes qu’il aime à faire ressortir, et sait construire des tutti fracassants mais jamais exagérés. II enchaîne rapidement le deuxième mouvement, qu’il conduit avec un lyrisme tout à fait en situation. Le passage réservé aux cordes, avant la reprise du thème aux cuivres, est un moment suspendu avant un final grandiose parfaitement équilibré. Le troisième mouvement, avec son solo de cor, est joué debout par le talentueux Alexandre Collard, qui nuance chaque de ses interventions tout en dialoguant avec le reste de l’orchestre. La valse centrale est d’une élégance toute viennoise, avant le final abrupt, jubilatoire mais non asséné. L’Adagietto est lumineux et sobre à la fois, avec un équilibre parfait entre la harpe et les cordes, de belles nuances et des violoncelles qui chantent avec raffinement. Quant au final, sorte de récapitulation de l’œuvre, il est une superbe démonstration de ce qu’est la maîtrise de la direction d’orchestre. Tout est à la fois évidemment en place mais aussi tendu, audible, précis, la musique circule et aucune seconde de l’œuvre ne semble inhabitée. Du très grand art.


Durant toute cette interprétation le Philharmonique de Radio France est apparu égal à lui‑même, précis, juste, engagé et d’une belle plénitude sonore. Et la direction de Tarmo Peltososki, tendue, équilibrée et d’une énergie toujours concentrique, est réellement fascinante. Si l’on se risquait à des comparaisons, on pourrait sans doute rapprocher ce Mahler de celui d’un Gustavo Dudamel, à la fois intense, tendu, équilibré et d’une grande beauté sonore.


Tarmo Peltokoski est décidément un chef hors du commun à la maturité rare. Espérons d’autres rencontres avec le Philharmonique de Radio France malgré sa prise de fonctions en septembre dernier à la tête de l’Orchestre national du Capitole de Toulouse. Il vient d’ailleurs d’y triompher dans la Sea Symphony de Vaughan Williams, car en plus d’être doué ce chef dirige aussi des œuvres rares. Et si vous souhaitez vous faire votre opinion, ne ratez pas le 4 mars à la Philharmonie de Paris la Première Symphonie de Mahler qu’il donnera avec son orchestre toulousain.



Gilles Lesur

 

 

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