Back
Un Offenbach pour terminer l’année Liège Opéra royal de Wallonie 12/20/2024 - et 21, 22*, 27, 28, 29, 31 décembre 2024 Jacques Offenbach : La Périchole Antoinette Dennefeld (La Périchole), Pierre Derhet (Piquillo), Lionel Lhote (Don Andrès de Ribeira), Rodolphe Briand (Comte Miguel de Panatellas), Ivan Thirion (Don Pedro de Hinoyosa), Julie Mossay (Guadalena, Manuelita), Marie Kalinine (Berginella, Ninetta), Aliénor Feix (Mastrilla, Brambilla), Julie Bailly (Frasquinella), Eddy Letexier (Le vieux prisonnier, Le marquis de Tarapote), Maxime Melnik (Premier notaire), Brayan Avila Martinez (Second notaire)
Chœurs de l’Opéra royal de Wallonie, Denis Segond (chef des chœurs), Orchestre de l’Opéra royal de Wallonie, Clelia Cafiero (direction musicale)
Laurent Pelly (mise en scène, costumes), Chantal Thomas (décors), Michel Le Borgne (lumières)
(© Jonathan Berger/Opéra royal de Wallonie)
L’année se termine en toute légèreté à l’Opéra royal de Wallonie avec une Périchole (1868) créée en novembre 2022 au Théâtre des Champs‑Elysées et reprise le mois suivant à Toulon. A cette occasion, Laurent Pelly figure pour la première fois à l’affiche de ce théâtre, ce qui devait bien arriver un jour. Son nom est en effet régulièrement associé à celui d’Offenbach, un compositeur que l’institution liégeoise programme par ailleurs souvent, pas plus tard que ces deux dernières années, avec La Vie parisienne en 2022 et Les Contes d’Hoffmann en 2023.
Le metteur en scène a établi sa réputation avec des spectacles bien pensés et de bon goût, sans vulgarité ni facilité, et c’est de nouveau le cas avec cet opéra‑bouffe, dans sa version de 1874. Il n’a pas cherché à transposer l’action dans un lieu précis et une époque déterminée. Le premier acte, un peu moins rythmé, dans cette production, que les autres, semble d’ailleurs se dérouler, il y a peu de temps, dans quelque contrée du sud de l’Europe, tandis que la seconde partie rappelle ces salons du Second Empire et ces sinistres geôles de palais anciens de potentats abusant du pouvoir. Dans cette scénographie plutôt plaisante, mais peu inventive, les décors changent souvent, non sans quelques nuisances sonores, à peine couvertes par l’orchestre.
C’est plutôt la direction d’acteur, précise et juste, qui donne du sel à ce spectacle assez relevé et précisément réglé, en particulier dans les ensembles, bien qu’une dose supplémentaire de peps et de piquant n’aurait pas été de refus. Laurent Pelly prend soin de ne pas trop accentuer la dimension burlesque, sans exclure fort heureusement la verve comique de cet ouvrage aux teintes parfois douces‑amères. Ce spectacle de haut niveau semble hors du temps, hors mode. Dans dix, vingt ou trente ans, il fonctionnerait encore bien. Et les dialogues adaptés par Agathe Mélinand ne nous ont pas particulièrement agacé, au contraire de notre confrère qui a assisté à la création parisienne. Les aurait‑elle entre temps modifiés ?
L’Opéra royal de Wallonie a réuni une distribution quasiment francophone, avec une bonne proportion de chanteurs belges, ce qui l’honore tout particulièrement. Il faut du caractère et du tempérament pour incarner la Périchole, des qualités qu’Antoinette Dennefeld possède assurément, outre un don de comédienne évident pour rendre la nature offensive et la féminité fière de cette figure haute en couleur. La mezzo‑soprano met une voix de premier ordre au service d’un chant expressif et tenu. Son partenaire, l’excellent Pierre Derhet, dont les chanteurs et l’orchestre souhaitent un bon anniversaire en musique, lors des saluts, convainc tout particulièrement en Piquillo, un rôle dont il possède l’exact profil vocal, la clarté de la voix, la précision du vibrato, la précision du phrasé. Nul besoin de revenir sur l’art fantastique de Lionel Lhote, savoureux en Don Andrès de Ribeira. Le Comte Miguel de Panatellas du très expérimenté Rodolphe Briand n’en demeure pas moins remarquable, tandis qu’Ivan Thirion endosse plus que correctement le rôle de Don Pedro de Hinoyosa. Julie Mossay, Marie Kalinine, Aliénor Feix et Julie Bailly forment un ensemble soudé et pétillant dans tous ces petits personnages féminins qui apportent du tonus à cet opéra‑bouffe. Et que de dire de l’amusant vieux prisonnier d’Eddy Letexier, frustré de n’avoir pas touché une femme depuis douze ans ?
Clelia Cafiero collabore pour la première fois avec l’Opéra royal de Wallonie. Il faut qu’elle revienne dans ce théâtre. Sous sa direction détaillée, l’orchestre joue cette musique avec clarté et précision, et il affiche une discipline et une justesse qui valorisent parfaitement l’écriture du compositeur. C’est ainsi que nous aimons entendre ses opéras‑bouffes, avec cette vitalité exempte de précipitation, avec cette sécheresse dépourvue de raideur. Les choristes, enfin, bien préparés, contribuent à la réussite de ce spectacle accompli.
Sébastien Foucart
|