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Musique et public folkloriques Vienna Musikverein 12/19/2024 - et 20* décembre 2024 Georges Enesco : Rhapsodie roumaine n° 1, opus 11
Piotr Ilitch Tchaïkovski : Concerto pour violon, opus 35
Antonín Dvorák : Symphonie n° 6, opus 60, B. 112 Augustin Hadelich (violon)
Wiener Symphoniker, Cristian Măcelaru (direction)
C. Măcelaru (© Sorin Popa)
Ce programme, à première vue classique, recèle des œuvres rarement interprétées. Prenez la Rhapsodie roumaine d’Enesco : hormis un concert en plein air donné l’an dernier, la dernière exécution par l’Orchestre symphonique de Vienne remonte à... 1946, du vivant même du compositeur ! Quant à la Sixième Symphonie de Dvorák, elle reste bien moins programmée que les trois plus populaires symphonies suivantes.
On attendait beaucoup de Christian Măcelaru dans Enesco, et il ne déçoit pas. Le chef roumain entame l’œuvre avec une délicatesse feutrée, laissant les voix secondaires naturellement émerger, irriguant la partition d’une verve folklorique spontanée, la rendant aussi savoureuse à écouter qu’à jouer – en témoigne le plaisir palpable des musiciens qui semblent s’y amuser comme le ferait un orchestre de jeunes. La direction de Măcelaru, maîtrisée, calme, précise, ménage des moments de suspension et sculpte les explosions, enchaînant habilement les thèmes folkloriques sans jamais tomber dans un effet de pot‑pourri.
Ce début de concert contraste avec un Concerto pour violon de Tchaïkovski, joué de manière irréprochable mais trop minimaliste, manquant d’envolée pour réellement marquer une empreinte personnelle sur une œuvre si souvent jouée. Le violon d’Augustin Hadelich reste fascinant, extrayant un suc de couleurs somptueusement chatoyantes et sombres de son Guarneri del Gesù « Leduc », dont le timbre initialement un peu fermé sur les cordes médianes, s’ouvre peu à peu au fil des mouvements. On a souvent la sensation que la technique éblouissante du soliste domine l’œuvre de manière écrasante, les traits de virtuosité prenant un caractère violonistique plutôt qu’organique, bousculant parfois la partition dans un désir de neutralité. L’accompagnement orchestral est consciencieux, mais peine à trouver le ton juste. Il aura fallu attendre le bis – une pièce de bluegrass d’Ervin Rouse dans un arrangement scintillant d’Hadelich – pour se laisser happer par la musique sans aucune arrière‑pensée.
On retrouve dans la Sixième Symphonie de Dvorák les qualités interprétatives qui avaient fait mouche en première partie, mais avec un moindre succès : alors que le chef s’efforce de faire avancer cette musique volubile, la rendant lisible jusque dans les forte, la lecture manque globalement de raffinement, la faute à de grand aplats de dynamiques, des piani trop rares et des vents moins précis qu’en première partie. Cette vision traditionnelle et honnête, mais un peu lourde, ne parvient à toujours transcender les longueurs de cette œuvre de plus de 40 minutes.
Le public de fin d’année, composé majoritairement de touristes, réserve néanmoins un accueil enthousiaste aux interprètes, s’obstinant à applaudir vigoureusement, entre deux séances de selfies, chaque mouvement, comme s’il s’agissait de la fin du concert.
Dimitri Finker
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