Back
Le Presbytère n’a rien perdu de son attrait Lausanne Théâtre de Beaulieu 12/13/2024 - et 14, 15, 17, 18*, 19, 20 décembre 2024 Le Presbytère Maurice Béjart (chorégraphie), Wolfgang Amadeus Mozart, Queen (musique)
Béjart Ballet Lausanne
Gianni Versace (création costumes), Clément Cayrol (création lumière)
(© BBL/Gregory Batardon)
Quel est le point commun entre Maurice Béjart, Freddie Mercury, Gianni Versace et Wolfgang Amadeus Mozart ? Les quatre noms sont réunis à l’affiche du Presbytère, le spectacle de danse qui vient d’être donné au Théâtre de Beaulieu pour les fêtes de fin d’année par le Béjart Ballet Lausanne (BBL). Le Presbytère ? Ou plutôt Le Presbytère n’a rien perdu de son charme, ni le jardin de son éclat, pour reprendre l’intitulé complet du spectacle, un titre énigmatique emprunté au Mystère de la chambre jaune (1907) de Gaston Leroux. On comprend mieux l’allusion quand on sait que les locaux de la compagnie se trouvent au chemin du Presbytère. Quoi qu’il en soit, le ballet a été créé en 1996, soit neuf ans après le départ de Maurice Béjart de Bruxelles et son arrivée à Lausanne. Il raconte les années sida (un danseur déclare : « Vous nous avez dit : faites l’amour, pas la guerre. Nous avons fait l’amour, pourquoi l’amour nous fait‑il la guerre ? »), avec les danseuses qui égrènent les prénoms d’amis disparus, sur des musiques du groupe Queen et de Mozart, dans des costumes signés Versace. Le succès du Presbytère ne s’est jamais démenti avec les années – plus de quatre cents représentations dans le monde entier jusqu’ici – et il reste l’une des pièces phares du BBL.
Les huit représentations programmées à Lausanne ont toutes affiché complet très vite, c’est dire. Et l’ovation debout ainsi que les bravos et les applaudissements nourris qui ont fusé une fois le rideau baissé (mais qui a dit que le public suisse était réservé ?) ont dû mettre du baume au cœur des danseurs. Car le BBL a connu bien des déboires ces dernières années : depuis la mort de Maurice Béjart (2007) en effet, on ne cesse de remettre en question la place de l’institution sur la scène chorégraphique : faut‑il en faire une « compagnie musée » destinée à ne perpétuer que l’héritage du célèbre chorégraphe ? Ou des chorégraphes doivent‑ils être invités à créer des ballets ? Jusqu’ici, c’est cette seconde solution qui a été choisie, quand bien même le public ne réclame que du Béjart. De surcroît, une grosse crise a secoué l’institution cet été, entraînant la mise à la porte immédiate de Gil Roman, le fils spirituel de Maurice Béjart, et d’autres responsables. Enfin, le BBL ne fait plus autant recette à l’étranger, et les grandes tournées dans les salles prestigieuses se font plus rares désormais, entraînant des soucis financiers pour la compagnie.
Les polémiques se sont donc tues, le temps des représentations triomphales du Presbytère à Lausanne, qui ont attiré près de 13 000 spectateurs. La compagnie s’est montrée en très grande forme. Si la fascination et l’engouement du public pour ce ballet sont toujours au rendez‑vous, c’est avant tout pour les chansons de Freddie Mercury, car les mouvements chorégraphiques, plutôt classiques, n’ont rien de très original. La grande force de Maurice Béjart, c’est néanmoins d’avoir su enchaîner avec brio de somptueux tableaux d’ensemble très esthétisants et des images fortes. Parmi ces dernières, on pense notamment à la scène de la boîte qui se remplit petit à petit de danseurs, jusqu’à n’offrir plus aucune place. On retient aussi le superbe solo d’Oscar Chacón sur la Musique funèbre maçonnique de Mozart. Juste avant « The show must go on », qui clôt la soirée, des images vidéo de Jorge Donn, le danseur fétiche de Maurice Béjart, sont projetées sur un grand écran. Durant les saluts finaux, les danseurs reviennent sur scène devant un portrait géant de Maurice Béjart, que certains, comme Elisabet Ros, un des piliers de la compagnie, n’hésitent pas à caresser. A quand la prochaine reprise du Presbytère ?
Claudio Poloni
|